Revue DVD sortie début novembre : Un couteau dans le coeur/ Carré 35/ The cakemaker/ Joueurs/ Nobody's Watching
Thiller érotique, documentaire familial, récit iniatique new yorkais, romance fiévreuse et romance encore, mais en version gay et boulangère : cinq excellents films sortent en DVD cette semaine du 5 au 9 novembre, et on vous en parle dès ce dimanche soir, histoire de vous mettre l'eau à la bouche et de noter leurs dates de sorties sur vos agendas :
1. Carré 35/ EN DVD le 7 novembre ( Pyramide Vidéo/ TF1 studio)
On connaît surtout Eric Caravaca pour ses rôles d’acteur de théâtre ou de cinéma mais depuis quelques semaines on le connait aussi en tant que réalisateur d'un documentaire, Carré 35, qui revient sur le décès de sa petite sœur avant sa naissance.
Un film financé par Auverge Rhone Alpes donc largement diffusé dans notre région) devant lequel on est sortis totalement enthousiaste de la projection .
Et si le film le plus passionnant, le plus bouleversant, le plus beau tout simplement de cet automne était un documentaire. Enfin non « Carré 35 » d’Éric Caravaca n’est pas un documentaire, c’est un vrai film de cinéma, un film noir et tendre, un film intime et historique, un voyage d’une folle justesse au cœur d’une famille française.
Caravaca, la quarantaine passée, sent qu’il y a une faille dans son livret de famille.
A la naissance de son fils Balthazar, il questionne ses parents, il les filme au plus près, découvre un secret et ensemble ils reconstruisent leur histoire.
Une histoire entachée d’un bonheur brisé, de honte et de non-dits. Voilà, c’est tout ce que vous saurez en lisant cette chronique, mais croyez-moi, si vous osez franchir la porte des quelques salles qui projettent ce formidable film, une vague d’émotion pure vous emportera.
Acec ce film, Caravaca a touché quelque chose qui dépasse largement sa propre famille , donc pas de voyeurisme...c’est presque un cas d’école de psychothérapie familiale réussie.....
leur fils cinéaste les aide à se délivrer de ce lourd secret qui n' en était un finalement que pour Éric et son frère...
A mes yeux il n'y a la aucune impudeur, ni de viol intime car il n'y a ni crime ni faute impardonnable...les parents sont simplement les victimes d' une époque et du regard des autres, la honte et la culpabilité d' avoir un enfant handicapé existe encore.
Le cinéaste offre un tendre pardon et il peut inscrire son fils Balthazar dans un arbre généalogique complet...c'est une auto fiction assumé de part et d' autre qui aide tout le monde...
2. UN COUTEAU DANS LE COEUR -sortie DVD et BLURAY le 8 novembre ( Memento Films)
Le premier long métrage de Yann Gonzales, Les rencontres d’après minuit, avait fait le buzz lors du Festival de Cannes 2015, une oeuvre dôtée d'un vrai parfum de scandale comme Cannes les affectionne particulièrement, mais qui tournait bien vite à l'exercice de style prétentieux et vain et qui tombe hélas plusieurs fois dans le ridicule.
Un couteau dans le cœur, son second film présenté cette année dans la section reine du plus grand festival de cinéma du monde( même si le film aurait sans doute plus sa place en séance de minuit )
Avec un sujet chaud -le milieu de la pornographie gay dans les années 70-, Yann Gonzalez livre un thriller érotique et sulfureux et ne lésine pas sur les scènes chocs et les effets de style.Le pari était casse gueule, mais au bout du compte, c'est une très bonne surprise que ce “couteau dans le cœur” si bien sur on ne le prend pas au premier degrès comme certain festivaliers ont eu tendance à le faire .
Imagerie très seventies, polar urbain, décors sordides d’usine désaffectée, de locaux industriels à la marge de la cité qui deviennent des lieux où des hommes et des femmes eux aussi à la marge s’aiment, se repoussent où tout simplement cherche à exister
.Rouge puissant, bleu électrique, noir luisant comme le trench en cuir verni de l’héroïne et surtout le jaune Giallo des film de série B italiens.
On aime les intentions du cinéaste : (plongée dans la fin des années 70, références en tous genres, giallo, onirisme, un soupçon de poésie, une actrice en état de grâce,du sexe -mais pas trop-, un peu d'humour -subtil et référencé-(on pense notamment pendant tout le film à un autre film qui raconte le quotidien d’une ouvreuse e de cinéma porno: “Simone Barbès ou la vertu” sorti en 1979 ) et beaucoup d'intelligence .
Alors certes, le scénario importe très peu et laisse totalement indifférent: des crimes, un coupable, peu importe.
Car Tout Mario Bava et surtout tout Dario Argento sera revisité par Rainer Werner Fassbinder. Nous aurons droit aussi à l’après-midi d’un faune sorti du Satyricon de Fellini.
Et comme on a pas toujours le temps de voir ces grands classique de la série B voir Z que sont , ‘'”Le corps et le fouet”, “L’oiseau aux plumes de cristal”, “le chat à neuf queue” ou “les frisson de l’angoisse” courrez voir le film de Yann Gonzalèz qui a réussi à fabriquer un film de genre nostalgique en ressuscitant une époque disparue. Un cinéma certes loin d'être parfait, mais qui au moins ose, et ça c'est un vrai bonheur !
UN COUTEAU DANS LE COEUR Bande Annonce
Bonus & suppléments
Présentation macabre par Pierre Emö Bande-annonce "De sperme... et d'eau fraîche" Clip "Les vacances continuent" Bande-annonce "Un couteau dans le coeur" |
3. The cakemaker ( Outplay/ Damned)
The Cakemaker, premier long métrage du réalisateur et vidéaste israélien Ofir Raul Graizer, un film d'une délicatesse inouie, qui sort ce en DVD ce 6 octobre
Thomas (Tim Kalkhof) travaille comme pâtissier au Kredenz Café, un petit café situé au coeur de la capitale allemande. Le moment où Oren (Roy Miller), un père de famille israélien en déplacement professionnel à Berlin pousse la porte de son café est le point de départ d'une liaison secrète qui durera presque trois ans entre les deux hommes. Leur idylle prend fin lorsqu'Oren meurt dans un accident de voiture. Dévasté, Thomas décide de partir à Jérusalem sur les traces de son amant, de sa vie là-bas, dans l'espoir de garder, d'une manière ou d'une autre, un lien avec lui.
Peu à peu, il pénètre dans ce qui fût le quotidien d'Oren : il se fait embaucher dans le café de sa femme Anat (Sarah Adler) pour de petits travaux, puis grâce à ses talents de pâtissier, commence à confectionner des gâteaux, ceux qu'il faisait au Café Kredenz, ceux qu'Oren appréciait tant. Il rencontre son fils, son frère, Moti (Zohar Strauss) très religieux et très méfiant à l'égard de ce jeune allemand non-juif, sa mère, découvre la maison où il vivait...
Plus il passe de temps avec eux, plus il se rapproche de ces gens qu'il a l'impression de connaître depuis longtemps. Et irrémédiablement, d'Anat.
Grâce à une écriture particulièrement subtile, Ofir Raul Grazier nous plonge dans deux univers très différents : d'un côté, Berlin, ville synonyme de liberté dans laquelle un homme peut vivre sa relation avec un autre, et de l'autre, Jérusalem, ville où la religion est omniprésente, où le poids des traditions est énorme.
Ofir Raul Grazier a étudié la gastronomie avant le cinéma et ça se sent. Les scènes montrant la confection des pâtisseries sont un régal, les coups de fourchette dans les parts de Schwarztwald une véritable torture pour qui a fait la bêtise de ne pas manger avant la projection.
Dire que nos sens sont constamment sollicités dans ce fort joli film est un euphémisme...
On ne peut qu'être particulièrement bluffé par l'interprétation de Tim Kalkhof, qui incarne le personnage de Thomas avec une justesse et une pudeur absolues. On s'attache à ce jeune garçon discret, qui ne sait pas trop ce qu'il fait dans cette ville et dans ce quotidien à mille lieues du sien.
Dans ce rôle, Tim Kalkhof, davantage un acteur de télévision que de cinéma en Allemagne, est particulièrement impressionnant de sincérité et de nuances. Sarah Adler est elle aussi très émouvante dans ce rôle de veuve qui arrive à maintenir la tête haute après la mort de son mari, à défendre son outil de travail contre les pressions religieuses, à s'affirmer en tant que femme libre.
Vous l'aurez compris, The Cakemaker, belle et émouvante ode à la liberté est vraiment un très beau film qu'il ne faut pas rater lors de sa sortie DVD!
Bonus
-'Instantané', par le compositeur Dominique Charpentier
-3 recettes inspirées du film
4. JOUEURS, ( sortie 7 novembre Sortie le 7 novembre en DVD et VOD M6 Vidéo/ bAC films).
"JOUEURS » de Marie Monge, avec Tahar Rahim et Stacy Martin, fut présenté à la Quinzaine des Réalisateur du Festival de Cannes .
Perdue au beau milieu d’un quotidien morne et sans saveur, l’existence d’Ella bascule quand elle rencontre Abel. Accro à l’adrénaline que lui procurent les jeux d’argent, le jeune homme l’entraîne dans une passion dévorante où l’enjeu est de mise…
Dans le sillage de son dernier court-métrage, "Marseille, la nuit", qui lui avait valu une nomination aux César en 2014, et qui est présenté en complément idéal du bonus DVD, Marie Monge nous plonge avec le bien nommé Joueurs dans l'univers des cercles de jeux .
Intriguée par un monde souterrain et mystérieux, la réalisatrice a mené un travail d’investigation pour tisser son intrigue autour de joueurs, des croupiers, des machines à sous , et des gérants qu’elle a côtoyé intensément pour se documenter.
L’univers des tables de jeux est un sujet souvent conté de l’autre côté de l’Atlantique, mais plus rarement en France (on se souvient de Poker de Catherine Corsini dans les années 80 ou des Mauvais joueurs avec Pascal Elbé plus récemment).
Dans la première partie de ce film qui insuffle du cinéma de genre aux allures de film noir à une histoire d’amour passionnelle, on plonge avec un bonheur certain dans un monde souterrain largement clandestin, fait de méandres financiers et de Paris plus ou moins risqués dans un Paris nocturne et interlope, où l’adrénaline est de loin la carte maitresse.
La peinture de ce monde de cercles de jeu parisien possède un petit côté scorsesien et l’exposition des us et des coutumes des cercles de jeu fait forcément penser au Casino. Sauf qu’ici Paris remplace Las Vegas, ce sont les cartes et les roulettes qui font la loi.
"Joueurs" bénéficie ainsi de quelques qualités non négligeables, notamment celles de nous rendre assez vite familier un monde qui reste opaque pour le commun des mortels.
Séduisante aussi, cette idée la réalisatrice d'inverser les codes du film noir et de faire du personnage masculin "la femme fatale" d'autant plus que Tahar Rahim est très crédible séducteur qui représente la tentation pour l'interdit.
Dommage que le film perde un peu de son intensité dans la seconde partie, avec des ellipses pas forcément trop maitrisées, des rebondissements qui semblent quelque peu rien plaqués, et un manque d’épaisseur surtout dans les personnages secondaires, qui, mis à part, le toujours excellent Karim Leklou, n’existent pas vraiment.
Bref si le long-métrage ne tient-pas toutes ses promesses de départ, cette passion ardente entre deux âmes à la dérive dans un milieu mal connu séduit quand même largement.
5. Nobody's watching ( Epicentre Films/ 6 novembre )
Cette année on a eu la chance de rencontrer, pendant près d'une heure, la cinéaste argentine Julia Solomonoff venue sur Lyon présenter son dernier et très beau film "Nobody’s watching", projeté dans le cadre du festival LGBT "Ecrans Mixtes".
Nobody’s watching est le troisième film de Julia Solomonoff, était le second à sortir en France après "Le dernier été de la Boyita" en 2009.
Dans ce long métrage, Julia Solomonoff, part d'une histoire très personnelle (elle a comme son personnage principal un comédien qui a quitté son pays natal, l'Argentine pour tenter de réussir aux USA), mais masculinise son héros, probablement pour prendre la distance nécessaire à ce matériau si intime.
Contrairement à la plupart des films sur New York, Big Apple est vue ici comme une cité particulièrement difficile à appréhender pour un immigré et qui, de par sa nature individualiste et sans pitié pour ceux qui ne sont pas des "winners" de nature, détruit plus qu'elle n'aide ces êtres en perdition, comme l'est Nico, comédien star d'une sitcom à Buenos Aires et galérant aux States, accumulant les petits boulots notamment comme baby sitter.
Avec beaucoup de finesse et de sensibilité, Nobody’s watching nous montre par petites touches et sans didactisme aucun, comment une star en Amérique du Sud va sombrer dans l’anonymat de la grande mégalopole et comment, peu à peu, il devra abandonner ses rêves et ses illusions de départ.
Et le film montre aussi, avec la dérision nécessaire, combien le cinéma américain se nourrit de clichés et de représentations et qu'un blond latino n'est pas assez typé pour passer le cap des castings, un peu à la manière d'un Aziz Anzari dans la formidable série Master of none .
Ballade mélancolique narrant le sentiment de déracinement et l’errance qui étreint ce comédien argentin dans New York, Nobody’s watching est porté par l'époutousflante prestation de Guillermo Pfening dans le rôle principal, apportant une belle palette de nuances, entre l’image qu’il s’efforce de garder dans son rapport aux autres et le désespoir qui le ronge progressivement.
Car le film parle aussi de ces petits mensonges que l'on se raconte à soi meme et aux autres lorsque nous n’avons pas le courage d’affronter nos problèmes.
Rencontre impossible entre le cinéma authentique d’Amérique du Sud et le si envié (et si difficile à atteindre) American Dream, Nobody's Watching parle d'échecs et de regrets sans jamais s'apesantir sur le coté dramatique et tragique sur un personnage qu'au fond comme le titre du film l'indique « Personne ne regarde vraiment, ce qui pour un acteur est le comble du desespoir .
En cela, le soin apporté à la lumière, crépusculaire et nocturne, ainsi que la précision du travail sur l'ambiance sonore accentue ce sentiment d’épuisement et de la fuite vers l’avant que ressent le "héros" de ce très beau film.
BONUS
Entretien de Julia Solomonoff
Bio-filmographie de la réalisatrice
Film-annonce
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