#PrixAudiolib2019 "Avec toutes mes sympathies" d'Olivia de Lamberterie en version audio : un bouleversant hommage
Couronné du Prix Renaudot Essai 2018, Avec toutes mes sympathies (Stock) d'Olivia de Lamberterie est le récit d'un chagrin incommensurable. Celui de l'auteure confrontée à la perte de son frère Alex, atteint de ce que son médecin appelait une saloperie, un mal profond appelé dysthymie.
Mister Baz'art en avait déjà livré la chronique ici au moment de la rentrée littéraire de l'automne dernier, à mon tour cette fois de vous parler de la version sonore écoutée dans le cadre du Prix Audiolib 2019. Une version que l'auteure a elle-même enregistrée, ce qui rend son récit encore plus beau, encore plus courageux, encore plus bouleversant.
Nous connaissons la Olivia de Lamberterie journaliste sur Télématin et dans le Masque et la Plume, rédactrice en chef du magazine ELLE. Celle qui chaque matin régale les lève-tôt de ses conseils littéraires et dont le nom orne parfois les quatrièmes de couverture de livre, comme une référence, un argument d'autorité. Entendre "C'est le dernier coup de coeur d'Olivia de Lamberterie" suffit à nous faire passer directement à la caisse d'une librairie, sans avoir besoin d'en entendre davantage.
Cette fois, la grande et célèbre lectrice, l'amoureuse des livres vedette est passée "de l'autre côté", celui de l'écriture. Non pas d'une chronique ou d'un petit encart dans une quelconque rubrique dédiée aux livres, mais de celle d'un récit qui la touche personnellement : celui du vide qu'a laissé la perte de son frère, Alex, qui s'est donné la mort à 46 ans, en sautant du pont Jacques-Cartier, à Montréal.
Ce récit, elle devait l'écrire. Elle en avait besoin, pour lui rendre un dernier hommage, à ce frère à la fois si sombre et si lumineux.
Oui je vais m'y coller, pour toi, pour moi, des années que je tourne autour, que j'avale des bibliothèques pour repousser l'échéance.
Elle l'a intitulé ainsi car "Avec toutes mes sympathies" est l'expression que les québecois emploient pour présenter leurs condoléances. La première fois qu'elle l'a entendue, c'était à son arrivée à l'aéroport de Trudeau avant l'enterrement de son frère, lorsque le douanier l'a interrogé sur le motif de sa visite, il y a des milliers d'années.
Elle évoque avec une grande pudeur et une infinie tendresse ce frère qu'elle aimait tant. S'adressant tantôt à lui - à travers de bouleversants Où es-tu, Alex ? -, tantôt à nous, ses confidents audio-lecteurs. Leurs souvenirs d'enfance. Le jour du premier basculement où la nouvelle de sa première tentative de suicide a fait irruption dans son quotidien, lors de ses vacances d'été à Cadaquès. La période de sursis qui en a suivi ponctuée de séjours à l'hôpital, d'espoirs d'un mieux, de retombées dans les affres de la mélancolie. Puis du malheureux succès de la deuxième tentative. De ce nouveau basculement vers cette chose impensable : une vie sans lui.
Tu as sauté dans le vide parce que tu pensais que c'était la meilleure chose pour toi. J'y croirai jusqu'à la fin de mes jours. Le néant ne t'as pas englouti. Je sais où tu es dorénavant : tu es en nous.
Mais comment évoquer ce frère sans parler de ce garçon qui l'amusait tant ? Elle le fait revivre en lisant des lettres et des mails qu'il lui avait adressés. En parlant de ces moments en famille "avant" et "après", de ce frère si talentueux, graphiste chez Ubisoft, père de deux enfants, qui avait tout pour être heureux et qui a pourtant fini par se lasser de la vie. L'auteure se livre tout entière, nous parle de ses rendez-vous chez le psychologue, de ce que la mort de son frère a fait d'elle : une survivante.
Dans ce récit, elle nous parle aussi de son amour pour la littérature, de sa vie de journaliste émerveillée par les mots, enthousiasmée par les rentrées littéraires.
Lire permet non de fuir la réalité, comme beaucoup le pensent, mais d’y puiser une vérité. L’essentiel pour moi est qu’un texte sonne juste, que je puisse y discerner une voix, une folie ; je n’aime pas les histoires pour les histoires, encore moins les gens qui s’en racontent.
Je lis comme je respire, j’ai mes rituels, je commence par la page 66 pour voir si l’ouvrage en vaut la peine puis je dévore. J’adore cette existence parallèle, cette réalité augmentée.
Son récit m'a profondément touchée, car il m'a fait entrevoir sa force. Vous aurez peut-être du mal à le croire, mais malgré tout, Olivia de Lamberterie arrive à nous faire sourire à travers nos larmes, à provoquer en nous des émotions contradictoires, faites de joie et de tristesse. Elle parvient à éviter de tomber dans l'odieux piège du pathos, à sauter pied-joint dans le camp de l'espoir. De son frère, elle gardera le meilleur, car c'est ce qu'il mérite.
La narration...
Olivia de Lamberterie a fait la prouesse d'assurer elle-même la lecture de son histoire, de celle de son frère. Qui d'autre aurait pu le faire ? Le fait de l'entendre lire a forcé mon admiration. Sa voix est douce, paisible et calme, comme un murmure, comme si elle voulait se confier à nous. Dans sa voix, nulle ombre de colère, nul trémolos. Tant de fois, j'ai eu envie de réécouter certaines de ses phrases - heureusement que l'option "retour en arrière" sur un CD existe ! -, car elles sont si belles, si justes, si poignantes. Ses mots, sa voix, résonnent encore dans mes oreilles.
Merci pour ce si émouvant hommage, Madame de Lamberterie !
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