"Une Minute quarante-neuf», la tuerie de Charlie Hebdo, 5 ans après, vue par un survivant
«Une Minute quarante-neuf», c'est la durée de l'attaque perpetré contre le Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, soit il y a tout juste 5 ans... Alors que cette année sera celui du procès de la tuerie, la lecture du livre de Riss sorti il y a trois mois tombe à points nommés pour faire entendre le témoignage de ceux qui ont vécu de l'intérieur cette terrible tragédie.
"Conservée pendant des années, toujours à mes côtés jusque dans les locaux du journal, cette trousse mémorable avait cette fois disparu pour de bon. Sur les lieux d'un tel drame, cet épisode incongru revenait à ma mémoire comme les débris d'un naufrage surnageant dans l'écume."
Riss, journaliste, dessinateur, et patron de Charlie Hebdo depuis l'attaque, survivant du massacre - touché à l’épaule par une balle de kalachnikov, il a survécu en faisant le mort-.
Son livre traite moins de la douleur physique que de violence et de mora publié un témoignage aussi saisissant qu’implacable sur ce drame et ses conséquences.
Le livre n'a peut être pas la puissance littéraire du Lambeau de Philippe Lançon, mais la plume de Riss, dessinateur à la base est néanmoins essentielle et salutaire et la plume de Riss est belle et prend aux tripes.
"Je craignais que le temps n'épuise ma mémoire et qu'un jour ce que j'avais vécu n'ait disparu de moi. L'oubli me serait plus douloureux que d'avoir le coeur tordu par la rencontre fortuite avec un de ces petits morceaux de plombs . Jamais je tournerai le dos à ce jour de janvier."
Moins littéraire peut être que "le Lambeau", mais également plus engagé aussi car cette « Minute quarante-neuf» est un cri de rage mais aussi un cri du coeur sur la perte, le remords et la difficulté d'être un survivant quand tant d'autres de ses potes n'ont pas survécu au massacre.
<ON y parle de liberté d'expression évidemment, principe sérieusement entaché depuis 2015 mais que Riss veut encore croire intangible, même jamais totalement acquise, Riss s'y accroche comme à une bouée.
" Le courage des survivants, c'est d'oublier qu'on est un survivant.C'est d'arrêter de vivre comme un survivant et de vivre à nouveau comme un vivant."
On y trouve des très beaux portraits des victimes du massacre. Cabu, Charb, dessinateur de génie selon Riss, Tignous et Wolinski ont droit chacun à un chapitre qui leur rend très joliment hommage.
Mais le livre de Riss est aussi un pamphlet et un cri de rage qui nous rappellent si besoin était que l'attentat du 7 janvier 2015 était un crime politique qui voulait avant tout faire taire des opinions et des convictions et que d'aucuns ont utilisé cet attentat pour se faire mousser et pour des raisons purement lucratives.
Une rage puissante et permanente mais qui cohabite avec une humilité et un volonté d'y croire par dessus tout en des lendemains meilleurs.
On ressort de ce témoignage bouleversé et profondément ébranlé...