La vie dont nous rêvions : Michelle Sacks transforme l’illusion du bonheur en véritable tragédie
" On dirait que tout est pur ici, ai-je dit un jour à Karl. Comme si rien de mal ne pouvait jamais arriver. Il a éclaté de rire. Tu sais combien il y a de dépressif et d’alcooliques ici ? m’a-t-il demandé. Ou d’alcooliques dépressifs ? »
La vie dont ils rêvaient ? Une vie tellement parfaite pour Sam, Merry et Conor leur bébé, de purs bobos newyorkais venus prendre un nouveau départ en Suède. Un air pur et vivifiant, un ciel bleu électrique, une maison nichée dans les bois à trente minutes de Stockholm.
Tout cela sonne tellement vrai, tellement authentique, comme dans le catalogue de vente d’un célèbre fabricant de meuble.
« Le mari. Le maître de la maison. J’imagine qu’il m’explique seulement ce que je ne sais pas. Ce dont j’ai besoin. Ce que je veux. Qui je suis. En échange de quoi, je lui donne tout. Je lui donne précisément la femme qu’il veut que je sois. Une prestation parfaite. Il ne se satisferait pas de moins."
Heureusement il ne faut guère plus d’une vingtaine de pages à Michelle Sacks pour faire de ce tableau idyllique une toile de Fontana.
Merry ignore que Sam a dû démissionner de son poste de professeur d’université à cause d’un scandale sexuel et Sam ne sait pas qu’en son absence, Merry visite des sites internet qui récoltent les témoignages de très mauvaises mères.
L’arrivée de Frances, l’amie d’enfance de Merry, ne risque pas d’arranger les choses. Un élément perturbateur dans une situation déjà perturbée voilà de quoi faire une bonne histoire.
"Les hommes avant Sam voulaient me sauver, souffler sur mes bobos pour les guérir. Sam veut tout reprendre de zéro. Et je répugne à le décevoir, parce que décevoir Sam est la pire chose qui soit. C’est la fin du monde, vraiment, et le retour du vide, inexorable et désespérant, qui me ronge de l’intérieur. »
Disons-le tout net « La vie dont nous rêvions » n’est pas vraiment un livre sympathique, mais c’est un livre impossible à lâcher. Véritable mise en abime du mensonge dans le mensonge dans le mensonge, la romancière va vraiment très loin.
Mais elle réussit, grâce à une écriture blanche très efficace, à rendre le lecteur empathique face à des personnages odieux. Michelle Sacks transforme l’illusion du bonheur en véritable tragédie et tricote un thriller bleu layette particulièrement efficace. Attention ,« happy end » peu conventionnel.
La vie dont nous rêvions : Michelle SACKS- Editions Belfond