Rentrée littéraire 2020 : Les nuits d'été, le beau et mélancolique second roman de Thomas Flahaut
"Mais Mehdi n'a pas le temps de s'étonner qu'ils soient si peu nombreux dans le grand atelier, pas le temps d'en demander la raison à Romulad.la Miranda qu'il sait être la sienne pour l'avoir soignée durant tant d'étés gueule déjà. Son ventre est vide. Son alarme stridente, même après un automne , un hiver et un printemps loin d'elle, il ne peut pas l'oublier. Le rythme de l'usine le hameconne. Ainsi commence l'été. Mehdi se frotte les mains. Allez."
Fils d’ouvrier, Thomas Flahaut a lui-même travaillé pendant une petite période dans une usine de son Jura natal avant de partir étudier le théâtre et la littérature à Strasnbourg et en Suisse .
Le monde ouvrier semble assurément l'habiter et en tout cas imprégner l'ensemble de ses écrits puisqu'il était déjà le décor principal de son premier roman, Ostwald, à forte dimension apocalytique.
Pour les nuits d'été, son second roman, Thomas Flahaut s'inscrit dans une veine plus réaliste mais définitivement liée à un ancrage social très fort, dans la droite lignée du Goncourt 2018, le roman de Nicolas Mathieu "Leurs enfants après eux".
Les trois protagonistes princiaux de ce roman sont trois amis d'enfance, deux garçons Mehdi et Thomas et une fille Louise qui se retrouvent le temps d'un été dans la cité HLM du Doubs de leur enfance. Alors que Louise prépare sa thèse de sociologique, Thomas se fait embacher dans l'usine où travaille Mehdi et ou ont travaillé leurs pères respectifs.
Alors que ces paternels ont trimé toute leur vie pour éviter que leurs descendance connaissent le même destin, l'ultra libéralisme ambiant fait que finalement, la précarité est également l'horizon qui attend la génération postérieure.
Ces trois jeunes gens qui cherchent leur place dans une vie et une société qui semble ne pas vouloir d'eux sont parfaitement représentatifs d'une partie de la jeunesse actuelle qui tentent de survivre dans un monde jalonné d'obstacles surtout pour ceux qui n'avaient pas toutes les cartes en main .
Flahaut décrit toutes ces mutations et ces contradictions du monde professionnel actuel avec énormément de justesse, et en privilégiant toujours la densité romanesque de son récit, sans jamais verser dans le roman à thèse.
On pense évidemment dans un genre littéraire très différent au très beau A la ligne de Joseph Pontus (La Table Ronde, 2019)
Mais Les nuits d'été aborde également des sujets qui traversaient déjà le premier roman de l'auteur, celui de la quête identaire, du très difficile passage à l'âge adulte et des relations parfois complexes entre les générations.
Thomas Flahaut connaît parfaitement les décors et les personnages de son roman, et cette authenthicité et cette empathie qu'ils leur portent contribuent pour beaucoup à la grande réussite de ces nuits d'été, aussi mélancoliques que sincères...
"Les nuits d'été" de Thomas Flahaut; Les éditions de l’Olivier, 224 pages, 18 €