Baz'art  : Des films, des livres...
8 février 2021

Rencontre avec Thomas André, auteur du roman "L'Avantage" ...

  Thomas André a publié; aux éditions Tristram, à l'occasion de cette rentrée littéraire de janvier 2021 "L'avantage", un premier  roman qui nous a particulièrement impressionné (lire notre chronique ici même). 

Un roman vraiment étonnant de maîtrise et de talent  qui nous a donné envie d'en savoir plus sur ce jeune romancier, ce qui nous a permis de parler avec lui de tennis et de littérature, deux de nos grandes passions :

lavantage

 Qui êtes-vous, Thomas André, auteur sorti d'un peu nulle part ?

  Thomas André : Nulle part, je ne dirais pas ça quand même…

C'est quand même assez logique qu'on ne me connaisse pas, vu que c'est mon premier roman.

Disons que j'ai suivi un Master de création littéraire à l’Université Paris-8, avec la romancière Olivia Rosenthal comme responsable. Cela a donné un cadre à mon écriture et m’a permis d’aller au bout de mon projet.

J’avais entendu parler de cette formation grâce à « Fief » de David Lopez, un  très beau roman sur la boxe. C’est une lecture qui m’a donné envie de tenter ma chance à mon tour.  

Comment réussir à se faire connaître des maisons d'édition quand on a encore jamais publié?

  Thomas André : J’ai simplement envoyé mon manuscrit par la Poste. J’avais sélectionné très peu de maisons.

Je voulais vraiment être publié chez un éditeur qui corresponde à mes goûts littéraires, qui soit sensible avant tout à la phrase, à l’univers littéraire. 

Tristram m’a répondu très rapidement, ils avaient aimé le livre et souhaitaient le publier.

On a procédé à quelques ajustements, mais la version finale est très proche celle que je leur ai adressée.

   Et pourquoi avoir dit oui à Sylvie et Jean Hubert, les mythiques fondateurs  des éditions Tristram ? 

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  Thomas André : En écrivant « L’Avantage », j’ai toujours eu Tristram dans un coin de la tête.

Leur ligne éditoriale, très audacieuse, privilégiant des textes atypiques, correspond à ce que j’aime en littérature. Il y a dans leur catalogue des livres tels que « Sur la boxe » de Joyce Carol Oates ou « Fat City » de Léonard Gardner qui m’ont aidé à écrire « L’Avantage ».

Certains lecteurs me disent que mon livre aurait pu intéresser les Éditions de Minuit, qui est bien sûr une maison fascinante, mais je ne me reconnais pas dans le formalisme très poussé de leurs publications.

Je voulais quelque chose de plus simple, de plus spontané.

Je trouve que « L’Avantage » est réellement à sa place chez Tristram.

Est-ce que le tennis, en tant que sport individuel, conditionne forcément la tonalité générale du roman et son écriture sèche, sans psychologie excessive ?

 Thomas André : J’ai une écriture qui cherche à décrire avant tout les gestes et les sensations, qui se méfie de la psychologie et de l’expression trop directe des émotions

Un sport individuel comme le tennis se prête bien à ce genre de prose.  

Pourtant, jusqu’à maintenant, les écrivains se sont plutôt emparés de la boxe.

De grands romanciers américains comme Jack London ou Hemingway en ont fait une métaphore de l’écriture.

Moi, je voulais voir s’il était possible de faire un roman de boxe, mais avec du tennis.

Andre-Agassi-Open

Dans son autobiographie (NDLR :  qu'on a chroniqué ici même), Andre Agassi écrit : « Au bout du compte, tout joueur de tennis se prend pour un boxeur. » J’aurais pu placer cette réflexion en exergue de « L’Avantage ».

Pour l’écriture, j’ai notamment été influencé par les chroniques de Serge Daney (voir photo à droite) publiées par P.O.L. sous le titre de « L’Amateur de tennis ».

La façon dont il décrit les jeux de Borg, McEnroe ou Wilander est fascinante. Il jette réellement un pont entre style tennistique et style littéraire.

C’est lui qui m’a montré qu’il était possible d’écrire réellement sur le tennis.

Selon vous, faut-il nécessairement apprécier le tennis

pour aimer « L’avantage » ?

 Thomas André :  J'espère bien que non.

Bien sûr, il y a tout un vocabulaire technique qui risque d’échapper au lecteur qui n’est pas familier de ce sport, mais ce n’est pas le plus l’important.

Le lecteur peut se laisser emporter par le rythme du match et sentir quand même très bien ce qui se joue.  

Et puis il n’y a pas que le tennis, dans ce roman. Les scènes de matchs répondent à celles que le narrateur, Marius, vit en dehors des courts.

Les émotions ressenties par Marius sur le court peuvent avoir une influence sur sa vie quotidienne,  et vice-versa.

Ce sont deux pôles qui se nourrissent l’un à l’autre.

Marius est un personnage extérieur au monde qui l’entoure, un peu à la Meursault de « L'étranger »  de Camus. C'est une référence pleinement assumée ?

 Thomas André : Oui. C’est à peu près à l’âge qu’a Marius (16-17 ans) que j’ai découvert le roman de Camus.

Quand j’ai voulu écrire sur l’adolescence, je me suis tout naturellement approprié cette écriture. Il y a une passivité un peu gênante chez Marius comme chez Meursault.

Sauf que sur le court de tennis, la distance de Marius vis-à-vis de lui-même tourne à son avantage.

Contrairement à beaucoup de ses adversaires, il ne se laisse pas envahir par des émotions qui pourraient parasiter son tennis. C’est le sens du titre du roman.

C’est notamment vrai dans son match avec son ami et rival Cédric qui sert de bascule au récit, non ?

 Thomas André : Oui, tout à fait, car tant que Cédric est présent, c’est lui qui sert de moteur au texte, Marius profite de son énergie pour continuer à passer des tours dans le tournoi.

Mais une fois Cédric éliminé, Marius va devoir chercher en lui-même les ressources pour avancer, il ne pourra plus se cacher derrière Cédric.

En fait, il va devoir faire siennes certaines qualités de Cédric, comme la confiance en soi.

 Surtout que la différence entre les deux se fait aussi sur le terrain social, non ?

 Thomas André : Oui, même si ce n’est jamais dit explicitement dans le texte. Le tennis est un sport plutôt bourgeois, et on voit bien que Cédric appartient à une famille aisée.

Quant à Marius, on peut deviner qu’il appartient à un milieu plus modeste parce qu’il supporte le RC Lens, ou que son père fait un métier manuel.

Mais je voulais écrire une histoire sans toile de fond sociale trop prégnante. Ce n’est pas le sujet principal du roman.

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On sent aussi, après le match avec Cédric, que Marius cherche à libérer son jeu car, d’après la description de ses premiers  matchs, on a plus à faire avec un tennisman attentiste et endurant, qu’un attaquant de fond de court, non ?

  Thomas André :  .Oui, tout à fait. Ce qui était intéressant, pour moi, c’était de faire de ce style de jeu un style d’écriture. Marius n’est pas le genre de joueur qui imprime son rythme au match.

Au contraire, il se coule dans le jeu de l’autre afin de le faire déjouer.

Il essaie surtout d’exploiter les failles qu’il sent chez son adversaire.

Mais au fil du roman, il lui arrive quand même de développer un tennis un peu plus séduisant…

Le livre se termine par la phrase suivante : " Il n’y a rien à raconter" …Ne peut-on pas voir un peu d’ironie là-dessus ? 180 pages d'un très beau texte pour finalement reconnaître qu'on a rien à raconter, cher Thomas, c'est quand même gonflé, non ? (rires)

 Thomas André :  Oui, c’est une façon d’interroger le lecteur, de lui demander ce qui, pour lui, a été raconté.

Un simple tournoi de tennis amateur ? Une amourette estivale ? Ou autre chose encore ? Moi, je ne sais pas.  

 

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Quels sont les tennismen et les types de jeu que vous préférez en tant qu’amateur de tennis ?

Thomas André: A vrai dire,  je regarde très peu le tennis à la télé. Mais le joueur qui peut aujourd’hui me donner envie de me lever la nuit pour suivre un match de l’autre côté de la planète, c’est Daniil Medvedev.

Ce qu’il apporte sur le court est unique. Quand il joue, on le sent en accord profond avec sa personnalité. C’est ça qui le rend si attachant, malgré son mauvais caractère.

Je trouve aussi très belle la façon dont Stan Wawrinka s’est métamorphosé pour devenir un autre joueur, à l’approche de la trentaine.

C’est comme s’il avait découvert une vérité sur lui-même qui lui permettait de jouer enfin son meilleur tennis, de se libérer de ses démons.

La plupart des joueurs, au contraire, ne parviennent jamais à exploiter leur plein potentiel.

  Heureux du bel accueil critique et public réservé à "l’avantage "?

Thomas André: Oui, bien sûr, même si je ne me rends pas bien compte.

Mais je sais que Tristram a demandé une réimpression, c’est que ça ne doit pas marcher trop mal.

Et petit à petit, la presse sportive est en train de s’emparer à son tour du roman. Il fait son chemin.

Un projet d'un second roman à venir qui serait encore axé sur le tennis? 

Thomas André: Ah non, quand même pas. J’aimerais bien parler un peu d’autre chose, maintenant.

Mais qui sait, si un jour mon style d’écriture, ou mon style de jeu sur le court, change du tout au tout, peut-être que je ressentirai à nouveau l’envie de raconter une histoire de tennis…

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 Thomas André, L’Avantage, éditions Tristram, janvier 2021, 162 p., 17

 

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