Grand prix des lecteurs du livre de poche : Sélection d'avril (2) Va où le vent te berce/ Le rouge n'est plus une couleur
On vous l'avait annoncé voilà deux semaines : la sélection du Livre de Poche du mois ne comporte pas trois mais bien quatre romans qu'on a pu découvrir tout avril :
Après avoir passé en revue Eden" de Monica Sabolo et ;"Les liens" de Domenico Starnone, voici notre avis sur les deux livres restants de la sélection "Va où le vent te berce" de Sophie Tal Men ", et "Le rouge n'est plus une couleur" de Rosie Price.
1/ "Va où le vent te berce" de Sophie Tal Men
"La meilleure façon d’avancer, de ne pas te sentir coupable vis-à-vis de lui, c’est d’évoquer son souvenir, d’en parler librement… à Andréa, à moi, aux autres. Il fait partie de toi, que tu le veuilles ou non. Et il continuera à construire ta vie, ton futur… À faire déferler ses vagues jusqu’à toi."
Gabriel, boxeur malmené par la vie, se retrouve un jour un peu malgré lui à devenir "berceur de bébés" bénévoledans une unité pédiatrique d'un hôpital .Il va se rendre compte qu'il a un don pour apaiser les angoisses des nouveaux nés .
Il va bientôt faire la rencontre dAnna, jeune médecin un peu paumée qui s'apprête à mettre au monde, toute seule son premier enfant.
Chacun devra affronter les fantômes et démons du passé avant peut etre de parvenir à s'apprivoiser...
On passera bien vite sur ce "Va où le vent te berce" qui fait partie d'un genre- le "feelgood book »- qui compte énormément d'adeptes mais auquel on est malheureusement profondément hermétique.
Difficile donc de juger avec objectivité le seul feel good book ( pour le moment et le dernier on espère ) de cette sélection 2021 tant à nos yeux, il ne semble pas pouvoir rivaliser avec les autres romans.
Va où le vent te berce et ses personnages blessés par la vie qui vont trouver dans les épreuves la force de se reconstruire fait partie de ces livres qui ont pour but d'apporter réconfort et bulle de douceur dans un monde opressant, et de dire aux lecteurs qu'il faut profiter de la vie malgré l'adversité.
C'est forcément un objectif très louable dans l'esprit, mais impossible pour nous de ne pas bloquer sur la prévisibilité des dialogues et des situations , pour le moins très stéréotypées..
Truffée de bons sentiments, cette rencontre de deux êtres écorchés par la vie et leur renaissance ne dérogera jamais vraiment des rails dans lequel elle s'inscrit.
On sauvera si on est bienveillant, quelques jolis portraits de soignants - Sophie TalMen est neurologue et connait visiblement bien le domaiine hospitalier- et le cadre de cette Bretagne toujours très romanesque, mais on oubliera très vite cette lecture qui n'était vraiment pas pour nous..
Note 1.5/5
2/ Le rouge n'est plus une couleur, Rosie Price
" Elle fut submergée, non par le sentiment de perte ou la nostalgie éprouvés l’année précédente, mais pas la torpeur. Il n’y avait rien de nouveau à ressentir ici pour elle, seule la vieille tristesse dont elle ne se déferait jamais. Kate dormait lorsqu’il frappa à sa porte. Il était tôt, pas même six heures, et les coups persistèrent jusqu’à ce qu’elle se lève. Elle jeta en passant un coup d’oeil au miroir au-dessus du lavabo : elle était plus pâle que d’habitude, bouffie à cause de la piquette descendue dans sa chambre, la veille. Les coups reprirent et Kate ouvrit la porte. Devant laquelle se trouvait un garçon, vêtu en tout d’une serviette de bain, la peau encore humide de la douche qu’il venait de prendre.”
Bien qu'ils viennent d'un milieu social et ont connu une éducation totalement divergente ( aimant, bourgeois et cultivé pour lui, modeste et âpre pour elle) ; Max et Kate ne se sont plus quittés dès le premier jour où ils se sont rencontrés sur les bancs de la faculté.
Une relation amicale, certes, mais très fusionnelle sous fond de soirées universitaires un peu ( beaucoup) alcoolisées et milieu du Londres upper side .
Cependant, un soir, chez Max, Kate subit un terrible viol de la part d'un membre de la famille de Max .
Comme le (très beau) titre du roman l'indique, Le rouge n’est plus une couleur, pour Kate, mais la chemise de son bourreau , qui l’empêche de voir la réalité, la ramenant constamment à la violence de cet événement forcément traumatique.
C'est pour Kate le début d'une descente aux enfers pour une jeune fille désormais habitée par la peur, le dégoût et la honte.
Après le roman précédent, on opère un changement de braquet total pour ce premier roman anglais fin et dérangeant. Le rouge n'est plus une couleur ou comment un viol peut faire voler en éclat le vernis des apparences.
Dans ce roman d’apprentissage très actuel, dont la charge féministe est particulièrement forte, Rose Price raconte comment le mal insidieux, peut surgir et peut mettre à mal une amitié a priori indissoluble .
"Rose Price dessine, avec beaucoup de justesse et d'à propos, le passage d’un avant à un après traumatisme, rendant les alternoiements de tous les protagonistes de cette histoire très crédibles, des personnages qui sonnent vrais, autant dans leurs bassesses que dans leurs désillusions et leurs lâchetés ordinaires .
Même si la jeune romancière anglaises se perd parfois dans des conjectures un peu superflues et quelques petites lourdeurs de style (c'est un premier roman), son Rouge n'est pas une couleur est assurément le plus fort et le plus passionnant de cette (sans doute plus faible que les autres) sélection d'avril..
Note 3.5/5
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