Focus sur Peter May, le plus frenchie et le plus visionnaire des auteurs de polars écossais ?
À la suite des romans de sa trilogie de Lewis, qui a conquis les lecteurs de polars du monde entier, Peter May qui nous invite généralement à parcourir avec lui les îles de Lewis, ce petit royaume écossais des landes sauvages et des côtes tempétueuses.
Saluée par de nombreux prix littéraires, toute son œuvre est disponible aux Éditions du Rouergue.
Mais Peter May, exilé en France dans le Lot, depuis de nombreuses années sait aussi proposer des polars qui nous amènent aussi soit en France soit à Londres et qui dans tous les cas savent faire vibrer ses nombreux lecteurs !
Démonstration en deux romans récents ( l'auteur publie à un rythme tellement frénétique qu'on ne sait plus trop lequel parait avant lequel) paru aux éditions du Rouergue forcément
Un alibi en béton
« Il m’arrive d‘oublier pendant dix ou quinze minutes. Même une heure ou deux de temps en temps. Et parfois un jour ou deux. Je me sens terriblement coupable, alors. Quelqu’un a tué notre adorable Lucie, monsieur. Elle aurait plus de quarante ans maintenant. Elle nous aurait peut-être donné des petits-enfants. Elle avait la vie devant elle et quelqu’un la lui a ôtée. Depuis le jour de sa disparition, je ne me sens plus le droit de rire ni d’éprouver du plaisir. »
Le cadavre d’une jeune fille est retrouvé dans la vase d’un lac asséché. Quatorze ans plus tôt sa disparition avait été attribuée à Régis Blanc, un proxénète tueur de prostituées. Mais pourquoi Blanc, homme violent et instable, qui purge une condamnation à perpétuée, n’a jamais avoué avoir étranglé Lucie Martin ? Il avait même un alibi en béton au moment de sa disparition. Le meurtrier est peut-être toujours dans la nature.
Enzo McLeod ancien légiste de la police écossaise, établi en France depuis plusieurs années, et devenu spécialiste de crimes non-expliqués, relève le défi. Il décide de croire aux tendres liens qui unissaient Régis Blanc le détenu et Lucie Martin la dévouée et idéaliste visiteuse de prison.
McLeod détective pas banal, à la vie privée très compliquée, tire le fil d’une enquête qui va le faire pénétrer, malgré lui, dans les arcanes de la vie politique française. Enzo, le piège qui est en train de se refermer sur toi risque de te laisser de profondes cicatrices et remettre en question ton propre instinct paternel. Epouses, mères, amantes et filles, ta force et ton talon d’Achille ce sont les femmes.
« En la suivant vers le fond du hall, puis dans le large escalier en spirale, Enzo se surpris à admirer le balancement de ses hanches et la façon dont sa robe épousait sa silhouette mince bien dessinée. Un coup de coude dans les cotes le ramena sur terre.
– Papa ! souffla Kirsty en le fusillant du regard. »
Un héros récurrent sexy et charismatique en diable, des enquêtes alambiquées qui plongent le lecteur dans l’histoire socio-politique française et une écriture fluide et rapide. Un bon vieux polar efficace, qui a la bonne idée de questionner tendrement la virilité de son Scottish héros et de poser un regard “very british” sur le « french way of life ».
« Un alibi en béton » est le sixième opus de la série Assassins sans visages, mais point n’est besoin d’avoir lu les cinq précédents pour dévorer celui-là
2/Quarantaine
" Beaucoup d’anciens agents de sécurité avaient rejoint les milices et réquisitionné ce genre de véhicules. D’où tenaient-ils leurs armes ? Mystère. Mais des gens riches et puissants habitaient le quartier. Or quand l’argent et la vie sont en jeu, tout devient possible »
Londres. Une capitale anglaise quadrillée par l’armée mais livrée malgré tout aux pillards et aux milices. Le virus est plus violent, la population aussi. Les inégalités sociales face à la pandémie sont aussi criantes. Et comme au temps de la peste moyenâgeuse, les portes des foyers touchés par la grippe sont marquées de croix rouges cette fois-ci.
Peter May l'écrit dans la préface de ce roman : en 2005, personne ne voulait de cette histoire campée dans une capitale européenne vaincue par un simple virus. Trop invraisemblable.
Peter May, en plein confinement dans le lot début 2020, a ressorti le manuscrit de Quarantaine du dossier où il l'avait laissé dormir pour une durée indéterminée.
"Le kiosque à journaux vert était cadenassé. Plus personne n’achetait de billet de bus touristique. Dans un angle de la place, un mégastore se morfondait derrière les planches calcinées. Quand les pillards ne réussissaient pas à arracher le bois, ils y mettaient le feu. Et disparaissaient systématiquement avant l’arrivée de l’armée."
L'ouvrage a tout de suite intéressé les éditeurs britanniques, et les éditions du Rouergue l'ont publié 10 mars dernier
Un épatant thriller qui avait prédit l'épidémie mondiale. On est soufflés par le talent de visionnaire d'un Peter May qui a certes anticipé un virus certainement un cran au dessus de la pandémie de Covid19 mais tellement percutant et finalement très réaliste.
.
Quarantaine, traduit de l’anglais par Ariane Bataille, Rouergue noir, 320 p., 22 €