Rencontre avec Philippe Lioret, pour le film «16 ans », sa relecture contemporaine de Roméo et Juliette
"16 ans" , le 9e long métrage de Philippe Lioret, le brillant cinéaste de Tombés du ciel ; Welcome, Toutes nos envies ou bien encore Le fils de Jean , sort en salles ce mercredi 4 janvier 2023.
Revisite contemporaine et urbaine de Roméo et Juliette incarnés par les jeunes Teïlo Azaïs et Sabrina Levoye. A lyon, en novembre dernier, Philippe Lioret, a présenté son dernier film 16 ans.
On l'a rencontré à cette occasion et il nous en a dit plus, avec sa générosité et sa sympathie légendraires, sur ce nouveau projet..
Philippe Lioret « Lorsque je tournais Je vais bien, ne t’en fais pas, sous un abri devant un lycée, il y avait un jeune couple qui se serrait dans les bras et pleurait tout le temps. Et un professeur m’a expliqué qu’il y avait eu un truc entre les familles et qu’ils n’avaient pas le droit de se voir.
Je me suis alors dit, « ce sont les Capulet et les Montaigu ».
Le film a mis du temps à se faire. J’en ai fait quatre entre-temps tout en gardant ça en tête. Là, c’était le moment ( il a été tourné pendant le Covid, ndlr ). »
Une nouvelle revisite du chef d'oeuvre de Shakespeare ...
Philippe Lioret « “C’est simplement la rencontre avec un très jeune couple que je trouvais très amoureux et très triste à la fois. On m’a expliqué qu’il y avait un problème de famille, ils n'avaient pas vraiment le droit d’être ensemble, de se fréquenter comme ils le faisaient de manière aussi assidue et amoureuse.
J’ai eu l’impression d’être chez Shakespeare, que c’était Roméo et Juliette. Je me suis dit qu’il fallait absolument raconter cette histoire aujourd'hui de façon contemporaine.
À un moment, je me suis dit que Shakespeare avait raison. Cela ne sert à rien de savoir pourquoi ces familles sont rivales, car ils ( Roméo et Juliette ) se foutent complètement d’où ils viennent, des reproches des uns et des autres. Raconter cette histoire me plaisait beaucoup. Eux deux, ils ont juste des preuves d’amour à se donner, mais sans vouloir se les montrer. À partir du moment où ils sont ensemble, il n’y a rien d’autre. »
... dans une version drame social actuel
Philippe Lioret : Shakespeare a écrit cette pièce au XVIème siècle, mais elle est tellement intemporelle qu’elle ne pouvait pas ne pas être transposable à notre époque et, du coup, prendre un nouvel éclairage.
Aujourd’hui, les familles Capulet et Montaigu ne se battent plus en duel à tous les coins de rue, mais une simple étincelle peut mettre le feu aux poudres. C’est inquiétant, mais plus intéressant.
Dans 16 ANS, contrairement aux héros de Shakes peare, les familles de Nora et Léo ne sont pas rivales - pas encore -, mais appartiennent à des milieux très différents.
Nora vit dans l’ensemble HLM de la ville, Léo dans le quartier résidentiel. Socialement parlant, ils sont aux antipodes, mais ça ne les concerne pas. Ils se rencontrent au lycée - endroit qui gomme aussi ces différences -, se plaisent aussitôt et, pour leur première fois, tombent puissamment amoureux. Pour eux, rien d’autre n’a d’intérêt.
Et une broutille fait que tout s’embrase.
J’ai adoré, mais vraiment adoré raconter cette histoire !"
Une mise en scène omniprésente et en même temps presque invisible.
Philippe Lioret : "J'ai toujours fait en sorte dans tous mes films à ce qu’on ne voie pas le film se faire, qu’on « n’entende » pas les dialogues, ni qu’on sente le travail de la caméra ou celui de la déco. Je veux juste « qu’on y soit », qu’on partage les sensations car ce sont elles qui priment.
Je passe mon temps à demander de la justesse aux acteurs, mais la caméra aussi peut « parler faux ».
Si dans une seule scène on la sent trop, si elle est gratuite ou démonstrative, inconsciemment on se dit : « Ah oui, c’est du cinéma », et j’ai alors l’impression de perdre tout ce que j’ai pu gagner auparavant.
Dans 16 ANS, le mouvement est permanent ; Nora, Léo, Tarek et les autres bougent tout le temps, la caméra les suit et bouge donc tout le temps aussi, mais je fais en sorte qu’on ne la sente pas.
Ne pas voir la mise en scène est une réflexion de tous les instants… et un gros travail de mise en scène.
Il y avait l’opportunité d’un film à la fois puissant et intime, mais il fallait y croire dur comme fer, ne pas se sentir « au cinéma », mais avec eux ; pas devant l’écran mais « dans » l’écran : juste capter la vie, le mouvement et si possible l’intensité.
Avec Gilles (Gilles Henry, le directeur photo), nous avons fait le pari d’adapter d’excellents objectifs sur une caméra minuscule dont le très faible encombrement nous a permis de tour- ner librement dans de très petits décors. Partant de là, les acteurs pouvaient s’immerger dans l’entièreté des scènes et nous, les suivre en continu."
Le titre du film
Philippe Lioret "À l’origine, j’avais écrit “L’Embrasement” sur la couverture. Et très vite, je me suis dit que ça racontait l’histoire d’un embrasement, mais en fait, le titre, c’est eux deux. Et qu’est-ce qui les définit le mieux : leur âge. Pour moi, c’est devenu vite une évidence. 16 ans, c’est l’âge de tous les possibles, c’est l’âge de cette divine première fois. »
Philippe Lioret et Teïlo Azaïs Lyon le lundi 28 novembre 2022
Merci à Vanessa de UGC Lyon et à Paname distribution
16 ans de Philippe Lioret (Fr, 1h34) avec Sabrina Levoye, Teïlo Azaïs et Nassim Lyes. Sortie le 4 janvier.
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