Critique : Strange way of life : il est comment le western queer d'Almodovar?
Depuis mercredi dernier, deux moyens-métrages du grand Pedro Almodovar sont réunis en une seule séance sous l'un peu pompeux titre “L’Expérience Almodóvar” .
Oubions le second moyen métrage du programme : "La voix humaine" , adaptation de la pièce de Jean Cocteau qui nous a semblé très chic, un peu vaine et surtout très toc et concentrons nous plutôt sur ce Strange Way of Life , la réponse Almovodarienne à Ang Lee et à son Brockeback Mountain.
Loi du désir vs désir de la loi?
Deux anciens amants, joués par l’Américain Ethan Hawke et le Chilien Pedro Pascal, se retrouvent après un quart de siècle.
L’un devenu shérif (Hawke), l’autre desperado (Pascal) arrivant du néant pour sauver son fils des griffes de la justice. Ce qui ne les empêche pas de s’étreindre, tandis que des secrets se dévoilent.
On pense forcément à Brokeback Mountain d’Ang Lee en regardant ce duel au soleil et tout cela semble assez logique lorsqu'on repense au fait que le cinéaste espagnol était préssenti pour réaliser le film à l'origine.
On sent que Pedro du se faire plaisir en ressuscitant le genre avec une thématique ouvertement gay.
Fidèle à son cinéma, Almodovar tire le western vers le mélo et l'exacerbation des sentiments. Le dialogue, dense et intime, prend en charge plus que les grands espaces, l'essentiel du moteur de l'intrigue.
Une romance queer entre deux anciens hors la loi.
Entre ces deux ex amants, ex tueurs à gage et remis sur le droit chemin, le temps n'a rien altéré leur passion
Sauf que désormais la loi du désir, pour reprendre un dialogue du film, et clin d'oeil évident à un des premiers films d'Almodovar, est entravé par le désir de la loi chez le shérif qui tient à faire appliquer cette loi, même si elle ne va pas dans le sens de son ancien amant.
Almodóvar, nourri de cinéma classique hollywoodien, joue ici avec les codes du genre et principalement celui de la vengeance, avec un grand respect et une forme d’allégresse.
Dommage toutefois que le film manque de consistance et fasse pencher du coté de l'exercice de style brillant mais vain, qui nous laisse à penser que Pedro est plus à son aise dans sa langue et son pays maternel.
Et avec le logo Yves Saint Laurent qui s'affiche en grand au générique- la grande maison de couture a réalisé tous les costumes et les décors- on se dit que le cinéma d'Almodovar et l'iconographique qu'elle suscité a désormais un coté marque déposée un peu regrettable.
Strange Way of Life de Pedro Almodóvar, avec Pedro Pascal, Ethan Hawke (Esp., 2023, 31 min).
En salle depuis le 16 août.