Le Fléau : une pièce immersive haletante au cœur du Domaine National du Palais-Royal
La compagnie Emersiøn est de retour avec un nouveau spectacle immersif, Le Fléau ! Je vous raconte le voyage dans le temps auquel j'ai eu droit, lors d'une chaude soirée parisienne...
Ce n'est pas la première fois que le metteur en scène Léonard Matton s'attaque à Shakespeare. Nous lui devons aussi une adaptation d'Hamlet, Helsingør, château d’Hamlet, jouée notamment au Château de Vincennes. Jusqu'au dimanche 27 août, c'est le Domaine National du Palais-Royal qui va servir de décor à un autre drame : celui de Mesure pour Mesure, rebaptisé Le Fléau par le metteur en scène et traducteur. Voilà qui nous en met d'emblée plein la vue. Quel privilège de pénétrer dans ce Domaine privatisé pour l'occasion, avec, déjà dans l'air, ce je ne sais quoi de mystérieux qui plane et qui se devra d'être raconté sans jamais être montré - les téléphones portables seront en effet requisitionnés à l'entrée. En échange, vous hériterez d'un loup qui vous assignera, au départ, à l'un des trois groupes constitués, de sorte que le détenteur d'un loup noir ne vivra jamais totalement la même chose que la propriétaire d'un loup argent.
Pénétrez les lieux et amusez-vous déjà à repérer ce qui a trait au décor : ces fausses affiches appelant à la prudence en temps de peste (qui ne sont pas sans rappeler des précautions à mettre en œuvre en temps de Covid), par exemple.
Que l'immersion commence...
Déjà, avant même le coup d'envoi, des coups de tambours se font retentir, des comédien•nes portant des costumes Renaissance déambulent entre les colonnes de Buren, discutant entre eux•elles ou avec les premier•es arrivé•es, avec nonchalance et malice. Ils seront dix-sept au total - parmi lesquels Thomas Gendronneau que nous avions pu voir au Festival Off 2022 dans Glenn - et dont la formidable interprétation lui a valu le Molière de la révélation masculine 2023 - ou encore Roch-Antoine Albaladejo qui nous avait fait rire aux éclats, toujours au Off (2021), dans Vous plaisantez Monsieur Tanner.
Nous voici à Vienne. En pleine épidémie de peste, le Duc de Vienne (Mathias Marty) quitte la ville et en confie les rênes à son vertueux ministre Angelo (Thomas Gendronneau) qui met peu à peu en place des lois puritaines (la fermeture des lieux de débauche, comme les maisons de prostitution, les actes indécents). Au même moment, Claudio (Drys Penthier) et Juliette (Justine Marçais) sont surpris en plein « délit de fornication » quelque temps avant leur mariage. Un acte hautement réprehensible qui vaut à Claudio une arrestation immédiate et, nous l'apprendrons plus tard, une condamnation à passer entre les mains du bourreau. Son dernier espoir se trouve logé entre les mains d'Isabelle, sa sœur qui s'apprête à devenir religieuse (Marjorie Dubus), la seule à pouvoir intercéder en sa faveur auprès d’Angelo. Mais à quel prix...
Jeux de pouvoir, chantages, dilemnes implacables et trahisons, se mêleront au nœud d'une intrigue qui ne souffre aucun temps mort et que vous pouvez choisir de reconstituer comme vous le souhaitez en suivant tantôt ces comédiens-ci, tantôt ceux-là. En vous désolidarisant de votre groupe pour aller écouter ce qu'il se passe du côté de la prostitué Madame Surfoutue (Zazie Delem), de ce bourreau (Jacques-Poix Terrier) ou de ce dénommé Givré (Jérôme Ragon) qui semble bien porter son nom.
L'espace est très bien investi, les comédiens restent dans un espace délimité afin que nous n'ayons pas à courir à toute allure d'un endroit à un autre et perdre le fil. Les Colonnes se découvrent un autre usage, troquant leur rôle de podium pour photo de touristes contre celui de piédestal pour une annonce officielle, rythmée au tambour. Les grilles, aussi, se fondent en parois d'une prison où Claudio attend son verdict.
La dramaturgie, à laquelle Camille Delpech (également comédienne) a apporté sa patte, est intense et prenante. Mention spéciale pour le beau bouquet final où la vérité vient éclabousser les Colonnes de lumières, à l'instar des petites lampes (d'ailleurs peut-être un peu trop modernes pour ce cadre Renaissance) disséminées ça et là.
Amateur•ices de spectacle immersif, ne boudez pas votre plaisir, ne vous tenez pas éloigné•e trop longtemps du Fléau ! Un seul conseil, tout personnel : lisez le résumé de la pièce de Shakesperare avant d'assister à ce spectacle, cela vous aidera à dissiper toute possible confusion initiale.
Pssst : le 26 août aura lieu une nocturne exceptionnelle, avec deux représentations du spectacle, il faut au moins que vous voyez l'une d'entre elles !
Liste complète des comédien•nes
Avec : Roch-Antoine Albaladejo, Thalie Amossé, Jean-Baptiste Barbier-Arribe, Dominique Bastien, Maxime Chartier, Zazie Delem, Camille Delpech, Marjorie Dubus, Thomas Gendronneau, Jean-Loup Horwitz, Laurent Labruyère, David Legras, Justine Marçais, Mathias Marty, Drys Penthier, Jacques Poix-Terrier, Jérôme Ragon, et Floriane Delahousse. Carla Girod & Maëlys Simbozel (en alternance)