CRITIQUE- ANTI-SQUAT : les dérives du mal logement
Inès élève seule Adam son fils de 14 ans, dont la passion pour le rap est prégnante . Son propriétaire désire récupérer l’appart qu’il lui louait pour sa famille.
Acculée à trouver une solution, elle va accepter la proposition d'une entreprise gérant les placements de locataires de bureau inhabité de recruter les résidents et de faire respecter les règles.
Mais jusqu’à quel point Inès est elle prête à compromettre ses idéaux, sous les yeux de son fils qui ne semble pas corroborer ses choix de vie?
Le 14 juin dernier, les députés ont définitivement voté une loi sur la lutte contre les squatteurs qui vient conforter la loi ERAN de novembre 2018 permettant aux propriétaires de confier leurs biens vacants à des organismes publics ou privés afin d’y loger des résidents temporaires.
Des sociétés privées peuvent ainsi proposer à la location des bien vacants à des tarifs en dessous du marché, mais selon des conditions très strictes. Très critiqué par la gauche et les associations d’aide au logement, le texte adopté en juin dernier dite loi" anti squat" a notamment triplé les sanctions contre les squatteurs d’un logement .
Anti squat, c'est le nom de cette loi polémique mais aussi le nom du film de Nicolas Sihlol dont la sortie, prévue ce 6 septembre 2023, vient totalement bousculer cette actualité législative.
Avec son second long métrage, Nicolas Sihlol poursuit la démarche qu'il avait amorcé avec le déjà étonnant Corporate il y a quelques années, à savoir décrypter les dilemnes moraux d'une protagoniste féminine dont les valeurs sont bafouées par les dérives du capitalisme et du profit à tout prix .
Le premier atout d' Anti-Squat est de nous éclairer une loi qui, sous couvert de protéger le bien d’autrui, place les candidats au logement dans des situations difficilement supportables. Plus que les dérives du management comme dans son premier film, Sihlol s’intéresse à la question du mal-logement et de la précarité, en lien avec l'exploitation sans vergogne de la misère sociale.
En axant son scénario autour d'une manageuse qui est divisée entre sa situation personnelle précaire et ses méthodes de travail qu'on lui impose et qui précarisent encore davantage les plus défavorisés, Anti squat nous met dans une position inconfortable mais passionnante à suivre.
Inès, jouée par l'excellente Louise Bourgoin (alternant avec une grande maitrise douceur et inquiétude dans une même scène) doit maintenir une distance pour pouvoir faire respecter ces règles difficiles à accepter et va se retrouver prise au piège d’un système qu’elle espère pouvoir utiliser à son compte.
Dystopie dans un futur (hélas) très actuel..
La mise en scène accentue ce malaise en optant pour un film d'anticipation, sorte de dystopie paradoxalement ancrée dans une réalité pourtant très actuelle. Nicolas SILHOL opte pour un décorum très blanc, froid et vitré, théâtre de rapports professionnels pernicieux et cruels
Il nous dresse un tableau clinique qui fait froid dans le dos d’une société contemporaine où le détournement des idées à des fins de profit rogne sans vergogne sur la précarité croissante ambiante, plaçant les individus dans des impasses morales impossibles à résoudre.
Ce thriller socio-politique montre bien l’impasse de notre société capitaliste du chacun pour soi, de la course au profit et est appel au réveil collectif, d' individus, souvent prisonniers de leur position de rouage du système.
Sous les oripeaux d'un thriller futuriste glaçant et tendu jusqu'à la dernière image, cet ANTI-SQUAT a l'immense mérite d'aborde des problématiques sociales et économiques très actuelles, permettant au public de mieux comprendre ces enjeux et leurs répercussions sur la vie quotidienne des individus concernés.
Anti Squat sort dans les salles françaises le 6 septembre
Distributeur Diaphana.
Le film a été présenté hier soir à Lyon au cinéma le Comoedia et nous avons pu rencontrer le réalisateur en amont de la projection