Festival Lumière 2023 : CHAMBRE 999, l'avenir du cinéma sondé 40 ans après Wenders
Saviez vous qu'en marge du festival de Cannes 1982, Wim Wenders avait demandé à des cinéastes tels que Jean-Luc Godard, Rainer Werner Fassbinder, Steven Spielberg et plein d'autres metteurs en scène phares de l'époque leur avis sur l’avenir du cinéma. Car oui, il y a quarante ans, on se posait déjà la question de la potentielle « mort du cinéma » qui faisait alors face à la massification de la télévision et de la vidéo, ce qui est finalement assez encourageant pour la suite vu que 40 ans après, le cinéma, qui peut être jugé moribont par certains, tient encore sacrément la route, et ce Festival Lumière qui est en place depuis samedi est là pour le prouver .
La documentariste française Lubna Playoust a eu la belle idée de reprendre avec "Chambre 999", la suite du film de Wim Wenders, intitulé "Chambre 666".
Comme Wenders, Playoust convoque de nombreux cinéastes - de James Gray, en passant par Rebecca Zlotowski à Claire Denis, d'Olivier Assayas à Nadav Lapid à Asghar Farhadi à Agnès Jaoui, Christian Mingui à Alice Rohrwacher- et elle leur pose la question de l’avenir du cinéma, " Le cinéma est-il un langage en train de se perdre, un art qui va mourir ? ».
Tourné pendant le festival de Cannes 2022, le film commence par l’intervention de Wim Wenders qui répond à la question par l’affirmative – oui, pour lui, la révolution numérique va tuer le cinéma.
« Ce que nous appelions « cinéma » subsiste à certains endroits, dans quelques cercles, mais en fin de compte, cela disparaît vite et ça va disparaître comme l'art que nous connaissions. Ça sera peut-être remplacé par autre chose dont on ignore encore tout. Voyez-vous, curieusement, le cinéma est redevenu une attraction de fête foraine. Sauf que la fête foraine n'est plus un véritable endroit. C'est un endroit virtuel, aléatoire, arbitraire, anonyme. Et le cinéma a toujours été tout l'opposé de ça. Le cinéma c'était un langage clair, il exprimait l'identité de quelqu'un qui s'adressait à son public. Le cinéma était consacré à la vérité, à la beauté, au bon sens, et on voit disparaître tout cela . Les cinéastes n'entendaient pas lutter contre ce courant mais plutôt témoigner pour la postérité de ce que leur art aura apporté au XXe siècle."
Son raisonnement pourrait être démoralisant s’il ne rajoutait pas que, pour lui, la jeune génération a tout de même les cartes en main pour altérer le cours des choses.
L’intervention de Wenders donne la couleur générale de ce Room 999 : ce documentaire peut être vu comme alarmant à certains égards, mais il donne pour autant quelques raisons solides d’espérer.
D’autres cinéastes soulignent de leur côté que le cinéma n’a jamais cessé de se réinventer, que toutes les histoires n’ont pas été filmées, notamment en Afrique, continent où il y encore plein d'histoires à raconter.
Certains soulignent l’importance de l’expérience collective de la salle de cinéma face à l’individualisme de la société, du regard porté par l’auteur face à un flux incessant d’images.
Le changement est accepté, et la volonté de s’adapter bien réelle.
Finissons par ce que dit Arnaud Desplechin « Le cinéma n’arrête pas de mourir, c’est le principe de sa vie même. ». Et Chambre 999 nous le montre puissamment : le cinéma est en effet un art qui a autrefois été menacé par l’arrivée de la télé, il pourrait certes l’être aujourd’hui par les plateformes, la miniaturisation des écrans, les changements d’habitudes des spectateurs, le manque de soutien financier au cinéma d’art et essai, le temps d’attention réduit devant les écrans, les algorithmes qui altèrent l’esprit de curiosité…
Mais le cinéma n'a t il pas, dans son essence même, cette nécessité de toujours se réinventer ?
En montrant que le cinéma est paradoxalement un art bien vivant quoique potentiellement mortel, Lubna Playoust signe un documentaire passionnant qui donne quelques clés de compréhension qui permet au cinéphile de ne pas céder à l’abattement.
On ressort alors de la Chambre 999 les clés en main pour un nouvel élan du cinéma, traversé par de nouvelles forces et une vitalité sinon retrouvée en tout cas pas totalement éteinte.
Le film a été présenté hier par sa réalisatrice Lubna Playhoust, que l'on retrouve aussi comme comédienne dans Simple comme Sylvain, dans le cadre du Festival Lumière au Lumière Terreaux ( crédit photo: Loic Benoit-Festival Lumière)
Il sort en salles le 25 OCTOBRE distribué par New story distribution.