VERMINES au cinéma - Entretien avec le réalisateur Sébastien Vanicek.
Avec Vermines en salles depuis mercredi Sébastien Vaniček signe un premier long-métrage étonnant porté par un joli buzz.
Rencontre à Lyon début décembre, Sébastien Vaniček nous parle de son parcours et de la conception de son premier long-métrage "Vermines"
ENTRETIEN AVEC SÉBASTIEN VANIČEK
Est ce qu'on peut voir votre premier long-métrage comme une sorte d’accomplissement de tout un parcours artistique ?
Sébastien Vaniček : oui car si l’écriture et le financement de Vermines ont été très rapides, j’ai une quinzaine d’années de courts métrages derrière moi, tournés avec mes amis et des caméscopes ou des caméras qu’on pouvait trouver sur des plateaux, à gauche, à droite…
En 2018, il y a eu une étape cruciale, un court-métrage mettant en scène une chienne contrainte par son maître d’aller combattre dans des arènes, et dont l’esthétique annonce celle de Vermines : Crocs. La production a été un peu plus importante, j’ai pu obtenir des financements.
Pour gagner ma vie, je travaillais jusque-là à Disneyland Paris, et mes supérieurs m’ont soutenu, ont arrangé mes horaires pour que je puisse tourner et post-produire Crocs. Après ce film j’ai néanmoins décidé de quitter ce travail pour me consacrer pleinement au cinéma.
En 2020, j’ai créé Lourd Métrage pour réunir mes amis de longue date avec qui j’ai tant tourné.
J’ai rencontré Jérôme Niel avec qui nous nous sommes très vite mis au travail sur de nouveaux projets. Le producteur Harry Tordjman, qui m’avait remis un prix lors d’un festival en 2013, a été emballé par non seulement le pitch de Vermines mais aussi la puissance du propos. Il m’a présenté à Netflix qui nous a également suivi : pour eux, le film devait avoir une vie en salles avant d’être diffusé sur leur plateforme.
Comment vous est venue l’idée de cette araignée qui s’échappe de la chambre d’une cité de banlieue, provoquant une invasion d’araignées de plus en plus imposantes (et terrifiantes) ?
Au cours d’un trajet en voiture après une session d’écriture en province, j’ai pris conscience que si j’avais traité beaucoup de thématiques dans mes projets, je n’avais pas étanché une soif d’aborder un propos plus personnel.
J’ai repensé à ces années de galère, à réaliser des courts que l’on ne voyait pas car il me manquait les contacts, les bonnes adresses. Ce sentiment de ne pas aller où l’on souhaite.
Ce que les médias appellent le « syndrome du banlieusard » existe et je l’ai vécu. J’ai élargi ma réflexion autour du délit de faciès, sujet qui me touche beaucoup, et qui s’est incarné avec l’image de l’araignée.
Elle existe et se balade un peu partout chez nous, mais on ne veut pas la voir donc on l’écrase immédiatement. La symbolique de la xénophobie, de l’intolérance, elle était là. Tout le monde étant traité comme de la vermine dans ce parallèle métaphorique, le titre s’est imposé très vite.
Pourquoi avoir décider de traiter ces sujets en reprenant les codes d’un film de genre ?
Même si j’adore ça, je ne suis pas spécialement prédisposé au film d’horreur.
Mais une invasion d’araignées dans un HLM peuplé d’habitants qui essayent de s’en sortir, c’est déjà divertissant, et il y avait en plus une dimension politique à explorer. Nous nous sommes plongés dans l’écriture avec Florent Bernard et nous avons eu très vite notre personnage principal, notre problématique, nos trois actes.
J’avais à cœur de montrer la banlieue dans laquelle j’ai grandi, à Noisy-le-Grand, en Seine-Saint-Denis. C’est-à-dire un microcosme très positif, où les gens se connaissent, s’aident, s’apprécient, sont polis.
Comme partout, il y a des familles dysfonctionnelles, des gens qui tournent mal, mais dans l’ensemble, les choses roulent. Cela, je ne l’avais pas encore vu sur grand écran. Soit c’était la banlieue drama, avec trafic de drogues et tutti quanti, soit la comédie potache et souvent caricaturale.
Les dernières scènes témoignent d’une sérénité face à l’araignée qu’il suffit juste de comprendre pour ne pas être attaqué, n’est-ce pas ?
Exactement. Après toute cette violence du danger incarné par les araignées, il fallait filmer ce face à face comme un duel de western. De Kaleb ou de l’araignée, on se demande qui va tirer en premier. Mais ce qui pousse à tirer, c’est la peur de celui qu’on a en face.
Or, le premier a compris que la seconde ne représentait pas de danger si on la laissait partir dans l’obscurité. La plupart des personnages du film ont du mal à communiquer les uns avec les autres car ils ne s’écoutent pas. Et face à quelque chose qui nous est étranger, du point de vue étymologique du terme, on a tendance à être violent. C’est ce qui se passe, dans Vermines, entre deux amis qui ont arrêté de se parler bêtement.
Entre un frère et une sœur qui ne parviennent pas à faire leur deuil ensemble. Et aussi sans que cela soit manichéen, enfin je l'espère, entre les jeunes et les policiers.
Propos extraits de notre rencontre avec l'équipe du film le 21 novembre 2023 et du dossier de presse du film
Merci à Pathé Lyon à Tandem films
Crédit : Fabrice SCHIFF : photographe pour Baz'art