"Le Consentement" : le récit de Vanessa Springora adapté avec brio sur scène
Deuxième article écrit à quatre mains par Jade et Borntobealivre : elles ont vu l'adaptation du Consentement au Théâtre du Rond-Point. Et voilà ce qu'elles en ont pensé...
L’adaptation au cinéma (à travers la caméra de Vanessa Filho) nous avait réservé son lot d’émotions, sur la scène du Théâtre du Rond-Point, l'intensité du trouble ne dépareille pas. C'est ici que se joue en ce moment l'adaptation du récit de Vanessa Springora, dans un format seule-en-scène avec Ludivine Sagnier (que nous découvrions toutes deux pour la première fois au théâtre), accompagnée par le batteur Pierre Belleville, dans une mise en scène signée Sébastien Davis.
La comédienne incarne quelques-uns des personnages qui ont peuplé l'enfance de V., participé à son sabotage en règle : G. (Gabriel Matzneff), répugnant et odieux, quand il ne se fait pas séducteur, sa cigarette au bout des doigts et ses beaux mots au bord des lèvres, ou encore sa mère, d'abord en colère, puis dépassée, enfin complaisante. Mais elle incarne aussi et surtout V. à différents moments de sa vie, à commencer par cette année où elle fêtait ses 13 ans et rencontrait G. On l'y voit alors à mi-chemin entre l'enfance et l'adolescence, portant un chouchou rose, un débardeur de la même couleur et un jogging gris, avec une moue qui fera ressurgir dans les esprits des amateur.rice.s d'Ozon le personnage qu'elle incarnait dans 8 femmes.
Sur scène, l'espace se décompose entre un lit, symbolisant la chambre, le lieu de l'interdit, et une table, où V. et G. travaillent, l'un à son texte, l'autre à sa dissertation. Derrière, un immense rideau se déploie, derrière lequel la comédienne se dissimule de temps à autre pour dire la honte, l'incompréhension avec une voix trafiquée - des scènes particulièrement fortes, glaçantes.
Parlons aussi du texte, déjà admirable sur le papier, tant il décrit sans détour l'innocence avec laquelle V. est tombée sous le charme de cet homme de 50 ans. La prestation de la comédienne, soutenue par une mise en scène ambitieuse et pleine de significations, lui donne encore une autre ampleur. On est véritablement pris, avec elle, dans la toile d’une emprise tissée par un homme pour qui tout semblait facile. Elle ne cherche jamais à parler avec recul, avoue sans se faire prier, livre avec vérité et crudité ses moments vécus avec G. Puis, peu à peu, la lucidité reprend le dessus. Ses yeux s'ouvrent, sans qu'elle parvienne complètement à être délivrée.
Il aura fallu 30 ans à Vanessa Springora pour poser des mots sur son histoire. C'est elle qui a donné au mot consentement toute son amplitude, à l'heure d'une société post-Me too. Le fait que son récit soit adapté en film et sur scène, à quelques mois d'intervalles, permet d'instiller davantage ce mot dans les discours et, nous l'espérons, dans les consciences.
Le mot de Jade
Lorsque la lumière se ferme sur Ludivine Sagnier, les larmes sont en train de couler sur mes joues, à l’écoute de cette dernière parole dénonçant la domination multiforme. Je suis ressortie soufflée par son interprétation transcendante qui rend à mon sens, le plus de dignité et de force à Vanessa Springora. Rien que le choix de la performeuse, qui a fait ses débuts sur le grand écran très jeune, soulève quelque chose. Je passe les portes du Rond-Point à l’idée qu’il est possible d’avoir une adaptation de ce texte pilier de notre société, toujours avec le mauvais souvenir nauséeux de l’adaptation cinématographique du Consentement. En fait, redonner à V. la possibilité d’interpréter les personnages de sa vie et son récit qu’elle se réapproprie dans un livre me semble le plus louable. Bien qu’il faut respecter sa collaboration au film de Vanessa Filho.
Le mot d'Hermine
Je suis ressortie de cette représentation trop écœurée pour parler, trop choquée pour pleurer. La nausée a gagné toutes les parcelles de mon corps, bouleversée par la prestation d'une Ludivine Sagnier qui semble véritablement traversée par son texte. Si sa voix est trafiquée quand elle se dissimule derrière le rideau, les mouvements de son corps impuissant, eux, sont bien réels - même s'ils auraient gagné à être chorégraphiés.
Notre conclusion
Attendez-vous à ressentir toutes les émotions possibles et imaginables, l’effroi, le dégoût, l’envie d’hurler contre un homme, contre une époque qui a porté un pédophile avide de culs frais aux nues, contre une mère qui a laissé faire, jamais contre la naïveté d’une jeune fille, aveuglée par l’emprise.
Une pièce nécessaire, une adaptation réussie. Bravo.
Texte : Vanessa Springora
Mise en scène : Sébastien Davis
Avec : Ludivine Sagnier, Pierre Belleville
Collaboration artistique : Cyril Cotinaut
Création musicale : Dan Levy
Création lumière : Rémi Nicolas
Assistante à la mise en scène : Dayana Bellini
Scénographie : Alwyne de Dardel
Assistante scénographie : Claire Gringore
Stagiaire scénographie : Sabine Rolland
Régie générale : Julien Alenda
Régie son : Warren Dongué
Copyright photos : Christophe Raynaud de Lage
Le Consentement, jusqu'au 6 avril au Théâtre du Rond-Point, 2 bis av Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris
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