Dans la mouvance du précédent article de ma série " Dans la peau d'un jury de festival", et bien sûr, seulement pour ceux qui apprécient la dite série, je vous annonce une bonne et mauvaise nouvelle : la mauvaise, c'est qu'aujourd'hui, je vous donne le compte rendu de ma dernière journée, et qui dit dernière journée dit fin de ce chapitre. Mais la bonne, c'est que comme j'ai un peu de mal à me détacher totalement de cette aventure, je vous prépare un dernier billet/bilan de cette fantastique expérience. Mais ne mettons pas trop vite la charrue avant les boeufs, et revenons à ce dimanche 5 février, jour de clôture et donc de délibération des prix:
8 heures : si vous vous souvenez à quelle heure je m'étais couché la veille (et encore heureux que la soirée s'était terminé un peu abruptement), vous pensez bien que je ne suis pas forcément frais comme un gardon, d'autant plus que je n'ai pas pour habitude d'être un type bien matinal (doux euphémisme, je commence souvent à atteindre le top de ma forme vers 17 heures). Bref, le gardon a dû marcher au gurosan pour avoir une chance de tenir le coup lors de cette dernière journée de compétition où les neurones devront être présentes au rendez-vous...
10 heures : dernière journée qui commence d'ailleurs,contrairement à autres jours, par un film en compétition, l'amour et rien d'autre, film allemand de Jan Schambourg. Et avant même de venir au festival, lorsque j'avais un peu regardé les présentations des films, j'avais particulièrement été attiré par celui ci. Le titre, d'une part (qui a pourtant fait tiqué les autres membres, moins midinettes que moins), le sujet, particulièrement intriguant, et aussi le fait que le film ait déja trouvé un distributeur en France tout cela laissait augurer de la qualité du film. D'ailleurs, au sujet de la distribution du film, Gaël Labanti nous a informé que la distributrice, Sophie Dulac, avait refusé que le réalisateur soit présent à Annonay, afin que toute lattitude soit laissée à la promotion parisienne d'avant sortie française (le 25 avril). Je me dis que toutes ces informations pourraient jouer, lors de la délibération, en défaveur du film. Car une chose est sûre : dès les premières minutes, où on sent poindre un malaise évident qu'on n'arrive pas à correctement cerner, on sent qu'on à affaire à une très belle oeuvre. Je ne dévoilerai pas l'intrigue du film, car il réserve plusieurs surprises, notamment un vrai changement de cap à mi parcours, mais L'amour et rien d'autre est un film passionnant de bout en bout, qui dérange et fait réfléchir. A la lisière du fantastique et de la folie, le film, qui pourrait, dans la première demi heure, faire penser à une Affaire Jean Claude Romand à la sauce allemande, surfe sur carrément autre chose avec un portrait sur le fil du rasoir d'une fille à la dérive. Pour moi, assurément le film le plus fort et le plus maitrisé de ce festival, et que j'imaginerai mal ne pas voir présent au Palmarès, encore faut- il que le reste du jury partage mon emballement. Autrement dit, j'observe avec une certaine appréhension le tour de table, et m'aperçois que le film est très bien accueilli, à la quasi unanimité. Même Gaël, qui, jusqu'à présent, n'aimait aucun film, semble sous le charme. Il n'y a que Constance pour y être totalement hérmétique, ne comprenant absolument pas les motivations du personnage principal. Mais Raphaël ayant trouvé également été totalement emballant, je me dis que j'aurais finalement pas tant de mal que cela à le défendre tout à l'heure...
12 heures : Changement de décor pour le déjeuner du jour: on a rendez vous à l'Etape, qui a aménagé pour l'occasion une grande tente. Pas de serveuses qui prennent notre commande, mais un buffet copieusement garni avec moultes entrées, plats et déssert. Mes comparses du jury sont raisonnables, Gaël et moi nettement moins, tout est excellent, j'en profite donc ouvertement, un peu trop quand même... Raphaël nous dit que ce décor fait penser à une cantine de tournage, et c'est en effet comme cela que j'imaginais les pauses déjeuner dans l'univers du cinoche... du reste, pour rester dans l'ambiance, il nous raconte quelques anecdotes de tournage, les siennes, ou même celles de ses collégues.. Bref, tout se passe pour le mieux jusqu'à la toute fin, où l'on frôle l'incident diplomatique : je suis un des 4 derniers à quitter la table (forcément avec ce que j'ai pu ingurgiter :o) et nous nous faisons halpaguer par une des membres de l'organisation qui nous reproche de ne pas avoir débarrassé notre table comme tous les autres convives ont pu le faire, et qu'on s'est trop vite habitués à se faire assister depuis le début du séjour... le fait est que nous n'avions pas l'info et que, étant comme souvent dans la lune, j'avais pas pensé à regarder les autres tablées, je vais donc tout penaud ranger mon assiette :o)...
14 heures : Voici l'heure du 8ème et dernier film de la compétition, il s'agit d'un film marocain, le fort justement titré The End, et Florence, la femme (et accessoirement interpréte, j'y reviendrais dans le dernier billet) de Gaël L, le directeur artistique nous avait glissé ce midi à l'oreille que ce film pourrait faire basculer nos certitudes, car son mari a l'art de choisir des derniers films qui ont la capacité d'ébranler tous les acquis... Je suis fin prêt à ce que cela soit le cas, mais dès la présentation du film par Gaël et le réalisateur, je me dis qu'a priori, il cumule pas mal d'handicaps pour moi : il est question d'OFNI (objet filmique non identifié), de BD trash et trés violente, d'univers totalement surréaliste, bref, pas le genre de cinéma qui me fait triper. Ce qui est certain, c'est que le film est totalement à la hauteur de ces prédictions : totalement barré, déjanté, on pense forcément à un Tarantino encore plus azimuté...Force est de reconnaitre qu'au niveau inventivité et idées de mise en scène, il en fleurit à tous les plans, hélas, le reste ne suit absolument pas: pas d'histoire (ou si peu), pas de personnages (les femmes sont par exemple de simples pantins), bref, la machine, aussi belle soit elle, tourne trés vite à vide :The end aurait pu faire un intéressant court métrage de 10 minutes, mais pas cet interminable exercice de style d'1h 50 mns...j'ai tellement laché vite l'histoire(?) que j'en profite pour me faire des films dans ma tête concernant l'imminente délibération : je me dis que le film pourrait avoir ses fans et, dans ce cas, au moins un de mes 2 chouchous y laisserait sa peau...en même temps, comme le film est original et visuellement fort, je pourrais faire des concessions, et de toute facon, on va devoir en faire, c'est ca qui est super excitant d'ailleurs...
17 heures : tiens en parlant de délibérations, les voilà qui arrivent de suite (la magie du net :o). Pour nous mettre à l'aise, et accroitre le coté sollenel du moment, les organisateurs ont décidé de nous mettre à l'écart de la ville (un peu comme à Cannes), mais dans un endroit qui ne nous est pas totalement inconnu , puisqu'il s'agit de la salle de conférence de l'hôtel où nous résidons depuis 3 nuits...Nous voilà donc enfermés pendant 3 heures maximum (moins, si l'on arrive à se mettre d'accord avant), prêts à la fin à s'étriper ou au contraire à se faire de gros hugs... ce qui est assez amusant, c'est le coté vraiment confidentiel du truc: lorsqu'une stagiaire viendra nous apporter les plateaux repas, elle le fera les mains sur les oreilles pour être sur que rien ne filtrera... et pour avoir lu les confidences de Gilles Jacob sur certaines délibérations de Cannes, j'ai eu, toutes proportions gardées, l'impression d'y être, notamment lorsque le président du jury nous dira que les rumeurs du festival ( qui les colportent? mystère) penchaient du coté de Sebbe qui nous aurait tous séduits... franchement comme personne de l'extérieur nous a parlé, je mesure mal comment les rumeurs peuvent filtrer, mais j'avoue que mon égo est assez flatté de savoir que le public fait des élucubrations sur nos choix...Quant aux délibérations en tant que telles, je ne vais pas vous les narrer par le ménu détail, car même les plus passionnées de ma chronique risquerait de lacher l'affaire: disons qu'on a comméncé par parler un peu du dernier film qu'on a vu, The end, qui étrangement, n'a pas beaucoup de défenseurs, à part Constance, la plus punk d'entre nous (qui me reproche de ne pas l'être assez, et elle a tout à fait raison)...nous sommes plusieurs à pronotisquer que le film pourrait plaire aux lycéens qui sont en train de délibérer en même temps que nous, du coup on l'abandonne vite parmi nos protégés, de même que, dans cet ordre, Crébinsky (sans blague), Parked, Au cul du loup (bien que certains l'aimaient beaucoup)...bref, ca se joue entre Roméo 11, L'amour et rien d'autre, Sebbe et All that remains, et aprés de longues palabres, on s'aperçoit vite que les deux films qui font le plus parler sont les deux premiers... le film allemand va même amener Gaël et Marianne à réfléchir sur leurs visions de l'amour, thème oh combien interessant, mais bon, on a des films à primer aussi :o)...Comme Raphaël défend les deux mêmes films que moi, et qu'il y a au moins trois autres membres du jury à les préférer aussi, il devient assez vite que ces deux longs vont finir au palmarès, malgré l'avis contraire de ceux qui aimaient énormément All That Remains...finalement, ces derniers cèdent peu à peu, non sans une certaine amertume, et il s'agit désormais de savoir dans quel ordre classer les 2 finalistes : Et L'amour et rien d'autre ayant déjà une sortie en salles, est-ce que le grand prix serait judicieux? Bon, personnellement, j'aurais préféré que le film allemand, selon moi plus fort et plus maitrisé, ait le couronnement ultime, mais ce n'est pas l'avis du Président, qui va, avec énormément de diplomatie, réussir à faire obtenir la majorité des voix pour Roméo Onze comme vainqueur du Grand Prix, et L'amour et rien d'autre comme prix spécial.... voilà il est 19H30, on a nos deux films, on sent que certains l'ont un peu mauvaise, mais c'est le lot de ce genre de prix, avec seulement 2 prix, impossible de contenter tout le monde...dans l'euphorie du courronnement de mes deux films favoris, et comme personne n'est motivé pour le faire, je dis à Raphaël que je suis OK pour parler au micro sur scène et donner le nom d'un des lauréats, L'amour et rien d'autre,.....5 minutes aprés, je retrouve mes esprits et me dis: "toi, mon filou, parler au micro devant 500 personnes pour annoncer un prix devant des gens suspendus à tes lêvres, tu es fou ou quoi"? Hélas, lorsque je veux rétracter, Raphaël me dit qu'il a déjà donné mon nom à l'organisateur, il faut que j'assume, maintenant, et pour me donner du baume au coeur, je pense à deux de mes compagnons du jury, qui eux, se sont désignés volontaires pour parler plusieurs minutes de leurs expériences de jury...
20 heures : J'ai appellé chez moi pour prévenir que, d'ici quelques instants, je vais prendre le micro pour m'improviser M.C (bon j'exagère un peu, comme toujours, je vais dire trois mots) et lorsque ma compagne le répète aux enfants, ma fille de 2 ans voudra lui apporter un rectificatif :" meuh non, papa il parle pas au micro, il sort les poubelles"... je vois que l'image que je laisse à ma fille est celle d'un vrai superman...bref, revenons à nos moutons, à cette soirée de remise de prix qui commence et à moi qui n'en mène pas large because annonce des prix en cours.. les premiers prix sont annoncés (Prix de la musique à All that remains, Prix du public à Parked, prix des lycéens à The End), mais j'écoute tout ceci très moyennement (en plus, je le savais déjà, les privilèges du VIP) , je me dis que le pire serait que je m'emmèle les pinceaux, tel Vanessa Paradis qui avait confondu deux Judith lors d'une cérémonie de césar, j'essaie donc de me répéter le titre plusieurs fois le titre "l'amour et rien d'autre" (et non pas La vie et rien d'autre, faut pas que je croise le regard de Tiffany Tavernier, je vais trop penser au film de son père)...et le nom du réalisateur du film primé c'est quoi déja :... Jim Troucmuch?? Non, Jan S.C.H.A.M. B..U.R.G.H....Ah j'aurais pas du dormir dans mes cours d'allemand au collège, je le regrette maintenant :o) Allez, plus de tergiversations, voilà qu'on nous annonce, un par un, exactement comme à Cannes, j'entends à peine Thomas et Nicole qui livrent un résumé qui me semble très juste de leurs impressions de jury, et c'est maintenant qu'on me tend le micro...avant même que je ne parle, j'entends un brouhaha (zut, j'avais pourtant vérifié ma braguette...), on me dira aprés que le film primé avait été affiché avant mon annonce sur l'écran géant derrière nous, et encore pas dans le bon ordre(d'abord le grand prix,bonjour le fiasco)... bon, je me débarrasse au plus vite du film et du nom de l'auteur, et en plus, comme personne n'est là pour récupérer le trophée, ca tombe un peu à plat... On embraie vite avec le nom du lauréat du Grand Prix, et là, l'accueil semble plus chaud : il faut dire que Ali Ammar vient sur scène récupérer son prix, et comme je l'avais déja remarqué il y a 2 jours, l'acteur possède un vrai magnétisme que je ressens ce soir de trés près....
21 heures : Ouf; le plus dur est derrière moi...j'avoue décompresser quelque peu et me remettre de mes émotions...c'est pour cela que je jette un oeil un peu distrait au film de clôture de Festival, Le funambule, documentaire qui retrace la fabuleuse aventure du français Philippe Petit, qui, en 1974, a décidé de marcher sur un fil disposé entre les 2 Twin towers qui venaient de se construire...dis, donc, les organisateurs, ce film ne serait il pas un message aux courageux membres du jury qui se sont plaints de vertige avant la vraie-fausse traversée en mongolfière? En tout cas l'exploit est de taille, c'est sur, mais le documentaire, qui mélange assez peu habilement interviews et fictions, me laisse un peu de marbre...40 ans après l'exploit de Philippe Petit à New York, celui d'un autre Philippe (avoir dit deux mots dans un micro), dans une cité encore bien plus grande, semble tout aussi phénoménal,non?...
23 heures : Le dernier film du festival livrant son générique de fin, on arrive dans le hall du théatre, et là, je tombe sur Ali Ammar qui pose de bonne grâce avec son trophée, et se demander à voix haute comment il va bien pouvoir le glisser dans sa valise...Un air de mélancolie, synonyme de presque fin de l'aventure, envahit l'air glacial du hall d'entrée, mais on passe quand même (presque) tous à l'Etape pour boire un dernier verre et éventuellement converser avec les acteurs, réalisateurs...certains réalisateurs, absents de notre palmarès, nous adressent un regard glacial, on baisse les yeux piteusement d'un air de dire "c'est pas moi, ce sont les autres qui n'ont pas voulu vous récompenser "....quelques anecdotes plutot amusantes se passent lors de cette soirée d'adieux, j'en intégrerais peut etre dans mon billet/bilan, et d'autres, je les garderais pour moi... Quelques mots écrits sur le livre d'or pour essayer de restranscrire le bonheur ressenti lors de cette formidable aventure, et il est déjà 2 heures 30 passés, il va falloir rentrer, car demain j'avoue ne pas trop savoir par quels moyens rentrer chez moi...en même temps, ais-je vraiment envie de partir de cette magnifique cité d'Annonay, qui pour 4 jours au moins, a été à mes yeux mon New York à moi.??..(to be continued)
Bravo en tout cas pour ces compte-rendus qui nous font vraiment vivre ta vie de membre du jury à Annonay!
Et je suis ravie que tu nous prépares un dernier billet bilan sur cette aventure... ;o)