Une pierre de patience qui a eu raison de la mienne...
Malgré l'obtention du prix Goncourt en 2008 - une consécration qui avait fait une belle unanimité auprès de la presse littéraire-, j'étais completement passé à coté du roman, Syngué sabour - Pierre de patience du poète afghan Atiq Rahimi , et j'avoue que je ne savais même pas vraiment qu'il s'agissait d'un monologue d'une femme musulmane dont la parole va peu à se libérer des tabous et des carcans machistes en cours dans ses sociétés. ...
Après avoir vu en salles Syngué sabour - Pierre de patience le film, également du poète afghan Atiq Rahimi, je me dis que j'aurais peut etre du lire le livre avant histoire de savoir où je mettais les pieds :o)
En effet, alors que d'habitude je peste contre le fait de trop savoir sur les films avant de les voir en salles, j'aurais peut etre du ce coup ci connaitre cet apsect des choses. Car, lorsqu'au bout de 20 minutes de film, je me suis aperçu qu'on aurait à afaire à une suite de longs monologues successifs d'une femme à son mari dans le coma, dans un Kaboul que l'on devine plus qu'on ne le voit, à feu et à sang. Cernés par de longs plans séquences pour le moins statiques, je me suis dit que le coup était un peu rude pour une soirée après une journée de boulot bien éprouvante.
Certes, je passe un peu pour un sans coeur et un cynique, en décrétant cela, car, sur le papier, le sujet est éminement fort et respectable.
Atiq Rahimi nous livre une ode à la libération de la femme afghane à visage découvert, son dévoilement intime, sa confession, ses désirs, ses fantasmes, jusqu’à offrir son corps à un jeune soldat qui la paie. Le livre et le film sont des dénonciations de la condition féminine, participant à la lutte contre toutes les formes d'exclusion vécues au quotidien par les femmes orientales, et c'est toute une structure sociale construite par et pour les hommes, faite de dominations perpétuelles, qui est ici vertement et subtilement critiquée.
Après le film, qui m'a donc laissé un peu circonspect, je suis allé en bibliothèque jeter un oeil au roman voir si l'adaptation filmique était fidèle ou non au texte de départ. Et incontestablement , j'en suis arrivé à la conclusion que le livre passe beaucoup mieux la rampe que le film.
Dans le roman, les phrases dépouillées, sèches et concises de Rahimi résonnent comme en écho dans l’esprit du lecteur qui est amené alors à ressentir tout le non-dit du récit Au travers de ce monologue émouvant, c'est toute une société qui est décrite: les souffrances des femmes, humiliées dès leur plus jeune âge, mais aussi des hommes, trompés par leur volonté de sauvegarder à tout prix l'honneur de leur famille, de leur village, de leur peuple.
Hélas à l'écran , le résultat est bien moins réussi: on s'attend sur un tel sujet à voir une oeuvre audacieuse et charnelle, mais on est malheureusement heurté par la mise en scène pesante et extremement minimaliste de l'apprenti cinéaste. L'oeuvre, beaucoup trop statique, donne l'impression de répeter les mêmes scènes et manque de l'ampleur et de la poésie inhérentes à un tel sujet .
On a l'impression que le cinéaste ne sait pas comment sortir du carcan littéraire et théatral du texte et il manque cruellement de proposition cinématographique pour entourer cette intrigue, aussi belle soit elle.
Cette succession de monologues donnne du coup une impression de monotonie et surtout un coté beaucoup trop austère au film.
Heureusement, quelques scènes vers la fin ( la rencontre avec le soldat bègue) laisse entrevoir la sensualité que le film aurait pu revetir tout du long.
En fait, Syngué Sabour le film est avant toute chose l'occasion pour l'actrice iranienne Golshifteh Farahani de montrer l'étendue de son talent. Exilée d’Iran depuis cinq ans pour s’être affichée sur un tapis rouge sans foulard, elle ne connaît que trop bien les frustrations de son personnage, et elle lui prete la souplesse et une incroyable délicatesse que l'on ne percevait pas forcément dans le roman.
A elle seule, elle réussit à donner une intensité et une vibration à un film qui déçoit sur le pur plan cinématographique.