L'année passée, j'avais tendance à penser que s'il y avait une thématique qui émergeait le plus dans mes lectures et les films que je voyais, c'était certainement celle- terrible- du deuil d'un enfant, avec au moins 6 livres et 3 films vus sur le sujet.
Cette année, incontestablement, une thématique principale semble se profiler d'après la grande majorité de mes chroniques, et c'est celle de l'homosexualité (ma récente chronique du beau Yossi étant le dernier exemple en date).
Sans doute est-ce du au fait que la question de l'homosexualité est devenu le sujet de société numéro un depuis le débat sur la loi autour du mariage pour tous, toujours est t-il qu'une quantité d'oeuvres, notamment cinématographiques, abordent ce sujet, souvent de façon intimiste et intelligente, et comme c'est vers ce genre d'oeuvres que je suis le plus souvent attiré, c'est celle ci que je regarde en priorité.
Et parmi ces oeuvres vues récemment abordant frontalement le thème de l'homosexualité, un de mes belles experiences cinématographiques réside indubitablement dans la vision en DVD test du film documentaire de Sébastien Lifshitz, Les Invisibles, et je sais pertinement que je ne suis pas le seul à le penser, tant ce film a fait fureur un peu partout où il a été présenté.
Ce documentaire, sélectionné à Cannes Hors Compétition (une rareté et un honneur pour un documentaire), a connu un succès public considérable, ainsi que la consécration suprême en février dernier, avec le César du Meilleur documentaire.
N'allant peu voir des documentaires en salles, non seulement car j'aurais tendance à être a priori plus attiré par la fiction et aussi car peu de cinéma sur Lyon n'en passe ( excepté ce cher Comoedia dont j'ai parlé récemment) , je n'avais pas dérogé à mes régles avec Ces Invisibles, et m'en étais un peu voulu surtout au moment des Césars ( quand même j'aurais pu au moins aller voir le meilleur documentaire français de l'année!)
Heureusement, grâce à Ad Vitam, distributeur du film, et éditeur du DVD, qui est sorti le 2 mai dernier, j'ai pu voir le DVD du film, et les passionnants bonus qui l'ont accompagnés et à la vision de l'oeuvre de sebastien Lifshitz, je peux affirmer que cette reconnaissance générale est plus que largement méritée!
Pour ceux qui seraient passés à cotés du buzz autour de ce film, rappelons un peu l'origine du projet. Le cinéaste Sébastien Lifschitz, dont j'avais déjà beaucoup aimé les premières fictions Les Corps ouverts » (1998) ou, Presque rien » (2000), et un peu moins ses plus récentes, a choisi de donner la parole à une douzaine de personnages ayant pour points communs leur âge supérieur à 70 ans et leur homosexualité assumé.
En nous exposant à travers leurs récits, extrêmement émouvants, leur parcours, ces témoins d’un âge, où le regard envers leurs attirances sexuelles était particulièrement négatif, nous rappellent que la lutte contre l’homosexuel qui fait rage aujourd’hui est issue d’un combat social datant d’un demi-siècle.
Dans un cadre profondément cinégénique (le cinéaste a choisi le format scope, inhabituel pour un documentaire, mais dont le choix s'avère profondément cinématographique et judicieux) ,constitué de splendides vues rurales, ou de vues des calenques marseillaises, chaque intervenant revient sur des décennies de vécu dans une société qui les mettait au ban, les contraignant au silence, à l’aliénation conjugale dans des mariages non désirés ou les forçant au combat, à la revendication, alors que leur différence était désapprouvé par tous, à commencer par la loi républicaine...
Avec sincérité et sans fausse pudeur, ces homosexuels qui ont tous aujourd'hui entre 60 et 80 ans nous livrent leurs témoignages et différents parcours et répondent tous, différement à cette même question posée: comment assumer et vivre au grand jour une orientation sexuelle considérée comme maladie psychiatrique dans la France de l'après-guerre?
La grande force du film, c'est que jamais leur discours n'est hargneux, vindicatif, ni didactique, tant ces protagonistes possèdent énormément de recul sur leur histoire, de vivacité d’esprit également. Ils nous racontent leur combats, leurs désilussions, leurs frustrations, certes, mais aussi et surtout leurs joies, leurs bonheurs et leur quotidien aujourd'hui.
Une oeuvre à la fois instructive, intelligente et sensible, parfois même amuante qui insistent sur l'humanité de ses hommes et femmes à la fois tellement ordinaires et tellement extraordinaires.
J'ai particulièrement apprécié l'espieglerie de Bernard, la franchise et la ( fausse?) candeur de Pierrot, et l'humour et la malice de Thérèse, mais je pourrais tous les citer, tant chacun dans leur genre proposent des témoignages passionnants....
Car ces hommes et ces femmes, de classes sociales différentes, savent parfaitement exprimer travers de leur vécu différent, un témoignage d’une époque révolue, alors qu’aujourd’hui la France débat sur le mariage pour tous. Vraiment un magnifique documentaire qui n'a pas volé sa reconnaissance unanime!!
Et le long entretien avec le cinéaste, présent dans les b onus du DVD nous montrent si besoin est que Sébastien Lifshitz a porté son projet depuis longtemps et a fait un choix cornélien pour trouver ses invisibles. Le réalisateur révèle l’origine du projet, les rendez-vous ratés avec certains anonymes qui n’ont pas pu faire ce film, il évoque ses choix artistiques pour obtenir une authentique réalisation de cinéma et non un documentaire télévisuel, ou la réception généreuse de son film et notamment comment ses protagonistes ont ressenti cet engouement.