Rencontre avec Hafsia Herzi et Nadia Melliti, réalisatrice et actrice de La Petite dernière Hafsia Herzi : "Je n'ai jamais senti que Nadia jouait pour la première fois."
Hafsia Herzi et Nadia Melliti, réalisatrice et actrice du très beau film La Petite dernière étaient de passage à Lyon, au cinéma Le Comoedia pour une avant-première. Le film a permis à Nadia Melliti d'obtenir, pour son premier rôle au cinéma, le prix d'interprétation à Cannes, rien que cela.
Rencontre.
Nadia, Comment vous vous êtes approprié le personnage ?
Nadia Melliti :
D’abord à travers la lecture du roman de Fatima Daas, une première lecture touchante et bouleversante. J’ai trouvé que c’était très intéressant d’interpréter ce personnage avec une quête identitaire.
Ensuite, on a énormément répété avec Hafsia, avec les acteurs et actrices sur le tournage. Au fur et à mesure des répétitions, j’ai développé quelques compétences.
J’ai également rencontré Fatima Daas avant de me retrouver sur le plateau, et je me suis beaucoup inspirée de ce qu’elle dégageait physiquement : son style vestimentaire, sa façon de s’adresser à moi, la façon dont elle m’a proposé son café, ou encore la façon dont elle tirait sa chaise.
Il y avait plein de choses dans son comportement qui m’ont intéressée et que j’ai trouvées intéressantes à visualiser. Par la suite, je me suis inspirée de tous ces éléments et j’ai essayé d’être le plus fidèle possible à la représentation de ce personnage, qui est une vraie histoire.
Hafsia, comment avez-vous rencontré ce livre ?
Hafsia Herzi :
C’est la productrice du film qui m’a contactée après la sortie de mon premier long-métrage, Je mérite un amour.
Via mon agent, elle m’a fait envoyer le roman que je ne connaissais pas du tout. Moi, j’avais terminé la post-production de mon second long-métrage, donc je n’avais pas l’idée d’un troisième en tête.
J’ai lu le livre et j’ai tout de suite adoré l’histoire, le personnage. Après, c’est vrai que je n’avais jamais adapté de roman, donc le mot « adaptation » m’inquiétait un peu.
Je me suis dit : « Comment vais-je faire ? » Parce que le livre est assez déstructuré, il a une forme particulière, c’est plutôt une sorte de long monologue. Ce n’était pas évident, mais très vite, j’ai su que je ne voulais pas filmer l’enfance. Ça ne m’intéressait pas forcément, j’avais envie de suivre le personnage sur un an, du lycée à son entrée à la fac.
Je me suis inspirée de beaucoup de choses présentes dans le livre : la famille, le petit copain qu’elle évoque rapidement, et quelques personnages qui ont donné naissance à des séquences du film.
Elle est asthmatique dans le livre, dans le film aussi. J’ai essayé de prendre tout ce qui m’intéressait, puis j’ai laissé place à l’imaginaire.
Hafsia, qu’en a pensé l’autrice ?
Hafsia Herzi:
Je lui ai fait lire des versions du scénario assez tôt, pas à sa demande, car contractuellement il n’y avait aucune obligation. Mais j’avais envie de lui faire lire, par respect, pour avoir son avis. Elle a tout de suite aimé et m’a fait de bons retours. Elle a été l’une des premières à voir le film en janvier, alors qu’il n’était pas tout à fait terminé. Elle a validé, elle a aimé, et c’était important pour moi. Quand on part de nous-mêmes, on n’a pas trop de pression. Là, c’est un livre qui existe, des personnages qui existent. Même s’il n’y a pas de pression, on n’a pas envie de décevoir. J’avais un peu peur des adaptations, car j’avais entendu des histoires d’auteurs mécontents. Donc j’étais soulagée quand elle a vu le film et qu’elle était contente.
Est-ce que vous avez adapté le scénario pour Nadia ?
Hafsia Herzi
J’aime bien réadapter un peu en fonction des gens que je rencontre. J’ai réadapté un peu par rapport au foot : dans le livre, elle ne fait pas de foot, mais dans la vie, Nadia en fait. Quand j’ai su comment elle en faisait, je me suis dit : « C’est super, j’aimerais l’intégrer au scénario. » D’ailleurs, la mère ne lui offrait pas de maillot de foot dans le livre. Ça aussi, ça a été changé. On réadapte. Il y a le livre, le scénario, puis les gens qu’on rencontre, et on réadapte en fonction. Mais le côté sportif n’y était pas du tout.
Hafsia, est-ce que vous avez beaucoup improvisé sur le tournage ?
Hafsia Herzi:
Ç'était assez répété, comme avec Nadia. On a suivi ce qui était prévu, mais je ne me suis pas trop attachée au texte sur place. Chaque scène a un objectif, mais si quelque chose ne fonctionne pas, je change. Je peux aussi ajouter des choses non prévues. C’est libre, mais structuré, car il faut qu’il y ait un montage derrière.
Avec l’imam, comment ça s’est passé avant, pendant et après avec lui ?
Hafsia Herzi
J’avais très vite envie de travailler avec un vrai imam. Ce n’a pas été évident à trouver, mais on a réussi. Ça s’est très bien passé, c’est grâce à lui qu’on a pu avoir accès à la mosquée de Paris. Il m’a présenté le recteur et les gens qui travaillent avec lui. Je lui ai parlé du film et du sujet en toute transparence, et très vite, il m’a donné son accord. En cinq minutes, c’était réglé. Après, on a mangé des gâteaux, bu du thé, rigolé. Il était super, très pro, alors qu’il n’avait jamais joué. Il était très content d’être là. Il m’a même aidée pour des traductions de certains mots. Une très belle rencontre.
Il avait lu le livre ?
Hafsia Herzi
Non, il n’avait pas lu le livre, il en avait entendu parler. Je lui ai donné le scénario, et tout était OK. Très gentil.
C’est vous qui lui avez demandé de citer des textes ?
Hafsia Herzi
J’avais déjà écrit les textes, j’avais fait beaucoup de recherches pour être le plus précise possible. Il a lu, validé, et m’en a proposé d’autres.
J’ai réadapté en fonction de ses connaissances, comme avec le médecin, qui est un vrai pneumologue à Marseille. Incroyable, ce personnage ! Dès que je l’ai vu, je voulais le rencontrer, car dans le film, elle est asthmatique. Moi, je ne suis pas asthmatique, donc c’est compliqué de comprendre. J’ai passé du temps avec lui, il m’a accueillie en consultation, avec l’accord des patients, et j’ai posé énormément de questions. Il a répondu à tout. Il est super, passionné et passionnant.
Nadia, est-ce que c’était compliqué de vous mettre dans la peau de Fatima ?
Nadia Melliti
Ce n’est pas vraiment compliqué, mis à part le fait que je manque cruellement d’expérience. Mais j’ai été très bien accompagnée sur le plateau. J’ai rencontré tous les acteurs et actrices en dehors des répétitions. Il y a eu une rencontre humaine avant que ce soit professionnel. Quand on connaît les personnes avec qui on travaille, c’est plus facile de s’ouvrir. J’étais très bien entourée, avec Hafsia, et il y avait beaucoup de bienveillance, même de la part des techniciens. J’ai reçu énormément d’encouragements, ce qui a vite fait passer mes doutes.
Hafsia Herzi
Moi, je n’ai pas eu l’impression que c’était la première fois. Nadia n’a jamais regardé la caméra, même au montage. C’est rare pour quelqu’un qui n’a jamais joué.
Nadia, est-ce qu’il y a des moments où vous avez senti que le personnage prenait le dessus sur vous ?
Nadia Melliti :
Je pense que la scène de la fin avec la maman, ce n’est pas une scène difficile en termes de complexité, mais plutôt en termes d’émotion. Je suis très empathique, j’absorbe les émotions des autres. C’est une qualité, mais parfois c’est compliqué. C’est là que j’ai découvert qu’il fallait prendre une certaine distance avec le personnage
Vous avez énormément de scènes silencieuses, où tout passe par l’expression…
Nadia Melliti:
C’est vrai, mais c’est ce qui fait la force du personnage. Elle ne dit pas grand-chose, mais elle laisse place à l’imaginaire. C’est explicite à travers les regards. Hafsia aime les gros plans, ce que j’ai découvert après avoir vu le film. On peut décrypter beaucoup de choses à partir d’un visage, des sourcils, des yeux.
Hafsia, voulez-vous que le film serve de message pédagogique ?
Hafsia Herzi:
Pour moi, j’en ai senti la nécessité. Quand j’ai vu ce personnage, je me suis dit : « C’est un personnage qu’on n’a jamais vu au cinéma, alors qu’il existe dans la vie. » J’ai senti qu’il fallait faire quelque chose pour qu’il puisse exister, pour que les gens puissent se représenter et se comprendre sans trop se juger. Si ça peut ouvrir le dialogue, la tolérance, la réconciliation, c’est bien.
Aujourd’hui, vous vous sentez plus réalisatrice qu’actrice ?
Hafsia Herzi Ça dépend. J’ai refait actrice depuis, mais je ne sais pas. Je fais attention à mes choix en tant qu’actrice, et encore plus en tant que réalisatrice. Je n’ai pas envie de m’ennuyer sur un plateau.
Vous avez encore envie de tourner, de réaliser ?
Hafsia Herzi Oui, surtout de réaliser. Tout ce qui s’est passé avec le film encourage. Ça me manque déjà un peu, mais ça prend du temps.
En salle depuis le 22 octobre.
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