Le cinéma français serait-il en sérieux manque d'inspiration niveau scénario? En effet, en cette fin d'année 2016, et sans doute encore plus que les autres années, les adaptations de romans sont légions, même pour les grands cinéastes reconnus dans les festivals internationaux.
Ainsi après Nicole Garcia qui reprend Milena Angus et Katell Quillévéré qui donne sa version filmée d'un roman de Maylis de Kerangal ( pour reprendre uniquement que ceux dont on récemment parlé), le réalisateur Stéphane Brizé,après "La Loi du marché", qui avait créé l'évènement au Festival de Cannes en 2015, s'est plongé dans une aventure totalement différente et moins contemporaine en adaptant l'oeuvre romanesque de Maupassant et particulièrement Une vie son tout premier roman.
"Une Vie", c'est un roman que j'avais lu à l'école et beaucoup apprécié ce qui est assez rare concernant les classiques que j'ai souvent eu l'occasion de considérer comme un peu rébarbatif et démodé. Concernant ce roman que je n'ai pas relu depuis j'avais trouvé que cette surprenante plongée introspective dans le cœur d’une femme malheureuse touchait par son caractère intemporel et réaliste.
Car si l'intrigue se déroule totalement dans la France du XIXème siècle et qu'elle illustre vraiment ce qu'était la condition féminine au XIXe siècle, certains éléments du classique de Maupassant demeurent totalement intemporels : l'infidélité, le mensonge, l’amour trahi, l’attente les désilussions. ..: on a beau nettement remonter dans le temps par rapport à La loi du marché, on y retrouve certaines problématiques et ambiances.
On y suit sans jamais la lâcher comme dans le roman, cette Jeanne dans sa chute, sa mélancolie, sa depression, ses poèmes tristes.
Hélas, le parti pris de Brizé peut à la fois forcer l'admiration et totalement déconcerter : au lieu d'aller puiser dans densité romanesque du matériau d'origine, le réalisateur prend l'option de ne jamais filmer les grandes étapes de la vie de Jeanne présents dans le roman qui ont fait d'elle la femme qu'elle est à la fin du film.
Un peu comme l'avait justement fait justement Katell Quillévéré dans son précédent film Suzanne: , un procédé qui m'avait déjà géné dans ce film, Birzé refuse de montrer les scènes clés, les scènes dramatiquement les plus fortes et privilégie les séquences avant et après les drames, et du coup empêche l'émotion d'arriver et rend ce qu'il montre finalement trop anedoctique ( des scènes de jardinage, de jeu de société, de broderie) alors même que le destin de Jeanne est pourtant tragique en diable, fait de trahisons, meurtres, faillitte, bref tout ce qui fait une vie.
De même le supra- naturalisme que Birzé optait déjà dans le cadre de son Loi du marché , avec caméra à l'épaule et aucun filtre esthétique est une fausse bonne idée : faute de souffle romanesque, on a dès lors beaucoup de peine à partager de l’empathie pour cette femme qui va être victime de l'égoisme des hommes, peu épargnés, exceptés le père ( le toujours sympathique Jean Pierre Daroussin), par la plume de Maupassant et encore moins par ce qu'en fait Brizé..
Décidement, après une Loi du marché qui m'avait laissé dubitatig, je me dis que Birzé, qui avait pourtant réalisé les tres beaux "Je ne suis pas là pour être aimé "ou encore "Quelques heures de printemps " m'a un peu perdu en route avec son cinéma trop apre trop radical pour toucher et faire vibrer la corde sensisble.
Si son choix de metteur en scène force évidemment le respect, et si Judith Chemla est formidable tant elle réussit à incarner le meme personnage sur 40 ans avec presque rien à part l'étendue de son jeu, cette vie est trop ennuyeuse et austère pour laisser une empreinte durable.. dommage..
Une Vie - Bande-annonce par sortiescinema