Qui ne dit mot consent: quand Alma Brami dissèque l'enfer conjugal
" Il me racontait ce qu’il voulait, mais je ne devais pas poser de questions. T’es trop curieuse là mon Coeur, ça me met mal à l’aise, j’ai l’impression que tu fais des fiches. Quand il commençait à me complimenter et à me suivre de pièce en pièce, c’était le signal qu’il avait fait le tour de « l’invitée » et qu’il me demanderait sous peu de « l’aider ». J’ai fait une erreur, je n’aurais jamais dû, je ne te mérite pas. De toute façon il n’y a que toi qui sait m’aimer comme il faut, il n’y a que toi qui me connais, ton amour est extraordinaire"
Avec "J'aurais du lui apporter des fleurs", son précédent roman, la romancière Alma Brami nous plongeait dans un univers particulier, monologue jouissif et détonnant d'un personnage qui touchait par son cynisme mais par sa petite étincelle d'humanité.
Rebelote pour son nouveau roman sorti en cette rentrée littéraire, "qui ne dit mot consent " ou comment une femme, dont on suit le monologue intérieur peut-elle supporter l’insupportable que lui fait subir un époux particulièrement manipulateur et pervers…
Témoin et parfois complices des agissements d'un homme persuadé d'être dans son bon droit ( il choisit des "amies " à sa femme, avec qui il la trompe éhonteusement), cette Emilie, le personnage central du roman, interpelle le lecteur par son apparente passivité à ce qui s'apparente à un syndrome de Stockholm qui ne dit pas son nom.
"Je leur en voulais de ne pas faire corps avec moi, c'étaient mes enfants, la chair de ma chair, mais finalement, ils se revélaient étrangers, pactisant avec l'ennemi au moindre désir assouvi."
Mine de rien, avec ce qu'il faut de distance et même d'humour, Alma Brami nous parle de violence conjugale, une violence plus verbale que physique mais qui montre que parfois, les comportements ambigus et certaines phrases peuvent être aussi violents que des coups et des gifles.
Alma Brami nous rend témoin de cette descente aux enfers à laquelle on assiste, en ressentant une certaine impuissance. Un roman court, mais anxiogène, qui fait fait monter habilement monter la pression.
Une écriture incisive, des formules parfois percutantes et un mélange de style étonnant, entre la fable et la chronique plus réaliste, "qui ne dit mot consent "sonde l'intimité d'un enfer conjugal avec singularité et une vraie plume..
Une des belles surprises de cette rentrée littéraire hexagonale..