Smile;Jake, Les illusions : la littérature anglo saxonne se pare de noir !
Le roman anglo-saxon était très noir dans nos dernières lectures de 2018 mais cela pour notre plus grand plaisir....
1.Smile; Roddy Doyle ( Joelle Losfled)
"Je n’ai jamais vraiment touché au succès, même si en Irlande, on peut faire illusion longtemps avant que la vérité ne commence à apparaitre . »
Pour les cinéphiles, le grand romancier irlandais Roddy Doyle est surtout connu pour avoir écrit The Snapper et The Van ( dont les adaptations réalisés par Stephen Frears ont fait merveille dans les années 90 ), ainsi que The Commitmets ( dont le film lui avait été pouplarisé par Alan Parker) et n'avait pas son pareil pour décrire les affres d’une famille des quartiers populaires de Dublin.
"Je n’avais aucune idée de son identité. Trente-huit ans, disait-il. Nous avions dû nous connaître au collège. Mais je ne visualisais aucune version plus jeune de cet homme. Je ne l’aimais pas. Ça, je l’ai su immédiatement. »
Il revient plusieurs années après son fait d'armes, avec un roman bien plus noir, situant l'intrigue de son nouveau roman sur les retrouvailles entre un quinqua un peu dépressif Victor Forde et son passé à travers l'intervention d'un ancien camarade de classe, Fitzpatrick qu'il rencontre au détour d'un bar de sa ville natale où il est revenu vivre.
Entre son histoire d'amour malheureuse avec Rachel la brillante épouse qui l’a quitté, les chroniques radio qu'ils l'ont fait connaitre, et l'histoire plus ancienne que lui rappelle Fitzpatrick, Victor essaie de surnager et de combler les béances de sa mémoire .
C'est donc un puzzle psychologique que distille ce suspense autour d'un traumatisme dont on devine vite les contours, mais pas la portée que le dénouement, particulièrement noir et virtuose ne manquera pas de souligner.
Terriblement déchirant dans sa façon de décrire une violence que chacun a tendance à banaliser, Smile est également une peinture saisissante de l’Irlande des dernières décennies , la plume de Roddy Doyle étant ici à son meilleur...
Roddy Doyle, Smile (Smile, 2017), Éd. Joëlle Losfeld, 2018. Traduit par Christophe Mercier. 247 p.
2. Jake, Bryan Reardon ( Série Noire/ Gallimard)
"Des chiens aboient. Quelqu'un se rapproche de moi. Je crois que cette personne est là depuis le début. Ce sont les chiens qui me ramènent à la réalité. Je fais un pas, puis deux. Je tombe à genoux. J'étreins ce qui était Jake, ce qui ne sera plus jamais Jake. Je le serre, mais ce n'est plus lui. Je pleure et j'enrage. Je ne remarque pas le chargeur vide dans sa main froide."
Simon est père au foyer, ce qui n’est pas toujours simple mais ses enfants sont le centre de sa vie. Le jour où il apprend qu’une fusillade a eu lieu dans l’école de son fils et que ce dernier pourrait être impliqué, son monde bascule. Et si son fils qu’il a vu grandir bien plus que de nombreux parents, était tout de même un inconnu ?
D’abord au niveau du style, j’ai su dès les premières pages que l’auteur m’accrochait et puis je me suis reconnue dans certains traits de ce père de famille qui n’est pas très à l’aise avec les autres mamans, ni au square, qui savoure chaque minute de temps libre…bien qu’il aime ses enfants comme la prunelle de ses yeux.
Le livre est formidable aussi par ces passages très justes sur la façon dont les enfants peuvent éloigner un couple.
Et puis il y a ce suspense que l’auteur installe progressivement. Jake, le fils de Simon est introuvable et la recherche physique de ce dernier se double d’une recherche d’indices dans le passé pour savoir ce qui a pu cloché (avec des chapitres alternant présent et passé).
Simon est très fort pour culpabiliser et là encore en tant que parent, on se reconnait forcément, à un moment ou un autre de notre lecture.
Si je rajoute que le dénouement est glaçant, j’espère vous avoir convaincu de le lire.
3. Jane Robins, les illusions ( Sonatine)
"Ok je vais venir te voir pour te dire son nom et ce que tu dois faire. Même endroit que la dernière fois. Sois y demain à 13 heures."
Premier roman d’une Anglaise inconnue Jane Robin,( qui a notamment travaillé pour « The Economist », occupé un poste de conseillère à la BBC) , les "Illusions" est plus clairement un thriller que les deux autres romans dont on parle dans ce revue, en utilisant un schéma de thriller psychologique qui semble plutôt banal, avec des réminissicences des « Apparences » de la prolifique Gillian Flynn.
Mais plus qu'à Flynn, l’auteure s’est visiblement inspirée de « L’Inconnu du Nord-Express », roman de Patricia Highsmith adapté au cinéma par Alfred Hitchcock avec cette histoire d'un jeune londonienne d’une trentaine d’années, s’inquiète beaucoup pour sa sœur jumelle Tilda, qui pourrait avoir épouser un homme moins parfait qu'il n'en a l'air.
Un récit psychologique assez fin fondé sur la relation toujours trouble entre des jumelles, à l'aune d'und une relation dominant/dominé.
Les histoires de gemellité sont souvent un matériau formidable de thriller - Jacques Expert avec deux gouttes d'eau avec des récits tendus, sur un fil, au bord de la folie et ici, l'auteur n'a pas son pareil pour brouiller les pistes et proposer un récit addictif et plein de faux-semblants qui dénombre une belle finesse d’observation.
« Les Illusions » de Jane Robins est une excellente surprise, bien ficelée et vraiment plaisant à lire !