Baz'art  : Des films, des livres...
23 mars 2019

"Sous la ceinture" au Théâtre du Gouvernail : une pièce formidable qui vous fera rire vert...

En ce moment au Théâtre du Gouvernail, la Compagnie les Croquants nous fait découvrir Sous la ceinture, une pièce peu connue de Richard Dresser - un dramaturge américain ayant à son actif une vingtaine de pièces, des comédies musicales et des scénarios pour la télévision, rien que ça... - qui gagne à l'être, servie par une mise en scène très originale de Jean-Claude Scionico et trois comédiens de talent.

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La pièce s'ouvre sur Hanrahan (Jean-Erwan Denayrou), Vérificateur de son état, affairé sur sa machine à écrire avec qui il semble entretenir des amours contrariées. Lorsque son futur collègue et colocataire Dobbitt (Antoine Gardent) pénètre dans sa chambre, il lui fait d'emblée comprendre qu'il n'est pas le bienvenu, refusant de lui céder l'unique chaise de la pièce ou de lui offrir une tasse de café malgré l'état de fatigue dans lequel son voyage sans fin l'a plongé... Il ne répondra pas non plus à ses questions, notamment sur le mystérieux sort de son prédécesseur.

Les choses commencent mal pour Dobbitt, venu de loin pour prendre son poste de Vérificateur dans cette usine dont on ne connaîtra jamais vraiment la teneur des activités.

Une chose est sûre : le produit qui se fabrique dans cette usine n'a rien de naturel, à en juger par la couleur verte et les sons affreux qu'il émet - je salue au passage le beau travail effectué sur les sons et les lumières qui jouent un rôle immense dans la création de cette ambiance inquiétante. Le détestable comportement de Merkin, le chef du service (Pierre Magnan) viendra conforter son sentiment de malaise.

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Au fur et à mesure, le temps s'étire, les repères se brouillent et nous sommes aussi désorientés que Dobbitt devant cette série de bizarreries en cascade. L'impression d'être dans un mauvais rêve ne nous quitte pas.

Tout dans la mise en scène renforce efficacement l'idée de solitude. Une solitude d'abord physique, on comprend très vite que le complexe industriel dans lequel travaille la "petite équipe" de Vérificateurs est perdu au milieu de nulle part. Qu'à part eux, nous ne croiserons personne dans les couloirs. Les autres employés ne seront que mentionnés ou n'interviendront qu'à travers un coup de téléphone ou la réception d'une missive. Les seuls êtres vivants que nous verrons - hormis nos trois protagonistes - seront d'étranges créatures aux yeux jaunes qui sembleront, tout au long de la pièce, aussi bien guetter et surveiller les personnages que nous-mêmes, spectateurs. Une solitude ensuite psychologique, dans laquelle Merkin cherchera, dès le début, à enfoncer les deux employés, en les montant l'un contre l'autre, en saccageant toute tentative de rapprochement et de réconciliation. Dans cet éloignement aussi, qu'ils finissent par accueillir comme une fatalité, quitte à en oublier les êtres qui leur sont chers.

Pourtant, malgré cette tension lourde, on rit beaucoup dans cette pièce. Face à des situations grotesques - je pense notamment à la dispute autour de la durée des "bips", au récit de la mort grotesque de celui qui a précédé Dobbitt ou encore à la scène de la fête à trois -, à l'écoute de ces dialogues exceptionnels - et si bien rendus par les trois comédiens - qui nous donnent parfois l'impression de voir trois enfants en train de se chamailler dans une cour de récréation, devant cet archétype du chef bardé de défauts, caractériel, autoritaire, jaloux et dénué d'empathie, et ces Vérificateurs qui, abîmés par l'isolement, n'arrivent plus qu'à échanger des paroles insensées.

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HANRAHAN. Je ne suis pas un pleurnichard.

MERKIN. En tout cas, vous en avez le comportement.

HANRAHAN. Non !

MERKIN. Si !

HANRAHAN. Demandons à Dobbitt.

MERKIN. Dobbitt, Hanrahan se comporte comme un petit pleurnichard, n’est-ce pas ?

DOBBITT. Eh bien... Je crois qu’il se sent incompris.

MERKIN. Vous voyez ? Pleurnichard !

HANRAHAN. Quelle fade équivoque de papier mâché. 

 

C'est toujours pour moi un immense plaisir de découvrir un auteur, un texte. Et quand il est aussi bien mis en valeur, alors là... Quel bonheur ! Un grand bravo à la compagnie !

Tous les lundis à 21h, jusqu'au 27 mai au Théâtre du Gouvernail, 5, Passage de Thionville, 75019 Paris

À noter que la joyeuse troupe sera aussi à Avignon cet été pour présenter ce joli travail ! Retrouvez-les du 5 au 28 juillet au Théâtre des Etoiles (54, rue Guillaume Puy) !

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