Baz'art  : Des films, des livres...
24 avril 2019

Interview de Pierre Jolivet pour Victor et Célia : " J'aime montrer des gens qui refusent de subir"

 

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Pierre Jolivet, le réalisateur de "Ma petite entreprise" a tourné son dernier film à Lyon entre  août  et  septembre dernier. Cette  comédie intitulée Victor & Célian sort au cinéma ce  mercredi 24 avril .

Victor & Célia  est déjà  le dix-septième long métrage d'une très  riche filmographie  ( Force Majeure, Fred, Ma petite entreprise, Filles Uniques, Jamais de la vie et bien d'autres ..). et se situe dans la veine "sociale" de l’œuvre de Jolivet, mais en mixant la comédie romantique, un genre qu'il avait déjà abordé dans je crois que je laime en 2007 avec Sandrine Kiberlain et Vincent Lindon.

 Le cinéaste y met en scène Alice Belaïdi  et Arthur Dupont  qui jouent  deux amis qui ont décidé de se lancer dans une nouvelle aventure : l'ouverture d'un salon coiffure. 

On a vu le film il y a quelques semaines en avant première grâce à Auvergne Rhône Alpes cinéma qui a subventionné le film.

Certes, on l'avoue :  ce n'est pas forcément le meilleur de son réalisateur ( le sujet est trop ténu  et anecdotique, pour captiver pendant une heure trente, et certaines situations trop axées comédies déséquilibrent la portée sociale du film), mais celui ci  reste sympathique, grâce à notamment à son joli couple de comédiens, complices et charmants, et une volonté de parler des maux de société  avec pas mal d'optimisme ...

On a eu la chance d'échanger avec ce très grand cinéaste  à propos de son film, voici une partie de ses propos sur "Victor et Célia" : 

Interview Pierre Jolivet, réalisateur de Victor & Célia 

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Baz'art : Alors il paraitrait que quand on s'appelle Pierre Jolivet, même un moment de lâcher prise comme le fait de se faire couper les cheveux peut donner naissance à un film ?

Pierre Jolivet : Oui tout à fait,  vous êtes bien renseignés :   la génèse de Victor et Célia est aussi simple que cela :  un jour en bas de chez moi, alors que je sortais  tout juste de la promotion "Des hommes du feu",  mon dernier film qui m'avait un peu épuisé, il y avait un salon de coiffure  qui venait tout juste d'ouvrir ; j'ai donc décodé de me faire couper les cheveux, et j’en ai profité pour discuter avec les deux jeunes propriétaires .

Ces deux jeunes gens, très loquaces et passionnés ,m’ont raconté l'histoire de leur salon  et toutes les épreuves qu’ils ont traversées pour y arriver.. En filigrane, on sentait dans leurs discours  le fort désir d’avoir un endroit à eux, de prendre leur destin en main  malgré les mises en garde de leurs proches  et leur histoire m’a profondément  touché ...

Vous savez, je sais que je dois faire un film,  quand une histoire commence à me réveiller la nuit et cela a été le cas avec celle ci..

Si j'y réflechis un peu, je me dis que leur énergie est entrée en écho direct avec la mienne  quand  j’ai eu trente ans... cet âge, trente ans, dont, personnellement, je me souviens très fort, quand  je me suis endetté et que j'ai réussi à monter ma boite de production .. Je me suis dit que cette histoire était largement universelle..

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Baz'art : Du coup, ce "Victor et Célia", vous l'avez voulu comme un portrait sur les trentenaires qui ont un désir d'auto entrepreneurs ?

Pierre Jolivet  : Oui tout à fait, j'ai voulu avec ce film,  sonder cette inégalité un peu mystérieuse, celle qui fait que, avec les mêmes atouts ou les mêmes emmerdes, certains ont le désir de s’en sortir et refusent de subir.

J'avais envie de montrer des gens qui refusent de subir et qui ont le courage d'aller se confronter  à l’adversité parce qu’on y croit, quand on ne compte que sur soi-même. 

Quand survient cette envie, irrépressible, d’indépendance, quand le besoin de liberté pointe son nez mais qu'on doit faire face à toutes ces difficultés qu'on avait pas forcément prévues .

J'avais envie de porter un regard social sur le monde qui nous entoure, la jeunesse qui l’habite et son envie d’entreprendre. Le film raconte l’histoire de deux trentenaires qui veulent exister comme individus. Tracer leur route, aller au bout de leur projet, sans se faire posséder par la Grande Entreprise, quitte à se casser les dents sur les rouages du système, ou de l’administration, ces jeunes, je les aime parce qu'ils  y vont et ils y croient .

A cet âge, on n’a pas eu encore trop de désillusions, et on n’a pas encore trop de contraintes : c’est le moment.

J’aime cette fougue, j’aime ces parcours-là. Mais pour que cela soit drôle  mon histoire, il fallait qu'ils aient pas mal d'emmerdes à dépasser, sinon on ne s'amuse pas non? 

Comme me l'ont dit ces jeunes coiffeurs que j'ai rencontré, monter sa propre boite, c'est comme si on sautait à l'elastique, sauf que c'est nous qui l'avons tendu ( sourire).. 

Et ces trentenaires des années 2019,  ils ont quoi de différent par rapport aux trentenaires de l'époque ( pas si lointaine cher Pierre où vous aviez trente ans?

Pierre Jolivet  : Il est évident que par rapport à mon époque, la crise financière est passée par là et les trentenaires d’aujourd’hui ont perdu les illusions qu’on pouvait avoir  notamment sur la carrière et  sur l’argent .

Ainsi, ces jeunes n’ont aucune envie de trimer pour des salaires qu’ils n’atteindront sans doute jamais, des postes qu’ils savent précaires, mais ils ont toujours envie de se lever chaque matin pour faire quelque chose qui leur plait profondément.

Alors, certes le monde dans lequel on vit est dur, plus dur sans doute que celui que j'ai connu dans les années 80. 

Mais  "Victor et Célia" raconte qu’il peut devenir plus beau, si on en fait quelque chose qui nous ressemble. C’est ce chemin-là qui m’intéresse et qui m’a toujours intéressé quand j'écris et réalise des films .

  

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 Baz'art :Et votre " Victor et Célia " prône fortement aussi le sens du collectif, non?

Pierre Jolivet  : Oui tout à fait,  je suis convaincu qu'on est plus heureux avec les autres que tout seul, être heureux tout seul n'a aucun sens.. mais c'est une évidence, non? 

Et on le voit bien quand l'associé de Victor perd la vie, ce dernier ne peut imaginer tenter l'aventure du salon tout seul, il doit forcément trouver un co équipier pour que cela soit plus fun, et c'est une co équipière.. 

Baz'art :Pourquoi encore une fois avoir envie de réaliser une chronique  sociale sur des gens qui galèrent, c'est un de vos genres de prédilection, ?

Pierre Jolivet  : Vous savez,  j'ai une chance d'avoir une femme ( et je pourrais arréter là ma phrase- sourires)  qui a une famille très nombreuse.

Ces membres de cette famille  me racontent à chaque repas de famille des anecdotes incroyables dont je me régale et dont je me sers pour écrire mes films.

Je ne cotoie pas du tout le milieu bourgeois, hautain du cinéma, mais  des personnages proches de ceux que j’ai connus et que je connais encore à travers cette  famille de ma femme... ces  gens qui reprennent leur vie en main,  ils me  séduisent toujours plus que ceux qui vivent leur spleen avec un certain romantisme, comme on peut le voir dans d'autres films français,  c'est comme cela …

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Baz'art : Et en même temps, le romantisme, il est présent dans "Victor et Célia", à travers la dimension sentimentale de cette histoire entre ces deux jeunes coiffeurs, qui vont voir leurs sentiments se greffer à leur entreprise de coiffure 

Pierre Jolivet  : Oui tout à fait,  plus j’avançais dans l’écriture de mon scénario, et  plus le propos m’emmenait vers la comédie sentimentale. Pendant l’écriture, peu à peu,  sans même que j'en maitrise totalement les paramètres,  l’axe romantique a pleinement supplanté l’axe social.

Les deux garçons  de mon salon de coiffure sont donc devenus… un garçon et une fille. 

J’adore ces  grandes comédies américaines ou on voit des couples  qui n’arrêtent pas de se disputer et de s’aimer en même temps, où on se chamaille autant qu’on se désire, où on s’éloigne,, on hésite...

J’ai vu et revu les grands classiques du genre qui sont si jubilatoires, sauf que dans ces films là souvent ce gens des milliardaires ou des prostituées, bref,  pas forcément des situations de tout un chacun du quotidien. 

Tandis que moi, ce que j'avais envie de faire c'est de prendre des gens les plus ordinaires possibles et leur faire jouer une très belle histoire d'amour   mais finalement, un peu comme je l'avais fait dans " Fred,"  même si c'était moins une comédie, c’est l’amour qui fait tenir ces gens qui galèrent terriblement dans le quotidien

Le   challenge  à l'écriture consistait à ce que les aléas sentimentaux des personnages jaillissent autant des épreuves qu’ils traversent que de leurs états d’âme sentimentaux, et il fallait trouver cet équilibre là pour que cela fonctionne bien.

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Baz'art : Pour que la dimension romantique fonctionne il fallait un beau couple de cinéma.. comment vous les avez trouvé et comment cette complicité évidente  entre  Alice et Arthur a pu s'opérer? 

Pierre Jolivet  : De la façon la plus naturelle possible : je leur ai envoyé le scénario et dès le lendemain, ils m’appelaient pour me dire : “je le fais”.

 Dès le premier dîner,  ils ont beaucoup ri,  tous les deux, des mêmes choses. Quand vous avez cette complicité-là, après, c’est facile de les filmer ensemble.

Arthur et Alice dont des  personnalités  différentes, mais se complètent bien : Arthur laisse plus facilement glisser, il a plus de recul, Alice est plus instinctive, à réagir à quart de tour,  ils  ont chacun quelque chose de leur personnage ;  et entre eux, il y a cette même complémentarité. C’était assez magique ,cette rencontre. Immédiate et solaire et je crois que le film le montre bien . 

 Cette complicité, à trois, était formidable. Essentielle. Car une fois le travail d’écriture accompli, dans une comédie, tout passe par les acteurs; l’évidence était là, entre eux, entre nous. 

J’ai rarement connu une alchimie aussi instantanée, une connivence aussi immédiate, c'était assez miraculeux, vraiment!! . 

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Baz'art : Comment s'est déroulé le tournage dans notre belle ville de Lyon?

Pierre Jolivet  : Très bien,  Lyon est une très belle ville, et en ce qui concerne le cinéma, un formidable vivier d’acteurs : j'ai donc eu envie qu'une  grande partie des acteurs, comme des techniciens, soient de Lyon; de Berengère Krief, aux plus petits rôles, la plupart avait la trentaine l'âge des personnages, donc l'ambiance était très sympathique, très bon enfant .

Tout le monde a pu travailler dans le même sens, en ayant conscience du ton global, du tempo général du film, c'était vraiment chouette comme souvenir, la couleur générale du film a déteint sur le tournage, ou bien dans l'autre sens je ne sais plus trop mais c'était léger et vraiment bien...

Si j'ai l'occasion de retourner encore par chez vous je n'hésiterai pas un seul instant !!

   

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