Mère Hollunder, ce nom vous est peut-être familier. Cette petite grand-mère boulotte et redoutable, aux allures de paysanne et au caractère bien trempé, vous l'avez peut-être croisée, appareil photo autour du cou, lors d'une représentation de Liliom de Ferenc Molnár, adaptée notamment par la troupe de Jean Bellorini, où elle s'incarnait déjà sous les traits de Jacques Hadjaje. À travers l'écriture et la mise en scène de Vie et mort de Mère Hollunder, le comédien et écrivain a voulu lui donner vie en lui inventant une histoire, tant il s'était attaché à elle. Et on le comprend...
Pendant que les spectateurs prennent place dans la salle, Mère Hollunder est déjà sur scène, semblant captivée par ce qui se passe dehors, par la fenêtre. À ses côtés et disséminés ça et là, des poules qui caquettent sans trop s'occuper de nous, un escalier en colimaçon, un miroir de diva et un magnétophone.
Mère Hollunder va se confier à nous et nous raconter des épisodes phares de sa vie, à commencer par sa rencontre avec son mari Jacob, un photographe Juif avec qui elle va travailler dans sa petite boutique, au grand dam de sa belle-mère. Très vite, on comprend qu'elle n’a pas la langue dans sa poche et qu'elle n'est pas du genre à se laisser marcher sur les sabots. Les séances photos - où elle somme ses modèles de ne plus bouger DU TOUT avant d'appuyer sur le bouton de son vieil appareil, comme si elle formulait une menace à leur encontre -, ces longues envolées pendant lesquelles elle s'insurge contre le temps qui passe, l'injustice du monde, la misère et sa fatalité, et le sort de sa Julie qui pleure la cruauté de son Liliom, tout en haut de cet escalier en colimaçon, en sont l'illustration.
Jacques Hadjaje a su faire de Mère Hollunder un personnage à la fois terrible et attachant, drôle et desespéré. Capable de prendre une poule dans ses bras comme si elle était son enfant, d'être touchée en plein coeur par un morceau d'Erik Satie ou un opéra de Bellini, avant d'asséner des horreurs aux jeunes gens qui ont eu le malheur de s'arrêter dans sa boutique.
À force de l'incarner sur scène, Jacques Hadjaje a voulu se rapprocher de ce personnage dont il a gardé le Mère, donné par l'écrivain hongrois. En écrivant cette pièce, il a souhaité mettre ce personnage secondaire au premier plan, en lui donnant, une heure durant, la parole, et rendant ainsi hommage à tout ce petit peuple de figurants, qui n’ont droit ni aux longs monologues, ni aux grands sentiments, mais sans lesquels l’action n’avancerait pas.
Aussi bien écrit qu'interprété, Vie et mort de Mère Hollunder donne envie de (re-)découvrir le Liliom de Molnár et de nous arrêter un moment sur ces petites gens à la parole aussi importante que frontale, aussi belle que pleine de bons sens.
Vie et mort de Mère Hollunder, du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 15h30 au Théâtre du Rond Point, 2 bis avenue Franklin Roosevelt, 75008 Paris