A la faveur d’une exposition au Grand Palais à Paris à laquelle on a pu assister, on continue de se plonger dans l’oeuvre d’Henri de Toulouse-Lautrec, avec la lecture d'une formidable et ambitieuse biographie, qui est récemment sortie chez Flammarion et que Michel s'est empressée de lire :  

lautrec

 « Sur l’estrade, l’orchestre a entamé un nouveau quadrille. La foule s’écarte, laisse passer les danseuses, les talons frappent le sol et les mains l’air. La Goulue s’est levée, le visage écarlate, les seins nus, elle s’approche de Lautrec, pose sa main sur son crâne, et lui lance : « Vas-y dessine-moi ! » comme un maître sommant son chien. Le petit homme plisse les yeux, lèche ses babines, une bosse se forme sous son pantalon. Il attrape son cahier, son crayon, trouve une page vierge, et regarde. D’abord la Goulue ondule, malaxe sa poitrine, lève sa jupe, écarte les cuisses. Elle reste un long moment les jambes ouvertes, ses hanches qui bougent au rythme du quadrille. Le petit homme trace des traits sur la feuille comme on masturbe un sexe. Il a les yeux gonflés, les dents qui mordent sa lèvre. »

Paris les années 90, non ! Pas 1990 mais 1890. Les années impressionnistes et pointillistes, les années où Nini pates en l’air, Valentin le désossé et Aristide Bruant font  les beaux soirs des cabarets de Montmartre et de Pigalle.

Les années la Goulue (figure incontournable de la belle époque dont on parlé en début d'année), immortalisées par ce peintre génial, ce petit homme difforme, ce nain boiteux qui dépense sans compter en offrant des tournées générales à tous les assoiffés de la Buttes.

Henri Marie Raymond de Toulouse-Lautrec-Monfa,noble issu d’une prestigieuse famille dont les origines glorieuses remontent jusqu’aux Croisades, a quitté Albi et sa bourgeoisie de province pour faire son apprentissage dans les ateliers des peintres Princeteau, Bonnat et Cormon.

Il a vingt-deux ans lorsqu’il arrive à Paris. A nous deux Montmartre !

Lautrec peintre connu et reconnu, mort à trente-six ans alcoolique et syphilitique.

Le Lautrec de Mégevand, c'est aussi bien une biographie violente et pourtant tendre et poétique d'un artiste hors du commun qu'un Fatum d’un jeune homme bien né  luttant pour faire oublier un corps disgracieux.

Ce peintre, affichiste génial qui se perd dans des nuits alcoolisées, payant la compagnie des autres pour ne pas s’effondrer.

Récit déchirant d’une vie d’homme, mais aussi peinture d’une époque et d’un lieu qui laisseront une empreinte indélébile dans le XXe siècle à venir.

Matthieu Mégevand aime Lautrec et  surtout, nous le fait aimer.

Lautrec ; Matthieu Mégevand, éditions Flammarion ; octobre 2019