Le ciel à bout portant; Jorge Franco : Medellin après Escobar.
« On croit connaître ses parents comme eux croient vous connaitre, mais nous étions encore jeunes et manquions d’expérience pour vraiment les connaître, pour comprendre pourquoi ils faisaient ce qu’ils faisaient, pourquoi ils étaient comme ils étaient. La véritable vie de Libardo était difficilement camouflable. Il n’y avait pas moyen d’escamoter les types qui le protégeaient, ni les valises remplies de billets cachées dans la maison , ni les voitures qui changeaient tous les deux ou trois mois, ni le calibre de ses menaces, et il n’avait jamais non plus dissimulé son admiration pour Escobar. »
Larry rentre de Londres pour organiser les funérailles de son père. Il y a douze ans, Libardo, bras droit et homme de l’ombre du sinistre Escobar, avait disparu, son cadavre ou du moins ce qu’il en reste, vient d’être découvert. Larry retrouve son frère, des amis de lycée et Fernanda, sa mère, une ex-miss Medellin, pas si éplorée, mais marquée à jamais par une vie passée auprès d’un homme riche et dangereux. C’est de cela surtout que la famille, de nouveau réunie, doit se débarrasser, du triste héritage moral d’une fortune amassée par le narco-trafic.
Pauvre Larry, difficile d’exister lorsque ton livret de famille semble avoir été écrit en lettre de sang, le sang qu’a fait couler ton père, Libardo lieutenant du plus célèbre narcotrafiquant de la planète. La honte et la culpabilité coule dans tes veines. Mais l’espoir d’une vie nouvelle et d’une fraiche liberté aura peut-être le goût des lèvres de Charlie, une jeune fille rencontrée dans l’avion et perdue de vue dès l’arrivée à Medellin.
« Toutes ces années, tout ce temps, pour que ce soit pareil. Ou pire. Une reine de beauté qui vieillit, un frère qui a pour refuge une ferme qu’il a transformée en petit royaume, une ville où l’ histoire se répète, un pays non viable qui avance à reculons, une planète de haine et de guerres. Un père mort qui n’en finit pas de mourir, un imbécile qui tombe amoureux d’une inconnue dans un avion. Ça donne envie de vomir, de ne pas exister. »
Formidable récit de reconstruction, Jorge franco nous parle de ces blessures profondes qui ne cicatrisent jamais, d’un jeune homme qui doit devenir adulte malgré les carences affectives dues à une enfance passée dans un climat d’extrême violence. Métaphore pour décrire son pays, la Colombie qui tarde encore à se remettre de l’emprise des cartels sur son économie et sa vie politique.
Un roman intelligent et vraiment efficace.