"Pourquoi ce besoin de partir en vacances ensemble ? Dans quel but ? Qu’avons-nous à y gagner ? Comme s’il s’agissait de valider un nouveau palier dans notre relation, passer un cap dans l’amitié, comme on obtient une nouvelle ceinture au judo : après ces vacances ensemble, nous serons ceinture marron d’amitié."
Un courrier de l'Assurance maladie pour le dépistage du cancer colorectal , ce n'est jamais quelque chose que l'on réceptionne de gaiété de coeur, même quand on a plus de 50 ans, l'âge à partir duquel ce contrôle est fortement préconisé.
Mais quand on a que 46 ans et qu'on a tendance à gamberger et à se faire des films à la moindre petite contrariété, recevoir ce type de courrier peut complètement bouleverser une vie.
Surtout qu'Axel, l'homme de 46 ans en question, a d'autres problèmes existentiels à gérer dans une vie qui prend un peu l'eau de toute part , comme celui d' être convoqué par par le directeur du collège de son fils de 11 ans car celui ci a dessiné deux de ses professeurs en train de copuler , devoir trouver des prétextes foireux pour éviter des apéros de voisins quand le voisin en question est obnubillé par le nettoyage de feuilles ou bien réver à un ailleurs en Argentine où Axel boirait des coups avec Benjamin Biolay en parlant foot plutot que d'envisager des vacances , plus concrêtes celles ci, à faire du paddle à Biarritz avec des amis vaguement ennuyeux.
Bref, la vie d'Axel n'a rien d'une comédie musicale comme on en voit tant à Broadway.. mais en même temps, heureusement, non?
Les habitués de l'univers de Fabrice Caro - et notamment de ces deux romans précédents, Figurec et le Discours, plus que celui de ses BD, plus absurde et moins mélancolique ne seront pas surpris par le pitch de son nouveau roman, Broadway, qui promet une intrigue aussi déjantée qu'introspective.
Comme dans le Discours, Fabrice Caro nous invite avec son nouveau roman, à un long monologue d'un looser sacrément attachant qui passe sa vie à subir les volontés de son entourage, et dont les péripéties nous semblent étrangement familières .
Il faut dire que Fabrice Caro n'a pas son pareil pour prendre chaque élément, même le plus anodin de notre vie quotidienne, et en souligner le détail le plus cocasse et le plus étonnant pour qu'on se dise " mais c'est tout à fait vrai, pourquoi ce type pense à la fois la même chose que nous mais de façon plus drôle et plus brillante?.
Comme dans le discours, on pense pas mal dans l'écriture à du stand up. Comme les meilleurs stand uppers du moment, Fabrice Caro sait nous faire hurler de rire avec un sens de l'observation hors du commun et avec ce talent à répéter d'un chapitre à un autre des élements de l'intrigue en y ajoutant à chaque fois une dimension comique supplémentaire.
Mais comme dans "le discours", la grande force de Fabrice Caro dans ce nouveau livre est de nous offfrir un roman qui n'est pas que drôle ( et pourtant il l'est à chaque page) mais aussi de réussir à nous présenter une vision de la vie assez mélancolique et de nous interroger sur nos choix du passé et les regrets d'une vie qu'on n'a pas choisi.
Un regard parfois un peu désenchanté, mais jamais cynique ni nihiliste dans lequel l'autodérision et une vraie tendresse sont les piliers d'une plume dont on voit peu d'équivalents dans la littérature hexagonale contemporaine.
Sans doute le roman le plus drôle et le plus attachant de cette rentrée littéraire; Brodway est disponible en lecture audio dans la collection "Ecoutez lire" de Gallimard.
Benjamin Lavernhe, décidemment très à l'aise avec l'univers de Fabcaro, puisqu'il joue le rôle principal du Discours, réalisé par Laurent Tuard, et normalement au cinéma en décembre, se met très facilement dans la peau d’Axel, quarantenaire tourmenté dont les angoisses et l’imagination sans faille nous amusent.
Contient 1 CD audio au format mp3. Durée d'écoute : environ 4 h