Le voyage dans l'est : Christine Angot revient à la source profonde de sa blessure intime
" L'inceste s'attaque aux premiers mots du bébé qui apprend à se situer, papa, maman, et détruit toute la vérité du vocabulaire dans la foulée."
Qu'on l'aime ou qu'on la déteste, Christine Angot est une personnalité du monde littéraire francais qui ne laisse personne indifférent.
Pour cette rentrée littéraire de 2021, elle est revenue avec un roman fort, miroir d’Un Amour impossible,qui aborde l’inceste en creusant le point de vue de l’enfant puis de l’adolescente et de la jeune femme victime de son père.
Nul ne l'ignore: plusieurs de ses livres avant celu ci ont traité de la relation incestuelle que lui a fait subir son père.
Le Voyage dans l’Est pourrait donner l'impression d'une redite puisqu'il raconte à nouveau cette relation : comment à plusieurs étapes de sa vie, son père qu'elle n'a connu que lorsqu'elle avait 13 ans, lui a impose des relations sexuelles
Mais eu lieu de ressasser, elle creuse les zones d'ombre de ces périodes et de ce traumatisme pour tenter de mieux comprendre les réactions ou plutot l'absence de réaction de ses proches et sonder les fondements de cette blessure si intime et si profonde.. Tout cela est raconté d'un très neutre, sans aspirités, et comme à son habitude, reconnaissable entre tous.
Christine Angot use de phrases courtes et nominales, d'adjectifs apposés et d'une plume aiguisée, affûtée, percutante qui donne au texte un rythme qui le rend singulier.
De livre en livre, Angot, femme blessée à vie ,n'a jamais dépassé le traumatisme que son père lui a fait vivre et montre d’une domination physique et mentale qui s’appelle l’inceste et qui détruit tout.
Aussi inconfortable soit il, ce texte, comme tous les autres qu’elle a écrit sur ce sujet, est vraiment indispensable.
" L’inceste n’est pas que sexuel. C’est le pouvoir ultime du patriarcat. C’est le sceptre »
"J’ai pensé qu’il fallait avoir subi l’esclavage, sous une forme ou sous une autre, avoir été asservi, pour comprendre ce qu’était l’inceste. Et que, quand le père démontrait, par cet acte, qu’il ne considérait pas sa fille comme sa fille, mais comme autre chose, qui n’avait pas de nom, toute la société le suivait, prenait le relais, confirmait.”
paru chez Flammarion en aout 2021