Si nous avions su que nous l'aimions tant, nous l'aurions aimé davantage: quand Frémaux raconte son Tavernier
"Bertrand détestait s'ennuyer, quiconque l'amusait et lui enseignait ce qu'il ignorait, était le bienvenu. Et Bertrand rendait nos vies divertissantes."
Aucun des cinéphiles lyonnais ne pouvait l'ignorer ; la relation entre Thierry Frémaux et Bertrand Tavernier, était celle d une très grande histoire d'amitié professionnelle et personnelle.
Une relation qui a pris sa source dès leur première rencontre à l’Institut Lumière que Tavernier présida de sa création en 1982 et que Frémaux va immédiatement rejoindre en tant que bénévole puis ensuite en tant que directeur et qui prendra forme pendant 40 années d'une relation amicale d'une grande loyauté et d'une belle fidélité.
A travers quantités d'anecdotes souvent très réjouissantes, Frémaux raconte, d'une plume fluide et alerte, dans son troisième livre après Sélection Officielle et Judoka, ce long et ininterrompu compagnonnage.
Il raconte aussi et surtout le Tavernier cinéaste prolifique et hétéroclite décrié par une certaine frange de la presse intello mais tant adulé par le grand public, le Tavernier cinéphile intarissable et passionné jusqu'au bout des ongles, capable de s'enthousiasmer comme un fou pour un obscur film slovaque des années 40 et enfin le Tavernier plus intime, individu aux valeurs humanistes incontestables..
Sans jamais verser au biopic scolaire, Frémaux raconte le Tavernier des débuts, comment il a fait ses armes dans le cinéma en étant comme assistant de Jean-Pierre Melville. puis en étant attaché de presse de certains immenses cinéastes comme Stanley Kubrick.
Il parvient chemin faisant à restituer la mécanique intime d’un être de passion, se placer au plus près de lui, dans les coulisses d'un de nos grands cinéastes français méritant largement sa place au panthéon, entre un Chabrol ou un Truffaut avec qui les relations étaient fraiches pour des raisons détaillées dans le livre..
"Si nous avions su... " réussit largement à montrer la place qui revient à Bertrand Tavernier dans le paysage du cinéma français et dans la redécouverte du cinéma mondial ; et qu'à travers l'appréciation de son cinéma, se dessinent en creux les grandes traditions de la critique cinématographique en France.
Un très bel hommage à la fois digne et intense d'un proche qui nous racontera Tavernier bien mieux qu'un obscur biographe ...
Car si Frémaux raconte " son" Bertrand Tavernier, celui qu'il décrit au fil de ces pages émouvantes et drôle ressemble à s'y méprendre à l'image que tout un chacun avait en lui...
Si nous avions su que nous l’aimions tant, nous l’aurions aimé davantage, de Thierry Frémaux aux éditions Grasset. 211 pages. 19 €