Baz'art  : Des films, des livres...
10 janvier 2024

Contre-critique - Priscilla de Sofia Coppola : la patte Coppola imprime une analyse nouvelle

Capture d’écran 2024-01-09 à 22

Nouvelle année, et avec cela, une idée : pourquoi pas montrer la diversité des points de vue au sein de la rédaction de Baz’art ? Commençons avec le retour au cinéma de Sofia Coppola avec Priscilla. La première déception de 2024 pour un de mes confrères, à retrouver ci-dessous pour comprendre un peu la suite. 

[CRITIQUE] Priscilla de Sofia Coppola, notre première (grosse) déception de 2024! - Baz'art : Des films, des livres...

Après On The Rocks, sorti en 2020 mais sur une plateforme en France , Sofia Coppola revient dans les salles avec un biopic...

http://www.baz-art.org

Neuvième long métrage de Sofia Coppola depuis Virgin Suicide en 1999, Priscilla, sorti le 3 janvier dernier, expose l’histoire d’amour entre Priscilla Beaulieu, américaine en résidence avec ses parents à Berlin et Elvis Presley, déjà connu à l’époque comme le King. La réalisatrice s’est appuyée sur la biographie de la concernée publiée en 1985, Elvis et moi (Ed. J’ai lu) comme sur les témoignages de la productrice déléguée.

Personnellement, ce premier film de 2024 est un très bon cru ! Je rejetterai l’idée d’absence de dramaturgie, tout d’abord parce que nous avons devant nous une réalisatrice qui a réussi à imprimer une patte particulière dans son domaine. Cette dramaturgie trouve son essence dans l’univers Coppola, un univers pastel, souvent aux tons roses (déjà remarqué chez Marie Antoinette) qui caractérisent un monde éveillé plutôt paradisiaque, comme l’était conté Graceland, la propriété d’Elvis Presley. 

Priscilla est surtout un contrechamp au Elvis de Baz Luhrmann. Attendre plus d’une année pour montrer cet autre versant est assez intelligent, l’euphorie autour le bling-bling et la ressemblance plus vraie que nature d’Austin Butler avec le chanteur ont pu redescendre. Montrer le rock’n’roll aurait été un parti pris qui allègerait l’angle choisi, celui de sa femme. Derrière la vie de l’idole, se cache une prison dorée où le verdoyant ne peut être touché, consumé, seulement une galerie pour les fans qui attendent à la porte. Dans cette galerie, une poupée qui lui sert de femme alimentant « la flamme du foyer ». Une poupée de 14 ans sortant du collège lors de leur rencontre ; lui avait 24 ans. (tout va bien dans le meilleur des mondes, les faits sont là). 

Oui les faits sont là devant nous et plus d’impasse possible sur la pédocriminalité du King… La journaliste Maud Le Rest en parlait déjà pour le média Tapage: « Dans son livre sorti en 2010 Baby Let's Play House: Elvis and the Women Who Loved Him, la journaliste américaine Alanna Nash évoquait le penchant du rockeur pour les fillettes : « Il voulait rencontrer des vierges pour qu’il n’y ait aucun point de comparaison possible. ». Une affirmation confirmée par l’entourage d’Elvis. « Il était fasciné par les très jeunes adolescentes, ça nous effrayait », se souvient dans le livre l’un des hommes qui travaillaient pour lui, Lamar Fike. ». Pendant son histoire avec Priscilla, Presley côtoie plusieurs jeunes filles. 

L’esthétique de Sofia Coppola met en avant un univers rose bonbon idéalisé afin de gratter par la suite le vernis et révéler une relation empreinte de manipulation. Priscilla Presley est considérée comme « très mature pour une fille de son âge » et doit porter davantage de maquillage et des cheveux pour pouvoir satisfaire son compagnon puis mari (à partir de ses 22 ans). Oui il n’y a pas de retournement dramatique en un évènement mais différentes scènes qui montent : un coup, un dénigrement de trop, des objets lancés même si « tu comprends, j’ai le caractère de ma mère »… Autre chose notée par Marie Sauvion de Télérama : une asymétrie de taille entre les deux acteur.rices qui a tendance à accentuer l’asymétrie de la relation.

Ce film raconte principalement l’époque et les Etats-Unis des années 60-70. Les hommes tiennent la maison mais en temps veulent que les femmes entretiennent le « ménage » : les responsables du courrier sont cloitrées dans un sous-sol, Priscilla est envahie par le grand espace de cette demeure et n’arrive à extérioriser ses émotions que chez le coiffeur quand elle observe les magazines. Le rêve d’adolescente s’essouffle…

Petite particularité : c’est un film qui Elvis sans chanson « connue » d’Elvis. Un choix ou plutôt une contrainte, les descendants Presley ayant refusé d’accorder les droits pour utiliser la discographie la plus connu du King. Mais c’est une contrainte qui s’est révélée une vertu : il s’agit une manière de détacher le focus de l’artiste et mêler une bande originale moderne et revisitée selon le style de la musique des années 60. Une chose à rattacher avec le female gaze diffus dans le film avec une femme qui éprouve du désir lequel se retrouve controlé par monsieur

Le pensum, comme employé par mon confrère, est à l’essence de la mise en scène de Coppola, à mon sens pas dans une visée péjorative mais l’ennui et la solitude de Priscilla nous sont montrés, ce qui fait que les scènes semblent étirées. Pourtant le choix de la réalisatrice a bien été de faire des ellipses dans le temps. Il est caractéristique des personnages choisis par Sofia Coppola dans ses films : filmer l’adolescence et une impression de coupure dans le temps, l’âge où on idéalise la vie d’adulte et on voudrait s’émanciper plus vite. 

Devant la caméra, il faut saluer la performance du couple d’acteurs.rices : le sujet du film demeure Cailee Spaeny, lauréate du prix d’interprétation à la dernière Mostra de Venise, qui nous foudroie du regard. A côté d’elle, Jacob Elordi, gringalet, livre une très belle performance, surtout après l’image laissé par le Elvis d’Austin Butler. Dans la continuité de son personnage toxique d’Euphoria, on lui décèle un vrai talent pour jouer les manipulateurs.

Non, ce n’est point un pensum : la légèreté du décor de l’univers de Coppola permet de soulever un sujet lourd, celui qui fait que derrière ses engagements progressistes et une mythification, le King est un pédocriminel qui considère sa femme comme une poupée de chiffon, dont il tient les fils.  

Elvis était un pédocriminel et personne n'en parle

" Un travail de reconstitution passionnant ". Alors qu'Elvis, le dernier film de Baz Luhrmann sorti en salles le 22 juin, est bien accueilli par la critique - 4 étoiles sur 5 pour Écran Large, Elle, Les Inrocks et même 5 pour France Info et Première - on note que le biopic de 2h39 fait l'impasse totale sur la pédocriminalité avérée du King.

https://www.tapage-mag.com

 

« Priscilla », de Sofia Coppola

En salles le 3 janvier.

 

Jade SAUVANET

Commentaires
Pour en savoir plus

Webzine crée en 2010, d'abord en solo puis désormais avec une équipe de six rédacteurs selon les périodes. l'objectif reste le même : partager notre passion de la culture sous toutes ses formes : critiques cinéma, littérature, théâtre, concert , expositions, musique, interviews, spectacles.

 

Contact de l'administrateur

Envoyer un mail à l'adresse suivante : philippehugot9@gmail.com 

Visiteurs
Depuis la création 7 565 367
MUSEE DES CONFLUENCES EXPOSITION EPIDEMIES PRENDRE SOIN DU VIVANT

 

MUSEE DES CONFLUENCES EXPOSITION EPIDEMIES PRENDRE SOIN DU VIVANT

(du 12 avril 2024 au 16 février 2025).

Peste, variole, choléra, grippe de 1918, sida et très récemment COVID-19… Depuis des millénaires, les épidémies affectent les sociétés humaines ainsi que les autres espèces animales. Comme une enquête historique, l’exposition revient sur ces événements qui ont bouleversé la vie sur tous les continents.

 

Jazz Day : 24 heures pour célébrer la diversité du jazz

Pour la 11e année consécutive, Jazz à Vienne coordonne la programmation du Jazz Day sur le territoire lyonnais et ses alentours.

Depuis le 36e congrès de l'UNESCO en 2011, à l'initiative d'Herbie Hancock, le 30 avril est une journée de célébration du jazz dans toute sa diversité.

Cette année, la programmation de cette journée compte une quarantaine d'événements festifs et musicaux à Lyon, Vienne, Saint-Etienne, Villefranche-sur-Saône et Bourgoin-Jallieu.

Jazz Day | Jazz à Vienne (jazzavienne.com)

Littérature Live à la Villa Gillet

 

21-27 mai 2024

Une semaine pour prendre le pouls de l’époque et prêter attention, avec les écrivains, aux échos du monde.

 

Une semaine pour penser, rêver, s'émouvoir, avec les mots de la fiction, de la poésie, de la philosophie.