Banc de brume; Sophie Berger: une enquête intime qui nous touche en plein coeur
"Mais pourquoi je ne commence pas par en parler à ma famille ?" "Impossible. " "45 ans de silence," " d'impossibilité à dire. le trauma passé de génération en génération". "Les conversations familiales sous surveillance, pour ne jamais évoquer, même de loin, un détail qui y ferait écho."
« Banc de brume »; premier roman essentiel, sensible et intime.
Dans ce livre cathartique; ou comment tenter de comprendre ce qui fut de cet accident d'avion survenu en 1976.
Un accident terrible qui vit disparaitre tragiquement l'oncle et la tante de la narratrice Alice.
Avec brio et de son écriture limpide, Alice mène l'enquête, à la fois en 1976, année du crash, et en 2021, dans une France confinée et surtout dans une famille assourdie par « un silence dru » qui continue de peser sur les générations.
Obstinément, patiemment, elle extirpe du passé les photos, les articles de presse, les archives de la police, elle rencontre les témoins, elle écoute les bandes-sons des chansons de l'époque.
Alice rassemble les pièces du puzzle, elle redonne à deux jeunes fantômes la vie insouciante et pleine de promesses qu'ils auraient dû vivre.
Bien que parlant de deuil et de drame familial, ce premier roman de Sophie Berger, réalisatrice sonore, ne tombe jamais dans le pathos. Il offre aussi une réflexion libératrice sur le déni, cette « négation intégrée au-dedans. Le mutisme, l'amnésie, le temps long de la reconstruction des témoins.
Il nous permet de suivre toute la quête de cette jeune femme sur l'histoire très courte de ce jeune couple. Seulement suivie par un de ses frères, elle arrive enfin à briser le silence qui s'était fait autour de cet accident et qui ternissait les relations avec sa mère. Ce roman a tout d'une véritable enquête, sur un sujet qui paraît ténu, la plume sensible et très précise de l'autrice nous embarque dans sa quête haletante, et nous touche en plein cœur.
« Ma mère dit la sidération qui confisque tout : les questions, les pleurs, la jeune fille insouciante qu'elle était. Les corps, qu'elle n'a jamais pu voir. L'endroit où ils sont tombés, où elle ne s'est jamais rendue. Alors comme ça, on y est allés, Etienne et moi ?
Il faut débarrasser, les morts laissent toujours trop. La sœur siffle dans la direction avant de replonger dans la garde-robe de Raymonde et on éclate de rire, même si on ne sait pas s'il faut rire ou pleurer, un jour comme celui là.