Retour sur la scène finale de "In the Mood for Love" à Angkor Wat
“In the old days, if someone had a secret they didn't want to share, you know what
they did? … They went up a mountain, found a tree, carved a hole in it, and
whispered the secret into the hole. Then they covered it with mud. And leave the
secret there forever.
Primée à Cannes en 2000, l’œuvre du cinéaste hongkongais Wong Kar-wai est ressorti il ya tout juste deux ans au cinéma dans une version restaurée/4K.
Puisque l'été sied parfaitement à l'ambiance dégagée par le chef d'oeuvre intemporel de WKW, on profite de cette petite parenthèse estivale pour reveir longuement sur le film, notamment à travers de sa scène finale sur le lieu mythique d' Angkor Vat
“In the old days, if someone had a secret they didn't want to share, you know what
they did? … They went up a mountain, found a tree, carved a hole in it, and
whispered the secret into the hole. Then they covered it with mud. And leave the
secret there forever.”
Rétrospective du chef-d'œuvre intemporel
Présenté en avant-première et nommé pour la Palme d'Or à Cannes, "In the Mood for Love" marque la quatrième collaboration entre Wong Kar-wai et Maggie Cheung, ainsi que la cinquième avec Tony Leung, qui a remporté le Prix d'interprétation masculine à Cannes (décerné par Monica Bellucci).
Salué comme l’un des meilleurs films du 21e siècle, se déroule principalement dans un Hong Kong onirique des années 1960, quartier peuplé de migrants de Shanghai, comme le réalisateur lui-même. Chow Mo-wan, journaliste, et Su-Chang Li-zhen, secrétaire, se sentent progressivement attirés l'un par l'autre alors que leurs conjoints respectifs ont une liaison.
Le film capture l'essence des émotions inexprimées entre deux voisins liés par les normes sociétales.
Angkor Wat
Lors des 10 dernières minutes, en opposition au cadre confiné de Hong Kong, les images se déplacent vers Angkor Vat, lorsque Mo-wan se trouve au Cambodge pour couvrir la visite officielle de Charles De Gaulle en septembre 1966. M. Chow y explore les temples, quatre ans après une pause temporelle.
Puis on se rappelle la recommandation de trouver un trou dans un arbre et d'y chuchoter ses secrets les plus profonds. M. Chow erre à travers les structures énigmatiques du temple, observé de loin par un jeune moine cambodgien.
Trouvant une petite excavation dans un pilier, flanqué de bas-reliefs d'apsaras, il s’y
approche afin d’y glisser un secret, entouré par les chants d'oiseaux et les sons d'Angkor.
Plus tard, il quitte le lieu, tandis que la caméra s'attarde sur les bûchers d'Angkor et une lune montante.
À travers cette scène finale, allégorie poétique de l'incommunicabilité, Wong Kar Wai conclut une œuvre d'une beauté formelle remarquable, sublimant une histoire triste. Une histoire plus rêvée que vécue, dont il ne subsiste qu’un murmure évanescent, confié à la pierre d’Angkor Vat.
Une scène supprimée montre leur rencontre à Angkor Wat : les deux amants
potentiels échangent quelques mots, puis se disent adieu.
Pourquoi Angkor ? "Au départ, l'histoire de Mme Chang et M. Chow devait être racontée de 1962 à 1972, avec le début et la fin dans un Hong Kong profondément transformé au cours de la décennie",
déclare le réalisateur Wong Kar-wai ; "puis nous avons réalisé que cela durait trop
longtemps et nous avons décidé de terminer le film en 1966. Nous tournions à Bangkok,
nous cherchions des lieux en Thaïlande, puis l'idée d'Angkor Wat est venue. J'ai toujours
voulu voir Angkor, alors j'ai dit 'allons-y' !"
Wong Kar-wai ajoute : "Nous voulions une fin avec une certaine distance, les deux
personnages éloignés de leur environnement habituel. Et le reportage sur l'arrivée de De
Gaulle au Cambodge... plus que l'événement historique en lui-même, j'aimais l'idée de
montrer une autre forme d'attente, le peuple cambodgien attendant quelque chose dans les rues, attendant une solution au tumulte en Asie du Sud-Est à cette époque..
Plus récemment le réalisateur a répondu à propos de son choix d'Angkor pour la fin du film :
"Honnêtement, c'est d'abord parce que c'est un endroit où j'ai toujours voulu aller.
Deuxièmement, Angkor Wat est un monument historique : les pierres sont silencieuses,
mais elles se souviennent et témoignent de l'histoire de cet endroit depuis des milliers
d'années. Les ruines reflètent également une époque glorieuse qui ne peut être retrouvée.
Dans le film, les deux personnages principaux trouvent difficile de s'évader l'un de l'autre,
mais il n'y a pas de secrets ni de souvenirs auxquels revenir."
Un message politique ?
Wong Kar-wai étant notoirement réticent aux scénarios élaborés/millimétrés, préférant
l’intuition et associations libres, nous ne pouvons que faire des suppositions. A l’image de la réalisation de In the Mood for Love, qui a duré 15 mois (coïncidant avec la période où Hong Kong atteignait la fin de son statut de colonie britannique).
Avec son processus de décolonisation relativement fluide et sa position ferme en tant que pays non-aligné pendant les convulsions de la guerre froide, le Cambodge aurait pu servir d'inspiration, voire de modèle.
Un message politique ?
Wong Kar-wai étant notoirement réticent aux scénarios élaborés/millimétrés, préférant
l’intuition et associations libres, nous ne pouvons que faire des suppositions. A l’image de la réalisation de In the Mood for Love, qui a duré 15 mois (coïncidant avec la période où Hong Kong atteignait la fin de son statut de colonie britannique).
Avec son processus de décolonisation relativement fluide et sa position ferme en tant que pays non-aligné pendant les convulsions de la guerre froide, le Cambodge aurait pu servir d'inspiration, voire de modèle.
Un message spirituel ?
"Je ne me souviens pas", répond cryptiquement Mme Chang lorsque M. Chow lui demande à Angkor si c'était elle qui l'avait appelé sans dire un mot. Les souvenirs construisent le soi, mais en même temps nous empêchent d'atteindre l'état bouddhiste de "non-soi", l'esprit sans trouble.
Tandis que les critiques de cinéma occidentaux ont tendance à explorer le côté
psychanalytique ("catharsis", "pulsion sexuelle refoulée"...), la signification spirituelle
d'Angkor a souvent été négligée.
Était-ce un rêve éveillé ?
Le journaliste est sollicité par une touriste japonaise pour prendre une photo d'elle à Angkor, lève les yeux de l'objectif et voit la femme qu'il a aimée pendant six ans. Fantaisie ou non, la question reste en suspens. Mais le moment l'aide à confier son secret au temple... et à aller de l'avant
Article rédigé par le WKW club
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