Rencontre avec Alain Guiraudie pour son film "Misericorde"
Un thriller sur le retour au village d'un jeune homme désorienté "Miséricorde", le nouveau film du romancier et cinéaste Alain Guiraudie est en salles depuis mercredi dernier.
Le septième long-métrage d’Alain Guiraudie parle de désir, de solitude, de champignons, de disparitions, et glisse vers le thriller sur des notes de comédie...
Le cinéaste à l'univers singulier et jamais là ou l'attend était de passage sur Lyon le lendemain de la sortie de son film pour tenter de lever quelques mystères sur ce long métrage singulier et opaque.
Commençons par la raison de ce titre Miséricorde, il vous est venu de suite ?
Oui très vite et contrairement à mes autres films, ou le titre n'est jamais bien fiable jusqu'au bout là, je l'ai tenu du début à la fin du projet. C'est un vieux concept chrétien pour dire la compassion, le pardon. Moi, je l'associe à l'empathie, à la compréhension de l'autre. Et j'aime bien l'idée du pardon...
On dit qu'on fait souvent un film en contradiction avec son précédent.
Dans votre film, les personnages sont tous rattrapés par leur passé et c'est au spectateur de percer le mystère...
Le film travaille beaucoup sur le mystère. C'est ce qui met en mouvement les spectateurs. Certaines séquences étaient trop explicatives et ont sauté au montage. Il fallait entretenir l'ambiguïté de Jérémie, mais aussi des personnages qui gravitent autour.
Leurs intentions ne sont pas si cousues de fil blanc
. Et j'aime ça. J'en ai marre qu'on me dise que les intentions des personnages devraient être plus claires.
Dans votre film, le désir est partout mais ne concrétise jamais, est ce parce que les corps de vos acteurs et de vos personnages sortent des sentiers battus?
J'avais décidé d'emblée de faire un film érotique, autour du désir sans que le désir ne se concrétise.
Les corps sont volontairement atypiques, avec l'idée d'érotiser des physiques que l'on voit rarement.
Dans "Ce vieux rêve qui bouge", déjà, le désir n’était pas assouvi. Le meilleur, comme disait l’autre, c’est quand on monte l’escalier ! Je poursuis toujours un peu cette idée d’un désir sans fin, éternel. La chasteté, comment on peut vivre avec, m’intéresse : j’ai lu beaucoup de témoignages de religieux là-dessus.
Au delà de cette réflexion j'ai toujours chercher à érotiser et sensualiser des corps invisibilisés pour montrer le désir.
J'ai beaucoup de tendresse pour ces personnages, j'aime les gros, les hommes confortables. Depuis les années 1980, l'image des corps s'est lissée : homosexualité, sexualité, sensualité, érotisme étaient réservés à des corps jeunes, bien foutus, urbains, habillés pareil.
Moi, je redonne au peuple, aux ouvriers comme aux paysans, aux gens dont on ne sait pas trop ce qu'ils foutent dans la vie; la possibilité de désirer.
Comment avez vous pensé la mise en scène de Miséricorde, sans doute plus ample et usant de moins de plans large que d'habitude..
Mon film, c'est le retour au pays d'un jeune gars qui retrouve son ami d'adolescence et de jeunesse et ça ne se passe pas très bien entre eux.
J'ai ainsi cherché à résoudre ce mystère en voulant mettre l'accent sur la valeur des silences par le biais de très gros plans sur les visages beaucoup plus que d'habitude.
Par ailleurs, j'avais très envie de filmer l'automne qui est un personnage à part entière du récit.
Et je souhaitais réaliser un film érotique sans actes sexuels.
Vous semblez avoir l'air content du film, de l'accueil très positif que vous avez un peu partout de la presse et du public, non?
Oui, c'est vrai je suis assez content de l'accueil du film, ça fait plaisir de voir des gens qui ont plutôt le sourire après l'avoir vu. Et j'ai aimé le faire, le montage a été un plaisir.
Mais pour autant je ne peux pas dire que je sois très joyeux, là. Le Proche- Orient ne m'a jamais paru aussi proche. Un an après le massacre du 7 Octobre, à penser à Gaza qui se fait pilonner, je suis désespéré avec cette histoire. Peut-être que j'en reviens aux histoires du curé de Miséricorde, la question de la conscience.
Vivre chaque seconde avec la conscience permanente à l'esprit du malheur du monde, c'est insupportable, mais on en est là.
Misericorde en salles le 16 octobre 2024
Merci au cinéma le Comoedia et au film du Losange
Retrouvez notre chronique du film ci dessous
Miséricorde, Alain Guiraudie : notre critique - Baz'art : Des films, des livres...
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