Nicole Garcia regarde les hommes sombrer
Lors de mon article sur le film La couleur des sentiments, (pas forcément le billet a posteriori dont je suis le plus fier), je vous disais que les "films de filles" n'étaient pas intrenséquement ceux que je préferais. Du coup, vous allez me rétorquer que je dois aimer les films de mecs. A cette passionnante question, je vous répondrai oui, mais : absolument pas les films de mecs avec des flingues, des bagnoles, des belles nanas à leur bras. Moi les modèles de films de mecs que je préfère, ce sont ceux de Nicole Garcia.
En effet, depuis qu'elle a commencé sa carrière de réalisatrice, voila maintenant 20 ans, celle qui était avant actrice vue chez plusieurs grands maitres du cinéma français, Claude Sautet ( Garçon), Alain Resnais ( Mon Oncle d'amérique) ou Claude Miller ( Betty Fisher et autres histoires), s'est vite spécialisée dans un cinéma plutôt intimiste ou les personnages principaux sont des hommes, dont le doute est le moteur préféré. Ce que Garcia préfère, c'est disséquer le coeur et l'ame d'un homme, voir ce qui se cache derrière leur bloc de virilité. Car en général, les hommes que filment Nicole Garcia ne sont pas des petites natures, ce sont des mecs "qui en ont", mais dont l'apparente solidité cache des abymes de fragilité.
Parmi ses films, Le fils préféré est notamment une oeuvre importante puisqu'il est un des rares à nous avoir montrer une autre facette de Gérard Lanvin, car,grâce à ce film, Lanvin a pu aller vers des rôles plus profonds, remplis de doute.
Tous les films suivants de Nicole Garcia, de L'adversaire à Selon Charlie (film à mon sens totalement sousestimé) ne cessent de creuser cette veine du cinéma des hommes qui tombent. Garcia tourne peu, environ tous les 4 ans, mais à chaque fois son cinéma pose un regard plein d'humanité et d'amour sur ces mecs confrontés à des failles et des tourments existentiels.
La semaine passée sur Canal Plus, j'ai pu voir la plus récente illustration de ce goût de Nicole Garcia pour ce cinéma d'hommes qui doutent.
Sorti sur les écrans l'année dernière, Un balcon sur la mer, a connu un beau succès dans les salles. Comme elle l'avait fait avec Gérard Lanvin, Nicole Garcia offre un rôle magnifique à Jean Dujardin qui lui permet d'explorer un versant peu connu jusqu'alors.
Dujardin joue Marc, un agent immobilier marié et père de famille sans histoire qui voit son existence se troubler le jour où il croit retrouver un amour de jeunesse, jadis connu dans le Oran de son enfance, qu'il a du quitter pendant la guerre d'indépendance.
Et ce personnage est vraiment magnifique, pris entre ce coup de foudre qui lui fait remonter à la surface des réminiscence de son Algérie d'autrefois, et les rouages de sa vie familiale.
Nicole Garcia orchestre à merveille les fils de cette petite histoire qui rencontre la Grande, histoire d'un romanesque assumé, et bien rare dans le cinéma français contemporain.
La première partie, notamment est absolument remarquable, où l'intime et le lyrisme se confondent avec grand brio. Si la seconde partie est plus faible, avec une intrigue de polar et d'escroquerie qui alourdit l'intrigue, le film n'en reste pas moins excellent et confirme le talent à part de Nicole Garcia pour sonder l'âme des mâles bléssés.
Je ne sais si Nicole Garçia a l'intention de poursuivre cette voie ( si son prochain film sort en 2014, on a le temps de voir venir), mais quoiqu'il en soit, c'est définitivement un créneau dans lequel elle excelle totalement.