La désintégration :Philippe Faucon rate (un peu) sa cible
La désintégration, le dernier film de Philippe Faucon a connu une destinée étrange: sorti en toute confidentialité en février, il fut remis sous les feux de l'actualité un mois plus tard à la faveur de la tragédie de Toulouse et des tueries de Mohammed Merrah .
En effet, les médias n'ont pas manqué de mettre en lumière la destinée de Mohamed Merrah avec celle du film, cet Ali, jeune homme de banlieue désoeuvré qui va vite se retrouver endoctriné par un islamisme radical.
La similitude avec Merrah est effectivement assez troublante : une jeunesse plutôt heureuse, mais un passage à la vie adulte très compliqué en raison de la discrimination à l'embauche. S'ensuit alors une immersion en eaux troubles et une radicalisation de l'individu via la manipulation de réseaux islamistes.
Le film, que j'ai eu la chance de voir en DVD, ( merci à l'agence Miam), retrace fidèlement ce schéma, de façon extremement réaliste, à la lisière du documentaire, mais paradoxalement, pas de façon aussi crédible qu'on aurait aimé.
Philippe Faucon, qui a toujours proné un cinéma naturaliste, exempté de toutes fioritures inutiles (un peu trop à mon gout) continue sur ce chemin, avec un sujet quand même plus accessible et captivant que d'habitude.
Le réalisateur raconte comment Ali, Nasser et Hamza se laissent séduire par les propos de Djamel, qui les pousse à un acte de révolte contre une société que leur a » tout pris » : langue, religion, identité.
Mais une fois saluté cette justesse du ton, on ne comprend pas trop ce que vise Philippe Faucon en montrant la transformation accélérée de ces trois jeunes ( Ali, et deux autres potes, dont un converti au début du film à l'islam) et entraînés dans le djihad d’un de ces prédicateurs qui sévissent dans les banlieues. Le film parait un peu limité, en décalage avec la perception que les habitants des banlieues peuvent avoir de la réalité.
Le film n'est en fait pas très clair dans son message car il souffre de plusieurs défauts assez rédhibitoires, dont une schématisation dans les personnages principaux : le leader est trop charismatique d'emblée, et les jeunes sûrement trop candides et sans vraie cheminement intérieur. Et l'interpétation inégale contribue d'accentuer ce décalage :s i Yassine Azzouz dans le rôle du leader offre une composition assez étonnante, les jeunes embrigadés jouent un peu maladroitement, même si Raschid Debbouze, le frère de Jamel est plutôt convaincant dans l'ensemble.
Et, définititivement, la transformation des jeunes musulmans apparait trop radicale pour qu'on en comprenne la portée : pour des raisons de budget, le cinéaste a du couper dans son film et aller à l'essentiel, mais du coup, il manque vraiment au film quelques scènes pour tenter d'adhérer à leurs évolutions qui, de fait, apparait encore presque autant incompréhensible qu'avant de voir le film.
Le réalisateur prend au départ le parti de tisser le récit sous différents points de vue, à savoir celui d'Ali, pour commencer, puis celui de sa famille, et enfin le point de vue de ses camarades, mais dans la dernière partie, il abandonne cette idée puisqu'on ne suit que celui d'Ali et ses compères.
Bref, on voit bien que Philippe Faucon a cherché à ne pas traiter ces thématiques si épineuses, le racisme la religion sujet de manière angélique ou caricaturale, mais hélas, pour toutes les raisons que je viens de développer, era il n'a pas vraiment réussi son pari.
.