06H41: Embarquons à bord du train de Blondel
L'année dernière, j'avais dit sur mon blog tout le bien que je pensais des derniers romans de Jean Philippe Blondel, et je me permettais, en toute modestie, de lui donner un conseil, celui de continuer sur cette voie intime, personnelle, où les personnages et les sentiments avaient toute leur place.
J'imagine qu'il a écouté mes recommandations, puisque, 06H41 son dernier roman en date, reste sur cette voie ( pour un livre sur un train, on parle forcément de voie, non?) de l'intime et du personnel.
Blondel, professeur d'anglais à Troyes à temps partiel et écrivain parisien dans l'autre partie de sa vie, prend très souvent ce train de 06H41 qui relie Troyes à Paris, et durant ce voyage, il a largement le temps d'observer ses pairs et d'imaginer des histoires romanesques en diable. Le train est, par définition, tout plein de destinées qui se croisent, c'est beaucoup de gens en même temps, dans le même but et qui ne se connaissent pas mais qui se côtoient, se frôlent.
C'est ainsi qu'il a imaginé les héros de son nouveau roman, deux troyens comme lui, Cécile Duffaut et Philippe Leduc, qui, un lundi matin, s'assoient par hasard l'un à côté de l'autre dans le premier train qui les mène à Paris.
Au premier coup d'œil, ils se reconnaissent mais n'en laissent rien paraître. Ils tenteront de s'éviter pendant l'heure et demie de trajet. Car il faut savoir que, 27 ans auparavant, ces deux là ont vécu une histoire d'amour qui n'a duré que quatre mois mais qui a changé considérablement leur destin et leur personnalité. Une histoire à oublier. Surtout ce point final à Londres…
Cette rencontre se passe entièrement dans le wagon, un huis-clos où vont s’alterner les voix de Cécile et Philippe. Chacun fait comme s’il ne reconnaissait pas l’autre, alors qu'évidemment, aucun des deux n'a oublié l'autre, bien au contraire. Et tandis que le train se rapproche de Paris, on apprend peu à peu les circonstances de leur rencontre, ce qu’ils étaient, ce qu’ils sont devenus, ce qui les a séparé.
A la lecture de ce bref mais intense roman de Jean Philippe Blondel, on reconnait parfaitement les thématiques et les thèmes récurrents de l'auteur, les souvenirs de jeunesse, une mélancolie sous jacente, son amour pour le rock, et une obsession pour Londres qui revient dans presque tous ses romans ( Monsieur n'est pas prof d'anglais pour rien)
On pourrait trouver le voyage trop bref, et trop superficiel, et se dire que raconter 30 ans d'une vie en une heure quarante de train en train et en moins de 150 pages est au départ un challenge un peu difficile à réaliser, or le voyage vaut largement le détour.
Bondel arrive parfaitement à nous retranscrire à quel point une vie humaine peut être avant toute chose une accumulation de petits moments, de rencontres, de regrets, de colère aussi, de choses imperceptibles qui nous construisent.
Ce roman, comme tous les grands livres, nous force à nous remettre en question à et nous demander ce qu'on aurait fait dans la même situation que les héros de ce roman... Aurions nous l'envie de refaire le chemin en arrière et d'accepter de renouer avec notre passé et nos souvenirs pas forcément brillants, et d'accepter de dire pardon à la personne qu'on a pu offenser il y a 30 ans? On peut se poser la question, sans forcément connaitre la réponse...
06h41 est un livre plein de délicatesse à la fois dans les situations et la description de ces personnages, pas forcément héroiques, avec leur lachetes et leur faiblesses, mais malgré cela (ou grâce à cela), on sent poindre, au fil du trajet énormément d'empathie pour eux.
Juste et poignant, ce 06H41 est un des très beaux livres de cette rentrée de janvier, un roman dont on regrette simplement la trop grande brieveté, mais qui reste longtemps en mémoire après l'avoir lu.
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