François Truffaut, toujours vivant dans le coeur des cinéphiles....
Des 400 coups à Jules et Jim, en passant par Le Dernier Métro, François Truffaut , décédé en 1984, est bien évidemment connu comme étant un des fondateurs de cette fameuse Nouvelle Vague qui déferla sur l'industrie cinématographique à la fin des années 1950, et qui a par ailleurs complètement conditionné le cinéma français de son époque.
Touchants et romantiques, mais toujours empreints d'une légère touche de tristesse contemplative, ses films lui incontestablement ont permis de devenir un des réalisateurs les plus brillants et les plus populaires du cinéma français.
Personnellement, mon père était fou de ce cinéaste, et a essayé de me sensibiliser tant bien que mal pendant toute ma jeunesse, à son oeuvre dans son intégralité. Et forcément, comme on ne se refait pas, et ce même si "les 400 coups" ou "l'enfant sauvage" ne m'ont pas laissé indifférent, j'ai surtout apprécié les films de Truffaut dans lequel il est question d'amour passion et de personnages consumés par le désir, de "Jules et Jim" ( surement le plus grand rôle de Jeanne Moreau), à "La peau douce", histoire d'adultère froide et cynique sur le démon de midi (avec Jean Desailly et Françoise Dorléac) en passant évidemment par cette femme d'à coté, vu quand j'avais une douzaine d'années et qui m'avait fait à l'époque très forte impression.
Graâce à ce blog, et un an avant le 30ème anniversaire de sa mort, j'ai eu l'occasion ces dernières semaines de me confronter à deux oeuvres en lien plus ou moins direct avec cet immense réalisateur, un récit dont Truffaut est, non pas le personnage principal, mais un des fils conducteurs, et un de ses plus grands films, cette "Femme d'à coté", qui vient de sortir enfin en Blu Ray et que j'ai eu la chance de découvrir, grâce à TF1 vidéo. Petit tour d'horizon de ces deux oeuvres :
1. Le fantôme de Truffaut, Frédéric Sojcher (ed Les Impressions Nouvelles -sorties 5/12/2013)
Frédéric Sojcher, je le connaissais de nom, en fait, je savais juste que c'était un cinéaste belge un peu à la marge du système, qui avait notamment tourné un documentaire sur des cinéastes encore plus undergrounds que lui, "Cinéastes à tout prix", ainsi qu'une fiction réalisée il y a 2 ans à peine, avec Maria De Meideiros, Hitler à Hollywood, deux films que je n'ai pas eu la chance de voir du fait de sorties quand même bien confidentielles, du moins dans les salles françaises.
Mais évidemment, je ne connaissais pas grand chose de son parcours avant et surtout de sa passion pour François Truffaut, depuis qu'à l'âge de 12 ans, déjà cinéphile, il n'envoie une lettre à François Truffaut, dans laquelle il lui fait part de mon désir d'être réalisateur. Et loin de l'ignorer comme on aurait pu le penser (un immense cinéaste comme lui aurait du temps à perdre à écrire à un parfait inconnu belge de 12 balais?), Truffaut lui répond, et c'est le début d'un échange épistolaire dans lequel le réalisateur du Dernier Métro donne à l'adolescent apprenti cinéaste tous un tas de conseils.
Frédéric Sojcher aime particulièrement à la fois les films de Truffaut et l'homme lui-même pour ce qu’il dit du cinéma, pour ses opinions tranchées en tant que critique cinéma. Pour Truffaut, un « bon film » devait dire quelque chose sur le monde ou sur le cinéma, et cette vision là a beaucoup marqué la réflexion du jeune belge sur le 7ème art.
"Être cinéaste, c'est répondre aux aléas, c'est dépendre des autres sans se perdre dans les compromissions, conjuguer forme et sens, narration et mise en scène, c'est donner une direction, le la, transformer ses faiblesses en force, c'est se révéler et révéler au spectateur une part de lui-même, forcer le destin pour donner naissance au film», lui a notamment écrit François Truffaut dans cette relation épistolaire que tout cinéphile doit forcément envier à Frédéric Sojcher.
Et indubitablement, cet échange va le conforter dans son envie de faire du cinéaste, et c'est le début d'un parcours jalloné de haut et surtout de bas que le cinéaste va raconter dans ce Fantôme de Truffaut, qui relate son parcours de cinéaste et d'enseignant (il enseigne depuis l'âge de 23 ans la pratique du cinéma à l'Université (il est actuellement Maître de conférences (HDR) et Directeur du Master professionnel en scénario, réalisation et production de l’Université de Paris 1 Pntn – Sorbonne).
Dans ce "fantôme de Truffaut", on y apprend, mine de rien, pas mal de choses passionnantes sur l'’envers du décor d'un tournage de film, des financements, des tournages, et même de la diffusion des films.
Ce fantôme de Truffaut est donc un récit sensible et souvent drôle, mêlant humour de situation avec pas mal d'auto -dérision (chers à nos amis belges), une leçon de détermination et de persvérance qui transpire surtout et avant tout de sa passion du cinéma , envers et contre tout. Car il en a avalé des couleuvres l'ami Sojcher, notamment dès l'âge de 23 ans lorsqu'il commence à tourner ce qui devrait être son premier long métrage et que ce tournage va devenir un cauchemar total qui le poussera à abandonner définitivement son projet.
Mais Sojcher ne conserve pas vraiment de rancoeur ni d'amertume, et son livre est avant tout une très belle ode aux acteurs et à toute l'équipe d'un film. C'est une initiation aux pratiques du cinéma, à l'envers du décor des tournages qui touchera beaucoup de monde, et notamment toutes celles et ceux qui rêvent d'entrer dans ce monde si mythique du 7ème art. Le fantôme de Truffaut est composé de courts paragraphes, écrit au présent, un comme des scènes de film, afin que son récit dépasse la simple expérience personnelle pour toucher le plus grand nombre. Mission totalement réussie pour ce récit que François Truffaut en personne n'aurait assurément pas renié.
2. La Femme d'â coté, Blu Ray ( TF1 vidéo)
Dans son pénultième film, François Truffaut aborde un de ses thèmes de prédilection à savoir la passion dans ce qu'elle a de plus destructrice. Juste après « Le Dernier Métro » film au gros budget ayant remporté une floppée de césars et consacré François Truffaut au sommet du cinéma français, le réalisateur décida de prendre tout le monde à contre-pied en réalisant un film vite écrit, vite tourné et bien plus intime que ce dernier métro, qui était quand même une bien grosse machine à tous les niveaux.
La femme d'à coté, j'ai du voir ce film au tout début des années 90, donc il y a plus de 20 ans, et, ne l'ayant plus revu depuis, j'avais pas mal d'images du film qui m'étaient restés dans la tête, et notamment cet épilogue raconté par la gérante d'un club de tennis (géniale Véronique Silver, également témoin d'un amour impossible dans le aussi formidablement réussi "Noce Blanche" de Jean Claude Brisseau).
Voilà une des belles idées de ce scénario écrit par Truffaut : raconter cette histoire du point de vue d'une tierce personne- qui a elle aussi vécu, dans sa jeunesse une histoire intense-, ce qui permet au spectateur de prendre du recul avec l'histoire mais aussi de l'enrichir par l' expérience de ce tiers.
Ce personnage secondaire n'est pas le seul auquel Truffaut confère une vraie subtilité dans l'écriture. En effet, les conjoints respectifs du couple d'amants amoureux apparaissent également comme étant très humains et fondamentalement attachants, ce qui est assez rare dans un film sur une relation extra conjugagle, puisque en général c'est la solution la plus facile pour justifier l’adultère de l'autre.
Et l'évolution des personnages principaux, notamment l'homme interprété par un Depardieu qui 'était à l'époque l'immense acteur évaporé depuis, un personnage, qui au début a une vie plutôt tranquille, qui va voir tout son horizon exploser en vol par l'irruption de son ancien amour, symbole d’un retour progressif vers une jeunesse forcément passionnée et déraisonnable.
Bref, tous les personnages de cette femme d'a coté sont à la fois humains et modernes, des personnages qui ressembleraient à n’importe qui d’entre nous. Grâce à ce choix dans l'écriture, on se sent très proche de l’histoire et des personnages, qui sont pour nous familiers, même si le plus beau est certainement le personnage de cette femme complètement dépassée par sa passion....
Et dans ce rôle, Fanny Ardant, la dernière égérie du cinéaste, trouve incontestablement un de ses plus beau rôles de sa carrière. Si Truffaut avait à l'esprit une idée de récit de passion destructrice depuis longtemps, c'est en la rencontrant lors d'un repas des Césars en l'honneur du Dernier Métro, qu'il aura la révélation pour finaliser l'écriture de ce personnage, auquel Ardant confère sa classe et son phrasé si particulier. Elle est ici sublimée visiblement par l’amour que lui porte son réalisateur, et la revoir juste après avoir vu les Beaux jours, une autre flamboyante passion adultérine, 30 ans après cette femme d'a coté, a quelque chose de profondément émouvant.
Alors certes, la mise en scène, et surtout le montage, m'ont paru parfois un peu daté et anachronique ( notamment cette forte propension à utiliser les fondus au noirs entre des séquences fondamentales, et une utilisation d'une musique un peu outrée et un peu vieillotte), mais il faut visiblement voir ces paramètres là comme une influence marquée de Truffaut à son idole Hitchock.
Et si le film peut paraitre parfois et étonnamment trop classique dans sa forme, je me suis dit en y refléchissant un peu avec le recul, que c'est justement une preuve du talent énorme de Truffaut de savoir raconter avec autant de simplicité cette histoire de passion dévastatrice, qui nous emporte dans sa fièvre, comme elle emporte toute notion d’ordre social et la raison de ses protagonistes.
Très belle édition Blu Ray avec une très belle qualité d'image. Ce Blu Ray est sorti le 2 octobre 2013 avec :
- Livret exclusif sur les coulisses du film
Bonus vidéoPrésentation du film par Serge Toubiana
Commentaire audio de Jean-Louis Trintignant