Baz'art  : Des films, des livres...
30 mai 2014

Deux jours, une nuit : l'oeuvre salutaire et poignante des frères Dardenne...

 Deux-Jours-Une-Nuit-VF_referenceJe vous l'ai dit en début de semaine, au détour d'une phrase de mon long bilan autour du festival de Cannes, j'ai été assez fortement déçu que "Deux jours une nuit" soit reparti totalement bredouille du palmarès de la résidente Jane Campion.

Et ma réaction fut d'autant plus étonnante que, lors des autres cérémonies de Cannes où un film des Dardenne était en compétition, j'étais souvent déçu...de voir que le film en question faisait partie du palmarès...

En effet, avant de voir ce Deux jours une nuit, j'étais assez hermétique à ce cinéma là, comme je le disais notamment dans ma chronique du précédent film des Dardenne Brothers, le gamin au vélo.  J'aime pourtant énormément,depuis bien longtemps,  le cinéma social, celui de Ken Loach ou de Robert Gudégian, mais j'avais tendance à considérer que le cinéma des Dardenne, à force de trop verser dans un naturalisme social qu'ils revendiquent tant, restait toujours un peu  sec et un peu froid. 

Avec cette caméra à l'épaule balladée de façon permanente, ces plans séquences interminables et cette absence de tout effet (musique notamment), ce cinéma là me parraissait toujours un peu trop corseté pour me transporter d'émotion, malgré la force des sujets de départ de chacun de leur films.

Cela dit, le précédent film du duo, Le gamin au vélo marquait déjà une petite variante dans leur radicalité d'origine, dûe notamment à la présence d'une actrice connue (Cécile de France) dans leur univers auparavant presque toujorus composé d'acteurs amateurs ou débutants (ils ont notamment découvert d'immenses acteurs, notamment Emilie Dequenne, Olivier Gourmet, Déborah François).

Cette évolution, les Dardenne  continuent de la creuser avec ces "Deux jours une nuit", qui là encore, fait intervenir non plus une actrice connue, mais carrément une star en la personne de Marion Cotillard, qui passe donc là des affiches de pub pour Dior (j'avoue, le contraste fut un peu rude lorsque je sorti de la salle en voyant la pub s'afficher en grand sur le mur en face du cinoche) à un habit d'ouvrière en usine, obligée de se battre pour ne pas se faire licencier. 

"La" Cotillard incarne donc avec une crédibilité  et un investissement qui forcent l'admiration (n'en déplaise à ses détracteurs) cette  Sandra, licenciée au retour d’un congé maladie, dispose d’un week-end pour tenter de convaincre une majorité de salariés de renoncer à leur prime de 1000€ pour préserver son propre emploi, puisque tel est le marché - assez dégueulasse mais qui visiblement a déjà été utilisé dans certains pays- mis en place par la direction.

Avec un tel sujet, fort mais assez casse gueule, jamais je n'aurais cru que les frères Dardenne parviendraient à m'entrainer avec autant d'aisance dans le combat humain de cette femme, extraordinairement interprétée par Marion Cotillard, qui confirme une fois de plus son immense talent à ses nombreux détracteurs. 

Les Dardenne vous donc nous plonger dans cette course contre la montre étalée sur un seul week end, une lutte aussi stressante qu’humiliante qui conduira Sandra à aller faire du porte à porte pour tenter de rallier ses collègues à sa cause, une cause loin d'être gagnée d'avance, les motivations pour refuser cette prime de 1000€ étant autant variées que justifiées  (que ce soit pour régler la facture de gaz,  compenser le chômage du conjoint ou bien encore payer les frais de rénovation de la maison..).

 De ce fait, cette variété dans les motifs présentés et cette justesse dans la crédibilité de ses situations font que, contrairement à ce qu'on pourrait craindre (et contrairement à ce que j'ai lu ici et ), jamais le procédé de répétition de l'énoncé de départ ne m'a paru être redondant ou répétitif.  En effet, l'on est tellement derrière- et avec- Sandra qu'on frémit avec elle à chaque fois qu'elle ouvre une nouvelle porte et qu'on redoute,comme elle un nouveau refus. Autrement dit, on est presque dans un thriller à suspens, ce qui est quand même bien nouveau pour un Dardenne, dont souvent l'intrigue manque de climax.

Un film à suspens certes, mais qui n'oublie pas pour autant de nous donner des indications sur cette société qui va toujours aussi mal, une société dans laquelle la solidarité a de plus en plus de difficultés à vaincre cet individualisme sans cesse grandissant. "Deux jours une nuit" illustre ainsi avec une grande acuité l’engrenage  vers un système et une société, qu'on le veuille ou non, de plus en plus individualiste.

Comme je le disais au début de billet, il arrive que parfois, je considère que les drames sociaux et notamment ceux des Dardenne, se heurtent à l'écueil du manichéisme avec des personnages avec lesquels j'avais toujours un peu de mal à entrer en empathie car trop occupés à lutter, en dépit de certaines valeurs.

Or, en l'occurence, ces personnages m'ont paru être admirables de pugnacité, d'abnégation et de dignité face à l'adversité (mention spéciale pour le compagnon de Sandra, ainsi que le jeune footballeur sensible, dans une scène absolument poignante à la moitié du film), et on appréciera que même les patrons ne soient pas montrés comme des salauds complets, mais semblent eux aussi avoir une petite partie d'humanité, malgré leur souci de rentabiliser leurs boites à tout prix.

Et si le scénario m'a paru moins démonstratif que d'habitude, le film m'a plu également par l'évolution dans la mise en scène par rapport à leurs précédents films.  En effet les dardenne ont (presque) tiré un trait sur les longs plans caméra à l'épaule qui suivent les personnages marcher quasiment sans s'arreter sans cesse,  et ils ont également un freiné sur les plans sérrés pour oser aller s'aventurer parfois sur des plans larges qui donne un côté un peu plus aéré et moins  oppressant que d'habitude. Et j'ai aussi beaucoup apprécié la fin, qui, là encore a contrario des autres films du cinéaste, laisse poindre un vrai espoir en notre société...

Bref, une oeuvre coup de poing sur notre société et optimiste en même temps, je prends sans hésiter et je conseille à tous les cinéphiles et tous ceux qui veulent prendre le pouls de notre société autrement que par le prisme du JT de 20H d'aller plonger dans ces "Deux jours une nuit" sans plus attendre...

Commentaires
M
Oui très beau film et le couple du film est très touchant, Lui qui la motive pour se battre. j'ai beaucoup aimé. Marion Cotillard est très bien oui. et puis oui optimiste d'une certaine façon. belle replique de fin dite par cette héroïne du quotidien : On s'est bien battus hein" dite à son mari. Je précise cette réplique ne dévoile en rien la fin. Myrtille
Répondre
B
ah oui oui.. mais j'ai vu aussi le cronenberg - pas encore chroniqué je sens que je vais plus galérer- et je pense que ce map to the stars te plaira pas mal si tu l'as pas déjà vu cher nio:o)
Répondre
N
Encore un film à voir donc. :)
Répondre
C
Ce film a vraiment l'air magnifique et ton avis me donne encore plus envie d'aller le découvrir!<br /> <br /> Bonne journée!<br /> <br /> ClaireCdn
Répondre
M
Merci pour le clin d'oeil Filou! Même si je ne suis pas aussi enthousiaste que toi, il n'en reste pas moins que ce "Deux jours, une nuit" est un film réussi, qui plaira sans doute aux fans des frères Dardenne...et à quelques autres aussi ;)<br /> <br /> Bon week-end à toi!
Répondre
Qui sommes-nous ?

Webzine crée en 2010, d'abord en solo puis désormais avec une équipe de six rédacteurs avec la même envie : partager notre passion de la culture sous toutes ses formes : critiques cinéma, littérature, théâtre, concert , expositions, musique, interviews, spectacles.

Visiteurs
Depuis la création 7 777 070
Festival Sport, Littérature et Cinéma
Festival Sport, Littérature et Cinéma

Du mercredi 29 au samedi 1er février 2025
Projections • Rencontres • Expositions • Librairie Sport

Depuis 2014, le festival "Sport, Littérature et Cinéma" s'est imposé comme un événement qui interroge les liens entre le sport et la culture et entre la culture et le sport.

Au programme de l’édition 2025 : rencontres, projections, signatures, expositions, colloques et une librairie éphémère dédiée au sport.

https://www.institut-lumiere.org/actualit%C3%A9s/12e-festival-sport-litterature-et-cinema.html

 

FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM FANTASTIQUE DE GÉRARDMER 32e édition - Du 29 janvier au 2 février 2025

En 2025, Gérardmer convoque les esprits et les âmes errantes, gwishin coréens, dibbouks, djinns, zombis, fantômes en tous genres d’ici et d’ailleurs.

Nul hasard que le spectre, être des profondeurs, de l’obscurité et de l’inconscient, figure errante aux confins du visible et de l’invisible, soit l’un des motifs de choix du cinéma fantastique et du cinéma tout court.

La thématique des fantômes hantera toute la programmation de cette édition 2025, avec une Sélection spéciale spectres, présentée par des passionnés du genre.

www.festival-gerardmer.com

 

 

FESTIVAL PREMIERS PLANS A ANGERS

 Festival Premiers Plans - 37e édition - 18/26 janvier 2025


En se consacrant à la découverte des nouveaux talents du cinéma européen et en faisant découvrir son patrimoine cinématographique, le Festival Premiers Plans d’Angers est devenu un rendez-vous culturel emblématique, reconnu par les artistes et les professionnels, suivi par un public curieux et enthousiaste, soutenu par de nombreux partenaires et personnalités.

Pendant 8 jours, près de 100 premiers films seront présentés dans les sept sections de la compétition, en présence des cinéastes : Longs métrages européens, Diagonales, Courts métrages européens et français, Films d’écoles, Plans animés et Chenaplans.

Des scénarios de courts et longs métrages seront également lus par des comédiens professionnels. La direction artistique des lectures de scénarios de courts métrages sera assurée cette année par la réalisatrice et scénariste Cristèle Alves Meira.

Le jury Longs métrages sera présidé par l’actrice, scénariste et cinéaste Nicole Garcia.

https://www.premiersplans.org/fr

 

Newsletter
150 abonnés