Baz'art  : Des films, des livres...
11 mai 2015

Le Journal d'une femme de chambre , quand Benoit Jacquot réussit à moitié son adaptation..

 

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Quelques mois à peine après le très beau Trois coeurs qui avait énormément emballé le mien ( de coeur), Benoit Jacquot est sur  grand écrans   avec son  Journal d'une femme de chambre.

En adaptant le roman d’Octave Mirbeau, Benoît Jacquot, familier des beaux textes et des grands films, livre, après Renoir et Bunuel ( deux films qui manquent à mon palmarès) sa propre interprétation de la lutte des classes et  de l’implacable loi de la domination.

Après plusieurs adaptations cinématographiques, Benoît Jacquot nous propose une nouvelle lecture  plus proche du roman initial.

Octave Mirbeau publie ce roman insolent et virulent en 1900, réquisitoire féroce contre une classe dominante au détriment de la condition esclavagiste des gens de maison, ainsi qu'une critique caustique de l'étroitesse d'esprit de la bourgeoise provinciale.

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Le ton est y alors très moderne pour l’époque tant cette critique  d'une société totalement compartimentée,  est acerbe, incisive, est elle l’occasion de brosser au scalpel une étonnante galerie de portraits, dans une violente satire des moeurs provinciales et parisiennes de la Belle Époque.

Si Jacquot ne retrouve sans doute  pas tout à fait le mordant de la plume de Mirbeau, il parvient quand même à retranscrire  avec une pertinence saisissante ce monde alors en pleine mutation , et d'avoir su s'emparer de cette esprit de révolte, encore feutré, mais déjà suintant, que l'on sent partout dans l'air ambiant.

 Un monde dans lequel  les domestiques acquièrent des droits, et ou leur classe commence à s’effriter, pour accéder à une sorte dl'indépendance qu’ils ne sont pas très surs de bien vouloir.

Cette question si pertinente, et même si dérangeante  de l’asservissement volontaire ( que le personnage de célestine exprime  d’ailleurs en voix off  ) fait tout le sel du roman et du film de Jacquot. Comment s'affranchir de sa condition sociale, et en fait, le désire t- on vraiment au fond de nous? Cette question, souvent présente dans les films de Jacquot est ici traitée avec pertinence et acuité, avec évidemment ce magnifique personnage de Celestine.

Jeune femme lucide, très ,intelligente , et en même temps consciente qu'elle ne se trouve pas vraiment à la place qu'elle devrait occuper dans la société mais  également  lucide sur ses manques et défauts. .A la fois insolente , mais dont l’apparente assurance ne semble être qu'un leurre,  à la fois charmeuse et prisonnière de ses charmes, Léa Seydoux  prête à cette Celestine, et de façon assez remarquable son air à la fois ingénu et malicieux.  

Et ces questions de la lutte des classes, et du rapport entre les sexes, reste encore d’actualité, plus d’un siècle après l’ouvrage de Mirbeau et c’est tout le talent de jacquot de réussir à montrer la modernité de cette histoire, avec une mise en scène, parfois onirique, souvent dynamique (on monte et on descend les escaliers avec Célestine au gré des demandes de l’horripilante bourgeoise, magnifiquement incarnée par  la grande actrice de théâtre Clothilde Mollet ), avec une propension à multiplier des  zooms qui continuent des travellings en tout cas jamais académique et ampoulée comme le sont souvent les films ou téléfilms d’époque.

Dommage que la vision des hommes- qui sont décrits  comme de vrais sauvages qui ne pensent qu’aux choses du sexe- sont décrits sans la nuance qui était plus présente dans le texte de Mirbeau, d’autant plus que la plupart des acteurs masculins, avec notamment le pourtant excellent Vincent Lindon, qui en fait un peu beaucoup en jardinier antisémite et bougon,  à la diction très difficile à comprendre, ou encore Vincent Lacoste assez catastrophique en jeune tuberculeux qui s’ouvre à l’amour, ne sont pas forcément à leurs avantages ( mais jacquot est définitivement un cinéaste des femmes, et le prouve encore).

Dommage aussi que le dénouement donne le sentiment d’être trop expédié et d’arriver vraiment trop brutalement, contrairement au livre il manque des éléments essentiels pour comprendre l’évolution des personnages et des liens entre eux.

Du coup, cette fin ratée entache un peu le sentiment global qu’on a sur ce film qui reste quand même de très bonne tenue,  soigné, très bien photographié et aux propos intelligent et qui pousse assurément à la réflexion..

Journal d’une femme de chambre avec Léa Seydoux - bande annonce - VF - (2015)

 

 

 

 

 

Commentaires
I
Eh bien c'est très simple : je suis d'accord en tous points ! Simplement je n'ai pas lu le livre, donc je ne peux juger de l'adaptation elle-même, mais c'est sûr que j'ai trouvé la fin abrupte ou plutôt effectivement pas très bien amenée. Donc je comprends mieux si tu dis qu'il manque des éléments par rapport au roman. Bien d'accord aussi sur les actrices qui brillent (encore) et les acteurs beaucoup moins... Je ne dirais pas non plus qu'il ne mérite vraiment pas d'être vu, mais qu'il est tout de même aisément dispensable pour le coup. Dans l'ensemble, plutôt une déception pour moi.
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R
Bonjour, j'aime beaucoup les films de Benoit JACQUOT, 3 coeurs m'avait aussi bien plu. Malheureusement, têtue comme je suis, j'ai dû mal à aller voir un film quand je fais un blocage sur l'acteur (trice) ; ce qui est le cas de Léa Sédoux, hé oui. J'ai bien sûr vu la vie d'Adéle que j'ai aimé. Ceci dit rien à regretter apparemment, j'ai tellement hésiter à le voir ce film.Bonne semaine :)
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