High Rise, l'univers déshumanisé de JC Ballard ( bien) mis en image par Ben Wheatley
Après SKY, dont j’ai vanté hier les mérites, je vous propose encore une chronique sur une des nombreuses sorties de ce 6 avril que j’ai pu voir dans un festival.
Il s’agit de "High Rise", projeté en clôture du festival Hallucinations collectives un film qui est délibérément moins dans mon univers que celui de Fabienne Berthaud mais dont je ne peux que louer l’ambition et l’évidente réussite formelle, à défaut d’un scénario qui m’a laissé quelque peu dubitatif.
Ce film est l’œuvre de Ben Wheatley un des cinéastes anglais du moment les plus singuliers, et dont chaque film intrigue fortement la communauté de cinéphiles.
Il faut dire que ce cinéaste anglais à l'univers si particulier, a vraiment attiré l'attention avec son film Kill List sorti en plein été 2012 commençant comme une chronique sociale finissant en film d'horreur, puis avec TOURISTES, une comédie noire à la croisée de Ken Loach et des Monthy Python, (voir chronique ici) et qui a également marqué son monde et définitivement affirmé Wheatley comme un cinéaste qui compte, à l'univers transgressif , délicieux
Pour son nouveau film Wheatley a choisi d'adapter le roman éponyme de l'écrivain britannique J. G. Ballard sorti dans les années 70, autour d’un casting de stars internationales, Luke Evans, Élisabeth Moss, Sienna Miller ou bien encore le mythique Jeremy Irons.
Satire sociale à la fois intelligente et complexe sur le matérialisme dans la société de consommation alors à son apogée dans les années 70, dérivant rapidement hors de contrôle, ce roman qui s’appelle au départ I.G.H. (Immeuble de Grande Hauteur) faisant partie d’un triptyque appelé La Trilogie de Béton., multipliait les personnages et les points de vue de résidants d’un luxueux et moderne gratte-ciel qui vivent des règles sociales prédéfinies et totalement restrictives.
Sans son travail d'adaptation, Ben Wheatley a préféré se focaliser sur le point de vue d’un seul personnage, celui d’un Dr Laing, nouvel arrivant, qui va être à la fois témoin et acteur de la déliquescence de cette société réglée comme du papier à musique et qui est un peu le point de repère du spectateur pour tenter de comprendre les règles et les fonctionnements pour le moins étranges de cette société.
Malheureusement après une première heure de présentation de cet univers et de cette mécanique trop bien huilée, la seconde partie, celle du chaos totale, où l’on voit les locataires de cet immeuble sombrer totalement dans un effondrement des valeurs humaines et sociétales est trop décousue et abstraite pour captiver totalement.
Les attitudes et les comportements de ces personnages à la dérive semblent manquer de sens pour ne pas marquer l’incompréhension du spectateur qui du coup commence à trouver le temps un peu long avant que le dénouement arrive un peu comme une libération.
Cela est d'autant plus dommage que, sur la forme, "High Rise" s’avère être vraiment très réussi, et constitue sans doute la réalisation la plus épatante à ce jour de son auteur, marquée par une réalisation ultra-stylisée qui rend fascinant cette univers désincarné et sans foi ni loi, et qui montre parfaitement la dépendance de l’homme vis-à-vis de son environnement matériel.
Plus qu’un simple décor, l’immeuble filmé par Wheatley s’avère être un personnage à part entière grâce à la belle maitrise formelle du cinéaste qui s’appuie notamment sur une photographie et une bande sonore anxiogène à souhait. Après, la froideur pleinement assumée de la réalisation a aussi un défaut, celui de laisser le spectateur un peu sur le bas coté ( surtout donc dans sa dernière partie) et de manquer d’empathie pour les personnages.
Bref cette satire sans concession d’un monde à la dérive frappe par son ambition et sa maitrise formelle, mais déçoit dans sa narration et sa conduite du récit… Cela dit, pour les amateurs de films de science fiction orignaux et intelligents, ce High rise mérite assurément le détour..
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