Des touristes qui carburent à l'humour noir
Après une journée consacré hier au polar, voici une journée spécial sorties dvd, puisque suite à ma chronique du film Augustine, voici un courte chronique du film "Touristes",un film dont j'ai déjà parlé dimanche dernier puisque je vous rappelle que j'ai la possibilité grace à Wild side de vous faire gagner deux dvd du film.
Je n'avais pas encore vu le film au moment où j'ai lancé le concours, et c'était d'ailleurs plutot risqué vu que le film pouvait ne pas me plaire du tout.
C'était une éventualité tout à fait fait plausible car je savais que le film surfait largement dans la catégorie comédie noire très trash, et j'avoue avoir un peu de mal avec ce genre de cinéma, pour lequel j'émets pas mal de réserve, notamment celui de son peu d'empathie qu'il porte sur ses personnages et sur le trop grand détachement qu'il prend avec son intrigue.
Si je n'avais pas su que le film pietinait les plates bandes de la bineséance et continuait sur la lignée de Kill List dans un cinéma choc et subversif, j'aurais pu penser, en voyant les dix premières minutes du film qu'on allait vers une chronique sociale britannique à la Mike Leigh auquel le film fait souvent penser ( dans les bonus du film, les auteurs avouent leur grande adoration pour ce cinéma et leur volonté de pousser encore bien plus loin le potentiel glauque des films de Leigh).
Car,, si le film aborde les rives de la chronique sociale un peu sombre avec des personnages qui n'ont pas beaucoup d'atouts en manche ( laids, pauvres, vils) ensuite, alors que les aspects les plus sombres des personnalités de Tina et Chris se révèlent, on glisse doucement vers une comédie à l' humour féroce avec un esprit bien noir qui ne fera qu'aller crescendo.
Sans avoir de l'empathie pour eux, on se retrouve assez fasciné par ce couple qui vacille dans la folie pure, ces deux êtres sans la moindre notion de conscience, de bien ou de mal, dont la cohabitation sera un catalyseur à leurs fantasmes les plus fous !
On trouve un malin plaisir dans le naturel des personnages – les acteurs, également co scnéaristes du film, et qui ont joué la pièce de nombreuses années avant d'en faire un film se montrent formidables – face aux assassinats, continuant leur petit périple comme s’ils n’avaient rencontrés que de simples anicroches, gâchant une soirée restaurant ou un après-midi randonnée.
Leur balade misanthropique donne à chaque rencontre un caractère particulièrement croustillant puisque la moindre contrariété peut déclencher une explosion de violence gore et mortelle ( à chaque rencontre qu'ils font, on se prend à se dire "ca y est c'est lui qui va se faire buter, c'est sur," et parfois on a raison et parfois tort) , et d’autant plus lorsque la tension grimpe entre ces deux amants se découvrant un peu plus chaque jour.
On est ici dans une version plus sarcastique de Bonnie and Clyde ou Tueurs Nés, presque aussi sanglants, mais l'humour et la malice en plus.
Car Ben Wheatley prend un plaisir pervers à brocarder une bonne partie des indéboulonnables institutions britanniques. Il faut dire que le film alterne visites dans des musées improbables (comme celui du Tramway ou du Crayon, visites assez déprimantes s'il en est) et lieux patrimoniaux, avec trucidages en tous genres et, de temps en temps, de vigoureuses parties de jambes en l'air, idéales pour resouder le couple qui pourrait partir à vau l'eau.
Bref, un film totalement iconoclaste qui tiendra jusqu'au bout son pari de l'audace et de l'irréverence, contrairement à pas mal de comédies noires qui finissent souvent par une partie moralisatrice, totalement absente ici ( avec une chute, dans les deux sens du terme, assez étonnante)
En bref, il s'agit d'une comédie rythmée, inattendue et assez jouissive, finalement plus angoissante que légère ( donc qui ne prend pas son intrigue avec trop de recul comme je pouvais le craindre) , et qui surtout, possède cette qualité de ne jamais faire marche arrière, dans le sens où les personnages n'auront jamais les remords qu'on pourrait être en droit d'attendre de ce genre de comportements.
Certains, pour qui le curseur de l'immoralité est placé plus bas, seront probablement choqués par ce versant du film,alors que d'autres, comme moi se féliciteront de cette audace et de cette ambiguité ( plus ces personnages sont odieux, plus on s'attache à eux) qu'arrive à cultiver le cinéaste.
Un cinéaste que l'on suit avec grand intéret dans le making off de 35 minutes qui figure dans le DVD, qui sort donc vendredi ,soit le 26 avril prochain, chez Wild Side, et dont la suite de la carrière est manifestement, au vu de ces bien jouissifs Touristes, à suivre avec la plus grande curiosité.