Swagger, le film sur la banlieue qui ne ressemble à aucun autre..
Après un passage pas mal remarqué au festival de Cannes lors de la sélection ACID- certainement avec l'épatant Willy 1er, c'est le film de la sélection qui a été le plus distingué du lot-, "Swagger ", du réalisateur Olivier Babinet, arrive enfin sur nos écrans mercredi prochain, le 16 novembre, et il serait vraiment dommage de le rater.
Vidéaste et cinéaste, Olivier Babinet avait déjà marqué les curieux et les cinéphiles avec son premier long métrage Robert Mitchum est mort, en 2009. Après plusieurs d'années d'absence sur les grands écrans, il revient avec un teen movie documentaire qui possède l'atout énorme de poser un regard différent sur la banlieue française.
Au départ du projet, il y a une envie à la fois simple et finalement pas si répandue que cela : après avoir posé ses caméras dans un collège-lycée d’Aulnay-sous-Bois, le cinéaste a décidé de suivre et d'interviewer onze jeunes gens singuliers qui racontent face caméra leur parcours, leurs passions, leurs espoirs, leurs deceptions....
Olivier Babinet a en fait travaillé pendant deux années avec des collégiens d’Aulnay sous-Bois ,dans un quartier où 50 % des familles vivent en dessous du seuil de pauvreté et après avoir réalisé 8 courts métrages avec eux a décidé de prolonger l'experience avec ce film documentaire.
Ces adolescents présentent tous des personnalités bien singulières et surprenantes, qui souvent, dénotent largement de l'image renvoyée par les médias et l'opinion publique dans son ensemble quand il est questions de jeunes qui grandissent dans des cités les plus défavorisées de France.
Mais au delà des médias et des pouvoirs publics, l'art non plus, et notamment le cinéma du reste ne nous a pas souvent habitué à donner une image aussi optimiste et pleine d'espoir de cette jeunesse banlieusarde: ainsi, même un autre récent film cannois qui a fait sensation : la caméra d'or Divines, malgré toutes ses qualités intrinsèques, enfermait un peu in fine ses personnages dans des stéréotypes de banlieusardes avides d'argent facile et de trafics forcément illégaux, et même si cela correspond aussi à une réalité sociale, on pouvait déplorer que la cinéaste n'aille pas forcément au dela...
Rien de cela dans Swagger : malgré les difficultés et les épreuves parfois douloureuses qu'ils ont pu traverser- on n'est pas non plus chez les bisounours, évidemment- les gosses filmés par la caméra de Barindet ont plein de rêves dans la tête et de l’ambition à revendre.
Nazario, Salimata Aïssatou, Régis, Paul et tous les autres bousculent les représentations et idées reçues et démontrent si besoin était, qu'ils en ont dans le ciboulot, grâce à des remarques d'une belle et grande clairvoyance. Des jeunes gens qui paraissent lucides, atypiques et profonds, comme il doit y en avoir des milliers dans les banlieues de France, si l'on prenait juste la peine, comme Olivier Babinet le fait ici, de leur donner la parole et de les écouter sans a priori et condescendance..
"Swagger " apparait dès lors comme un bien beau panorama de personnalités inattendues et parfois anachroniques, comme ce Régis, passionné par la mode qui ne cesse d'aborer des tenues qu'on n'a pas l'habitude de voir dans des cités, ou de propos qui envoient valser les lieux communs, comme ceux de la jeune Naïla qui trouve ce diable de Mickey Mouse ( dont on a parlé hier) profondément inquiétant..
Une des grandes forces de Swagger c'est que le film ne regarde jamais la banlieue d'un oeil supérieur ou misérabiliste, car elle nous la fait voir en permanence à travers le regard de ses jeunes habitants, autrement dit en étant constamment portée par la même energie, la même innocence et la même foi en l'avenir que ses protagonistes..
Mais Swagger ne surpend pas que par le fond: une des grandes qualités du film de Babinet c'est qu'il cherche toujours à aller à rebours du documentaire naturaliste, en alternant les genres et les audaces formelles, ici en osant des séquences proches de la science fiction font voyager des drones du futur, là en tentant une comédie musicale bigarée autour de Paul, autre personnalité passionnante du film...
Toutes ces recherches formelles illustrent bien l'ambition du cinéaste de ne surtout pas se cantonner à une vision un peu austère, minimaliste du documentaire sur la banlieue, mais de faire un vrai film de cinéma inventif et étonnant avec un vrai sens du cadre et de la lumière, qui prouve l'exigence et la réussite du projet à tous les niveaux.
Bref, Swagger, c'est aussi stylé dans son propos que visuellement parlant, avec une réalisation aussi élégante que les tenues portées par Régis..
Au fait, me diriez vous, pour finir, ca veut dire quoi au juste, SWAGGER, dans le vocabulaire des cités? Eh bien, tout simplement rouler des mécaniques, parader , marcher avec une allure fière.... Le moins qu'on puisse dire, c'est que si a priori le long métrage de Babinet, humble et sans prétention ne swaggue pas, il pourrait tout à fait y prétendre au vu des nombreuses qualités affichées sur l'écran...
En parallèle de ses activités de scénariste et de réalisateur,Cette collaboration a abouti à la réalisation par ces adolescents de 8 courts-métrages fantastiques et de science-fiction. Au fur et à mesure de ces rencontres l’idée de leur consacrer un film documentaire a germé. Quatre années en tout, passées en immersion avec eux. Swagger a été présenté au Festival de Cannes 2016, Sélection ACID. Olivier Babinet fait partie du collectif d’artistes «We are Familia» et réalise de nombreux clips (Cheveu, Zombie Zombie, Tomorrow’s World, Rita Mitsouko, Mathieu Boggaerts, etc.)
http://www.swagger-le-film.com/