Baccalauréat : le portrait sombre et profond d'une Roumanie à la dérive
Il y a quatre ans, lors de mes sélections hebdomadaires des films à voir en salles- (rubrique que j'ai abandonnée depuis dans l'anonymat le plus déprimant :o) je clamais à qui voulais l'entendre mon intention de bouder le film Au delà des Collines, pourtant double primé à Cannes, car ce cinéma ésotérique et contemplatif n'est pas forcément le mien..
Si je n'ai jamais vu depuis ce long métrage de Cristian Mungiu récompensé en 2012 du Prix du scénario ainsi que d’un double Prix d’interprétation féminine, j'ai un peu changé d'avis concernant mon envie d'aller voir en salles les nouveaux films d'un cinéaste que le Festival de Cannes ne cesse de récompenser à chaque fois qu'il y présente un film..
C'est ainsi que j'ai décidé de me précipiter dès sa sortie pour voir Baccalauréat, son quatrième long-métrage, reparti lors du dernier festival, avec le Prix de la mise en scène – ex aequo avec Personal Shopper d’Olivier Assayas qui sort simultanément en salles.
Finalement, le terme d'ésotérique, et même celui de contemplatif, ne sied pas vraiment au cinéma de Mungiu, qui, s'il use (et abuse?) toutefois souvent de longs plans séquences, opte a contrario pour une caméra souvent en mouvement, une caméra à l'épaule qui en suivant les affres de son héros en perdition, et malgré sa portée naturaliste, m'a semblé bien moins austère que l'image du cinéma de Mungiu que j'avais pu faire juste avec sa palme d'or vu en 2007.
Certes, le film accuse quelques longueurs, notamment dans sa seconde partie - avec trente minutes de moins, Baccalauréat aurait été d'une force encore plus importante- mais ce portrait d'un l'engrenage de la corruption d'un honnête homme vaincu par le remords reste remarquablement décrit et plus que par la mise en scène c'est le scénario - quoique celui du Client primé de son coté était tout à la fois formidable- qu'il aurait du être du être récompensé..
Le gros atout du scénario de "Baccalauréat" , c'est qu'il parvient avec une belle maitrise à y brasser plusieurs thèmes : la portée de l'’amour parental qui peut amener un père à faire des choses illégales pour sa fille, la corruption qui gangrène la Roumanie contemporaine, la déception qu'on a au fond de soi lorsqu'on se rend compte à 50 ans qu'on a pas pris la bonne route, l'usure du couple..
Peinture d’une Roumanie malade, Baccalauréat est aussi et avant tout le portrait d’un homme pris dans un étau sans cesse rattrapé par ses mauvais choix malgré ses bonnes intention de départ Romeo, chirurgien d’une cinquantaine d’années prêt à toutes les compromissions pour assurer à sa fille un avenir loin d’une Roumanie qu’il juge corrompue.
Un personnage que le cinéaste souhaite emblématique d'une génération roumaine usée jusquà la corde et si loin de leurs reves intitiaux de reconstruction d'un pays après Ceaucescu.
Et cette génération n'est pas beaucoup plus optimiste sur la génération à venir, en ne leur offrant comme seul héritage que la possibilité de s'exiler ou bien alors la soumission comme seul horizon.
Dans cette peinture noire mais lucide d'une société roumaine à la dérive , le long métrage de Mungiu évite heureusement pour le spectateur le pessimisme total avec un dernier plan qui pourrait laisser un peu d'espoir à ce nihilisme ambiant... Malgré cette dernière image, Baccaulérat, film intelligent et profond est quand même à réserver à un public qui n'a pas peur d'aller voir un cinéma exigeant et sombre..
Pour ceux qui préfèrent principalement du cinéma léger et divertissant l'offre de cette suffisamment d'année est suffisamment variée...
BACCALAURÉAT Bande Annonce (Film Roumain - 2016)