
Ca y est : 2016 touche à sa fin, et , comme chaque année, les tops tens - ou "sélection" ( c'est plus trendy) cinéma fleurissent un peu partout, alors même que tous les films n'étaient pas encore sortis ( ce qui est le cas depuis ce mercredi)...
Le notre devrait normalement paraitre en début de semaine prochaine comme j'ai pris l'habitude de le faire, et comme les années précédentes, si je n'ai pas réussi à chroniquer tous les films que j'ai pu voir il m'apparait important de chroniquer les films qui pourraient largement en faire partie..
A cet égard, dans les derniers films sortis en décembre, le long métrage américain Manchester by the sea était évidemment , sur le papier déjà, le candidat le plus sérieux.
Du coup, dès que j'ai entendu parler de ce film lors de sa première projection à Sundance en début d'année, je me suis dit qu'il aurait pas mal d'éléments et pour me séduire et aussi pour truster allégrement les premières places de ce classement final.

Moi qui suis un grand fan des mélodrames et qui déplore que le cinéma américain n'ose plus en faire comme il le faisait encore dans les années 80 (et même 90) , je n'ai pu que me jeter, dès le jour de sa sortie en salles (enfin le lendemain plutot puisque le jour même je me suis hélas fadé Rogue One) sur une salle qui le projetait, et je n'ai pas été déçu une seule seconde par ce splendide drame familial, comme le cinéma américain n’en fait plus depuis longtemps.
J'avais pourtant peur d'être déçu, comme souvent cette année encore lorsque l'unanimité critique est de mise - comme cela a été le cas avec les décevants Toni Erdmann et le Elle de Verhoeven..
Or, peut-être, car a priori je suis plus adepte de mélodrames américains que de comédie allemande ou de (faux) thriller subversif franco hollandais, j'ai été ce coup ci totalement d'accord avec la critique et fut de suite embarqué par ce "Manchester By the sea".
Une oeuvre qui est à mon sens une vrai bijou, une merveille d’écriture cinématographique, qui fascine et surprend constamment par ce mélange de fresque romanesque d'une densité folle et ce coté réaliste et parfois minimaliste ( le début du film où il ne se passe quasiment rien où l'on suit le quotidien d'un homme à tout faire en pilotage automatique qu'on regarde de suite avec énormément de passion).
On aime énormément la facon dont Lonnergan raconte son histoire, en entremelant le présent à des flashbacks qui surviennent un peu sans prévenir.
La grande réussite du film c'est qu'il en appelle constamment à l'intelligence du spectateur qui doit se concentrer pour comprendre ce qui est montré et savoir où l'on se situe dans la temporalité de l'histoire, et surtout en évitant les réponses et la facilité d'un scénario qui évitera le piège de la rédemption facile à laquelle on pouvait s'attendre comme dans 95% des cas du cinéma américain ..
Cet usage intempestif de flashbacks n'est jamais totalement fortuit, ces derniers servent en effet à rendre humanité et étincelle de bonheur à un être qui l’a, semble t-il, définitivement perdue., mais qui pourrait peut etre tenter de la retrouver, par substitution, en devenant tuteur de son neveu orphelin...
Ce portrait d'un homme qui vit entouré de fantomes et qui déclenche des bagarres pour se sentir vivant et de sortir de sa condition de zombie dûr à une une tragédie- qu'on ne racontera certainement pas car on la découvre en plein milieu du film- est déjà admirable sur le papier.
Elle l'est d'autant plus à l'écran vu que cet homme en totale perdition est joué par un Casey Affleck en état de grâce, même dans ses hésitations et ses balbutiements, son regard vaseux, presque aussi liquide que celui qu'il s'envoie régulièrement pour tenter d'oublier sa condition d'être brisé.
Des acteurs énormes (le jeune Lucas Hedge est fabuleux aussi) constituent un atout nécessaire pour ce long métrage essentiellement centré sur les relations humaines, centré sur un récit dense, complexe et riche, qui, de par sa longueur jamais superflue, rivalise sans peine avec ces séries actuelles, qui touchent par ces destins et ces personnages tellement attachants.
Mais contrairement aux séries télévissées dont la réalisation est souvent au service total de la narration, la mise en scène de Lonnergan n'est pas en reste.
La caméra du réalisateur du maudit Margaret réussit à mettre totalement en valeur un décor plein de charme de ce petit port du Massachusetts, notamment , lors d’une virée sur le vieux bateau de pêche du frère de notre ( anti) héros et qui est d'une richesse infinie sur des détails a priori anodins mais qui révelent leur profondeur après sa vision est tout aussi admirable que la conduite du récit..
On retiendra notamment sans trop spoiler plusieurs séquences absolument fabuleuses, dont une très courte située dans un commissariat qui nous prend totalement à la gorge, ou même un emménagement a priori totalement banal mais qui mine de rien décèle énormément de solidarité et d'émotion..
"Manchester by the sea" collectionne ainsi les garanties qui contribuent à sa grande valeur : comme dans tout mélodrame digne de ce nom, il est traversé par un humour très fin et incontestable, mais le film est admirable aussi par la sincérité et l'authenticité de ses personnages et de ses situations qui s'en dégage et, bien sûr aussi par son absence de pathos et d'émotion facile qui en fait tout son prix..
Un très grand film de cette année qui forcément fera partie des 10 plus beaux.. pour savoir à quelle place précisemment, il ne reste juste à patienter quelques jours..
MANCHESTER BY THE SEA Bande Annonce VOST