Baz'art  : Des films, des livres...
3 janvier 2017

Interview avec Edouard Baer et Sabrina Ouazani (1ère partie) pour Ouvert la nuit:

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Dans mon très récent billet/ bilan du 1er janvier, je vous racontais que l'an passé, j'avais eu l'immense chance de faire pas mal d'interviews de grosses personnalités du milieu de la culture, de celles que j'admire profondément, de Vincent Delerm en passant par Catherine Deneuve ou encore la très populaire Karin Viard, et que 2017 commençait pas mal non plus de ce côté là.

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Evidemment, je savais déjà à ce moment là que j'allais vous parler de cette belle rencontre que j'ai pu faire en décembre dernier avec Edouard Baer et avec l'éblouissante comédienne Sabrina Ouazani venus sur Lyon défendre le troisième film  de Baer intitulé « Ouvert la nuit »  qui sort le 11 janvier en salles.

Un peu plus de dix ans après « Akoibon », Edouard Baer nous livre un road movie urbain proprement jubilatoire, un After Hours moderne sur les traces d'un  certain Luigi - Baer lui même, reprenant le personnage de Luizi Perrozi qu'il avait joué au Théâtre- qui se bat durant une nuit entière pour sauver son théâtre.

Au fil de différentes péripéties qui l’amènent à s’interroger sur son  conception de la vie et son entourage, Edouard Baer nous plonge dans un cinéma inventif, fantaisiste, libre, proche des gens, bref un cinéma  qui lui ressemble tant, et c'est d'ailleurs la première question qu'on a voulu lui poser au cours de cette interview qui comportera deux parties pour ne pas être trop indigeste. 

Une ITW à lire évidemment à voix haute en reprenant si possible le phrasé si particulier de notre cher Edouard, que l'on chéri depuis maintenant plus de 20 ans et son fameux comité de visionnage que tous les quadra comme moi n'ont évidemment pas oublié:

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Vous avez écrit le scénario d’Ouvert la nuit avec Benoit Graffin, qui vous avait dirigé peu de temps avant dans "Alors heureux". Quel a été son véritable apport , difficile à évaluer à l'écran,  tant "Ouvert la nuit"  semble totalement un film d’Edouard Baer, qui n’aurait pu etre écrit par personne d’autre que vous?

Edouard Baer: Ah si, Benoit m’a beaucoup apporté, il m’a aidé à “ accoucher” du film… Ce film est un "road movie urbain", une déambulation nocturne dans Paris, et c’est un genre qui pourrait très vite tomber dans le plat , le linéaire s'il n'y avait pas de charpente tout autour.

A cet égard, le rôle de Benoit est justement d’apporter quelque chose dans la construction du récit  afin d'éviter cet éceuil:  il fallait à la fois faire le portrait d’un personnage, et raconter une histoire avec des surprises des rebondissements, et que l'ensemble tient le fil d’une heure et demie. Et Benoit est très doué pour tendre et même retendre une histoire , créer des sous tiroirs  et y mettre un vrai souffle...

Cela fait plusieurs années que je lis les travaux  de Benoit Graffin, notamment celui de "La fille de Monaco "d’Anne Fontaine ou encore les films de Salvadori,  et je trouve vraiment que c’est un scénariste formidable..

Quand on raconte une histoire à deux comme on l’a fait pour "Ouvert la nuit", on essaie de voir dans l'écriture du récit, jusqu’où le personnage peut aller  dans ses rapports amicaux, amoureux, financiers.

Ainsi, par rapport aux élèments que je lui ai donné en amont, Benoit a essayé- et pleinement réussi- d’en faire une vraie histoire de cinema…

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A ce sujet, le choix de fixer cette histoire dans une unité de temps particulière était-il présent dès le depart de l'aventure ?

Edouard Baer: Ah oui, je trouve cela formidable l'unité de temps ..cela instaure une vraie urgence dans le road movie, c’est vrai que j’avais revu peu de temps avant de faire le génial "After Hours," de Scorsese,  et cela a dû jouer dans cette envie …

Et puis, pour tout vous avouer, j’avais envie de tourner au minimum la journée, j’ai un petit problème à réaliser de beaux extérieurs jours, cela nécessite beaucoup de temps, ce que je n'avais pas beaucoup ..

Au delà de cette contrainte, j’avais un véritable désir de filmer de nuit, de montrer les visages dans les néons, les lumières urbaines, les cafés,  tout cela revet une ambiance tellement différente de nuit..

J’avais aussi en tête en tournant, des plans nocturnes d’une grande beauté muette de certains films, je pense notamment au film de Louis Malle, "Le feu follet",  et les sequences un peu mélancoliques de mon film puise certainement son inspiration de ce long métrage de Malle, certainement le plus beau de sa filmographie..

Dans mes références de cinéma nocturne, j'ai aussi pensé à "Meutres d’un bookmaker chinois" de Cassavetes, mais cela dit, j’essaie de ne pas trop me laisser envahir par les références quand je tourne, ne serait ce que pour ne pas prendre le risque d’imiter des plans déjà vus dans d'autres films...

Et  par ailleurs, en règle générale, je préfère reproduire des scénes inspirées par la vraie vie que par le cinema, cela correspond plus à mes intentions de depart..

Au niveau de votre méthode de travail comment procédez vous exactement? En amont du tournage, est-ce que votre travail est  très storyboardé ou pas du tout?

Edouard Baer :Ah non, pas du tout , il n'y a pas de storyboard sur mes plateaux de tournage…

Ma  "méthode” est très simple : je repète beaucoup en amont avec les acteurs..j’avais vu mes acteurs principaux avant le tournage, notamment  Sabrina et  Audrey (NDLR :Tautou formidable en administratrice qui tente de colmater toutes les brèches), je suis allé  sur les décors avec eux en compagnie d'Yves Angelo, mon chef opérateur et à ce moment là,  on essaie tout simplement  d’imaginer comment sera la scène…

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Je ne suis pas un grand adepte du storyboard, car je n’aime pas forcément le cinema très découpé, personnellement je vais plus chercher le plan-séquence pour avoir un type d’énergie qui ressort à l’image, une façon de filmer très directe pour mieux coller au personage de Luigi, qui n’arrive jamais à se poser, sans cesse  en mouvement..

En fait, si j’osais une formule un peu creuse,  je dirais que mon film est plus chorégraphié que storyboardé  ( sourires)..

Du coup, vous laissez pas mal de place à l’imprévu, aux surprises pendant le tournage?

Edouard Baer  : Oui bien sûr… Comme on avait pas mal travaillé le scénario avec Benoit Graffin et qu’on en était plutôt content, on peut alors chercher des petites surprises et un peu d’inattendu une fois qu’on tourne : plus le matériau de départ est solide mieux c'est pour essayer des trucs, quitte à revenir sur le scénario de départ si cela ne fonctionne pas..

Et la relation qui s’instaure dans le film entre nos personnages, celui de Sabrina et du mien, qui cherchent constamment à surprendre l’autre, contribue aussi à cette petite part d’improvisation qu'on s'est autorisé..

Il faut savoir qu'Yves (Angelo) avait mis un dispositif de camera très léger qui nous permettait de visionner très rapidement la séquence filmée et voir les réactions des comédiens à chaque repartie non prevue dans le scénario initial, si l'échange nous semblait être plus efficace que dans le scénario intitial, on le conservait...

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A propos des réparties, celles ci sont très nombreuses dans votre film : est-ce une volonté clairement affichée de votre part de faire un film très bavard?

Edouard Baer : Ah oui bien sûr, j’ai toujours beaucoup aimé les films de dialogues. Et cela me semblait terriblement naturel d’aller dans ce cinema là, mettant en valeur des personnages aux verbes hauts, quelque part entre Guitry et Jamel Debbouze, et retrouver aussi un peu de ces piliers de comptoirs qui parlent sans fin et qui mitonnent un peu pas mal aussi ( sourires) …

Le langage est d'autant plus important dans le film que Luigi, mon personnage principal, est persuadé qu’on peut convaincre son auditoire avec son verbe, sa fumée de mots, du moins jusqu'au moment où il va rencontrer dans le film un être ( NDLR: un bébé) pour qui les mots ne servent pas à grand chose..

Justement, Sabrina, est ce que les textes- si longs- d’Edouard Baer sont faciles à apprendre?

Sabrina Ouazani: Pas forcément non, mais comme Edouard vous l’a dit, on a fait un gros travail avant le tournage pour s’approprier notre texte en déambulant dans les décors du film, donc ca aide pas mal..

Et franchement, Edouard est quelqu’un de génial, très ouvert aux propositions que  son équipe lui formule.. il avait vraiment envie que je me sente bien avec les dialogues donc il les ré-écrivait en fonction de mes éventuels désidérata si je sentait qu’un mot ne sonnait pas très bien dans ma bouche…

Edouard Baer (l'interrompant) : Ce qu'il faut savoir, c'est que quand on travaille avec de grands acteurs, comme ce fut le cas pour ce film, on sait que si ceux ci ne sentent pas tel ou tel dialogue, ce n’est pas de la faute du comédien, mais uniquement celle de l’auteur, et celui ci ne doit dès lors pas hésiter une seule seconde à les modifier pour qu'ils sonnent mieux dans leurs bouches..

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Sabrina, vous arborez un smoking tout le long du film..Et ce que cette tenue singulière vous a permis de mieux vous approprier votre personnage?

Sabrina Ouazani: Oui, ce smoking m’a pas mal aidé car il m’a permis de me contextualiser ce personnage..

Grâce à lui, j’ai trouvé facilement Faïza, et ce sentiment qui l’accompagne pendant toute sa déambulation, cette impression qu'elle fait des heures supplémentaires alors qu’elle rêve de retourner chez elle pour s'occuper de son bébé et retrouver auprès de son mari. Même si au final, elle se laissera progressivement embarquée par  les frasques de Luigi...

J’ai vraiment aimé ce décalage entre le costume et ce décor, et j'avoue au final que ce noeud papillon, qui m’a quand même bien serré la gorge pendant tout le film, m’a en même temps bien permis de me mettre dans la peau de ce  personange carré, posé, qui prévoit tout à l’avance, qui a besoin de repères, et qui, en étant  totalement à l’opposée de Luigi, va apprendre beaucoup de lui et lui enseigner aussi de son coté, deux trois petites vérités pas forcément inutiles pour lui...

( Retrouvez la suite de l'interview très prochainement)

OUVERT LA NUIT Bande Annonce (2017)

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Festival Sport, Littérature et Cinéma
Festival Sport, Littérature et Cinéma

Du mercredi 29 au samedi 1er février 2025
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Depuis 2014, le festival "Sport, Littérature et Cinéma" s'est imposé comme un événement qui interroge les liens entre le sport et la culture et entre la culture et le sport.

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https://www.institut-lumiere.org/actualit%C3%A9s/12e-festival-sport-litterature-et-cinema.html

 

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En 2025, Gérardmer convoque les esprits et les âmes errantes, gwishin coréens, dibbouks, djinns, zombis, fantômes en tous genres d’ici et d’ailleurs.

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 Festival Premiers Plans - 37e édition - 18/26 janvier 2025


En se consacrant à la découverte des nouveaux talents du cinéma européen et en faisant découvrir son patrimoine cinématographique, le Festival Premiers Plans d’Angers est devenu un rendez-vous culturel emblématique, reconnu par les artistes et les professionnels, suivi par un public curieux et enthousiaste, soutenu par de nombreux partenaires et personnalités.

Pendant 8 jours, près de 100 premiers films seront présentés dans les sept sections de la compétition, en présence des cinéastes : Longs métrages européens, Diagonales, Courts métrages européens et français, Films d’écoles, Plans animés et Chenaplans.

Des scénarios de courts et longs métrages seront également lus par des comédiens professionnels. La direction artistique des lectures de scénarios de courts métrages sera assurée cette année par la réalisatrice et scénariste Cristèle Alves Meira.

Le jury Longs métrages sera présidé par l’actrice, scénariste et cinéaste Nicole Garcia.

https://www.premiersplans.org/fr

 

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