Baz'art  : Des films, des livres...
15 novembre 2016

Interview de Nadège Loiseau et de Karin Viard pour leur film Le Petit locataire

 Je l'ai annoncé hier dans ma- longue- chronique du film Le Petit Locataire : j'ai eu la chance de  participer à la conférence de presse organisée par Rhône Alpes Ciné en présence de l'équipe du film le 31 octobre dernier...

L'occasion idéale pour échanger, avec quelques confrères des médias lyonnais- ce coup ci, contrairement à la conférence de presse du Prix Lumière, j'ai osé poser mes questions- à la réalisatrice Nadège Loiseau et à la fabuleuse comédienne Karin Viard- qu'on avait pu applaudir quelques semaines avant aux Célestins pour la pièce Véra.. pour une interviewe particulièrement chaleureuse et sympathique, un peu à l'image du film qui est en salles dès demain :

 NB : Etait aussi présente à cette conférence de presse, une autre actrice du film, Nadège Bosson Diagne, qui inteprète un ( petit) rôle, celui de Jackie et qui est aussi connue pour avoir joué dans la série Plus Belle la vie

collageloiseau

Est ce que pour chacune de vous deux, y a t-il un peu ou beaucoup de vous dans ce film?

Nadège Loiseau :

Évidemment non, je n’ai pas 49 ans, donc je peux vous dire que ça ne m’est pas arrivé du tout comme cela, l'annonce de ma grossesse,  et mes propres expériences de grossesse ne sont pas aussi mouvementée que celle décrite dans le film..

Ce n'est pas du tout totalement autobiographique, j'ai écrit une comédie autour de situations et de personnages qui peuvent m'être assez proche mais j'ai mis pas mal de fiction dedans quand même...

Mais pour autant, je réalise maintenant, après le film, que cette histoire est nourrie par ma propre expérience, mon entourage, mes observations.. Sur le tard, je me suis aperçu que cette histoire m'était finalement très personnelle..quand on a tourné les scènes et que les comédiens se sont appropriés les mots, je me suis dit par ci par là qu'il y avait pas mal de ce que j'ai pu vivre..J’ai pris conscience au tournage que j’avais glissé tellement de choses personnelles dans cette histoire que j’ai pris, à l’image d’Arielle dans le film, quelques bonnes grosses claques en me rendant compte de cela .. 

Par exemple, quand j'ai vu Hélène Vincent arriver pour la première fois dans le rôle de Mamilette, je me suis dit "ah oui quand même, c'est exactement ma grand mère"... Ce sont des choses enfouies au fond de moi que je pensais avoir digéré mais qui ont vraiment plus ou moins consciemment nouri la fiction

Karin Viard :

Moi, j'avoue que j'ai reconnu un peu de ma famille avec celle du film, elle est quand même assez folko, ma famille à moi.. j'ai été elevée par mes grands parents qui avaient ce coté un peu barré, mais cela dit, la famille qui fait tout ensemble comme dans le film, ça je connais pas...

 

karin-viard Le point de départ du film, est-ce en premier lieu,  l'envie de raconter l'histoire d'une femme qui était passée à coté de ses enfants lors de ses deux premières grossesses et qui a droit à une nouvelle chance?

Nadège Loiseau : Non, le point de départ, c'est vraiment l'envie de parler d' une famille un peu branque, un peu dysfonctionnelle mais dans laquelle finalement tout le monde peut se reconnaitre, c'est vraiment ça que j'ai eu envie de parler au tout début de l'écriture du film ...

C'est une famille particulièrement déjantée, mais c’est pas loin d’être le même bazar partout , vous ne pensez pas?  En totu cas, j’aimais l’idée d’un carambolage de plus dans sa vie qui lui permettrait de prendre conscience de certaines choses et d’aborder en passant quelques vrais thématiques que j'avais envie de traiter

Le constat que Nicole- Karin Viard- fait sur le fait qu'elle n'était pas là aux moments importants de la vie de ses gamins est poussée à l'extrême, car c'est là pour nourrir la comédie, mais renvoie quand même à un sentiment qu'on peut avoir en tant que mère, et c'est quelque chose que j'ai entendu parfois ici et là; donc si ce n'est pas le sujet principal du film, je trouvais cela important de le mettre dans les ingrédients de mon film...

J'ai tenu à aborder ce sujet ains que plusieurs autres thèmes du film, du reste, je trouvais cela assez chouette de m'autoriser ce genre de sujets dans une comédie...

Vous avez  tourné un court métrage  LE LOCATAIRE en 2012, est ce que LE PETIT LOCATAIRE est le prolongement direct de ce court?

 

petit locataire

Nadège Loiseau :

Ah oui totalement ..j'ai tourné le court pour m'exercer  à la fiction, pour essayer de raconter une histoire correctement, de rencontrer des producteurs,  et une fois que j'ai terminé le court, j'ai vraiment eu envie de prolonger l'expérience, de déployer l'histoire de cette famille Payan..

Le court était vraiment très proche dans les personnages et l'histoire que cela racontait, mais je n'avais pas encore totalement trouvé le tempo de cette famille, c'était vraiment un coup d'essai qui m'a vraiment bien servi pour ce premier long..

Et dès l'écriture de votre long, vous imaginiez les visages des acteurs qui vont jouer vos personnages ou cela est arrivé après ?

Nadège Loiseau :

C'est un peu un mélange des deux en fait .. au début j'ai vraiment voulu écrire sur mes personnages, et je voulais vraiment rester avec eux ..

Sur la dernière année, quand on paufine les dialogues et l'ensemble, Karin s'est totalement imposé dans mon esprit....sur la fin j'ai l'impression avec le recul que  j'écrivais en ayant sa voix un peu dans la tête même si j'essayais de rester sur le personnage..

Karin Viard : mais alors  j'aimerais savoir quelque chose : au moment où je joue ces même scènes que tu imaginais avec ma voix dans ta tête, c'est exactement comme tu le pensais ou pas du tout?

nadegeNadège Loiseau : Non , ca ne ressembait  pas à l'idée que j'en avais mais ca n'a plus d'importance pour moi à ce moment là, car au moment de filmer j'oublie totalement ce que j'avais en tête... et d'ailleurs plus globalement en tournant le long j'oublie totalement ce que j'avais fait dans le court, je suis vraiment prise dans l'action du tournage donc tout ce qui a lieu en amont ne m'importe plus à ce moment là..Je n'ai pas une très bonne mémoire du coup, ca aide pour le coup ( rires)..

Et vous avez pu imaginé que Karin Viard vous dise non au moment ou vous lui proposez le rôle?

Nadège Loiseau :Non je n'ai pas imaginé cela un seul instant pour la bonne et simple raison que je n'avais pas de plan B.. pour moi c'était Karin et personne d'autre.. cette crainte là, c'est plus mes producteurs qui l'ont eu à un moment donné  mais moi je ne l'envisageais pas une seule seconde....

Plusieurs personnes nous ont fait remarquer qu'il y a une ressemblance certaine entre nous deux,  même mes filles me font remarquer que parfois je parle un peu comme Karin Viard (rires), c'est sans doute pour cela que je ne pouvais envisager que Karin dans le rôle de ma Nicole..

Karin Viard: Ce mimétisme, il est aussi du au fait qu'on est tous les deux plutôt du Nord- moi  de Normandie, Nadège est une vraie chti,  on est blonde aux yeux clairs, on vient d'un milieu plutôt populaire , on n'a pas les codes d'un certain parisianisme, tout cela crée forcément d'entrée de jeu un terrau commun...

Cette histoire se déroulant dans un milieu particulier, elle n'avait pas besoin de m'en donner le mode d'emploi, je le connais bien  instinctivement, ce coté très direct, cette façon de balancer les choses frontalement sans méchanceté., on reste  toujours d'ou on vient, on connait l'accent la facon de se comporter de ces gens là.. Par contre,  si je dois jouer une fille du Sud j'aurais plus de mal car justement ces codes là, je ne les connais pas du tout..

Mais, justement n'avez vous pas eu peur en poussant loin le coté folkorique de cette famille que les gens qui ne connaissent pas ces codes là prennent cela comme une vision un peu caricaturale, un peu moqueur?

Nadège Loiseau : ah non, je n'ai eu jamais cette crainte là...  à aucun moment, je crois, et j'en suis même de plus en plus sûre, que je regarde ces gens d'un peu de haut.. je les aime vraiment ces gens... et entre eux, les personnages- et les acteurs qui les incarnent  il y a ce même amour qui circule et qui empeche totalement à mon sens la caricature..

Karin Viard : Et au delà de cela, ce que j'aime  beaucoup dans le film c'est cette tendresse qu'il ya toujours entre ces personnages.. même quand ils se balancent les pires saloperies- quand la grand mère dit par exemple "tu es une pire merde de merde", on sent bien qu'ils se jugent pas tant que cela entre eux, ils font comme ils peuvent..c'est tout.. Je trouve sincièrement que  la qualité de regard de nadège n'est jamais ni narquoise ni au dessus de la mélée, et ca ca change beaucoup de choses..Le même scénario  tourné par quelqu'un d'autre pourrait être bien plus radical, violent, sans  cette tendresse sur laquelle j'insiste vraiment..

Oui, d'ailleurs  à ce sujet, on pense beaucoup en voyant le film  à une certaine comédie anglaise, celles des "Virtuoses" ou de "Full Monty" , avec ce même mélange d'ancrage social et de comédie humaniste..ce sont des références auxquelles vous avez pensé en écrivant le scénario de ce petit locataire?

Nadège Loiseau :  Ah, ça me flatte beaucoup ce que vous dites là..Je ne sais pas si j'y ai pensé consciemment  . En fait c'est Karin qui m'en a fait la remarque assez tôt que dans le ton de mon film, il ya avait quelque chose entre le cinéma anglais et le cinéma belge..

Disons que le cinéma anglais est  en effet un cinéma qui se permet d'aller- parfois très loin dans la comédie et en situant ces personnages dans un milieu social qu'on voit pas tant que cela en France.. oui j'ai tenu effectivement à parler de ce milieu où un sou est un sou, où les gens doivent se lever tot pour aller bosser au péage, oui cela, j'y tenais vraiment donc le parrallèle se tient tout à fait

 Karin Viard : Oui, on est dans du cinéma très fort ancré socialement mais qui dépasse la simple comédie sociale,  et c'est cela qui m'a beaucoup plu dans le projet..

Alors justement pourquoi ce cinéma  qui a ses racines dans le Nord - de la France ou de l'Europe est filmé pas loin d'ici, dans notre  belle région Rhône Alpes  et plus particulièrement en Savoie?

 Nadège Loiseau  :  Il y a deux raisons à ce contexte géographique :  la première c'est qu'en tant que fille du Nord j'avais un peu de mal à imaginer que cela puisse se dérouler près de chez moi.. pour un premier film j'ai trouvé que c'était comme me tendre un piège que d'aller filmer sur ma terre natale, on a déjà eu d'un coté les Chtis de l'autre Chattiliez, et de l'autre encore Dumont et je ne me voyais pas trop, pour mon premier long, aller raconter un autre versant du Nord. J'avais envie d'un décor très fort comme l'est ma Nicole et par chez moi je n'en trouvais pas tant que cela..

La seconde raison, évidemment , c'est que la région Rhône Alpes nous a aidé très vite, dès le scénario et là, j'ai senti qu'on avait envie de nous là bas. et du coup je ne pouvais que répondre favorablement à cette invitation si généreuse.

Comme j'étais fascinée par ce décor des montagnes, je n'ai pas réussi à descendre plus bas qu'Annecy et que Chambéry ( contrairement à ce que souhaitait mes producteurs qui pensaient en termes de lumière naturelle).

Photo de Le Petit locataire

 Karin Viard : Par rapport à cette aide de la région Rhone Ales ciné, il faut noter le fait que tout est allé quand même très vite...

J'ai rencontré Nadège et Sylvie Pialat la productrice du film,  très rapidement vers le mois d'avril 2015, on part pour un tournage en fonction de mes disponibilités d'agenda pour le mois de septembre, donc un délai très court surtout que toutes les commissions sont passées et là,  la région Rhone Alpes qui a aimé le scénario donne de suite son accord pour le financement sans tergiverser.

Alors que parfois c'est tellement compliqué de trouver des financements, et qu'il n'y a pas pas mal de résistances de différentes natures, là on peut dire que ça a vraiment bien roulé ..

On sent bien l'opinatrieté de Nadège qui fait que tous les indicateurs sont vite passés au vert  et que le film est quand né sous une bonne étoile..

Même si il y a des raisons objectives à ce que cela ait bien fonctionné, il y a notamment une vraie cohérence dans le projet, mais  il y a aussi un coté miraculeux et ca serait bien que ce miracle continue avec la sortie du film ( rires) si ca continue comme cela, ca devrait faire un beau succès car le bébé- pour reprendre une métaphore du film- me semble  être en parfaite santé ..

 Les dialogues sont quand même bin gratinés dans ce film.. Après vos dialogues déjà très fleuris chez les Larrieu et chez Julie Delpy,  ca devient une habitude chez vous Karin..est qu'il y a parfois des mots que vous vous interdisez de dire ou pas du tout?

Karin Viard : Ah non, je n'ai aucune difficulté à dire ce genre de mots.. pour moi tout cela n'est que de la parole.  Je n'ai aucun jugement moral sur les personnages, je peux même jouer quelqu'un d'indéfendable...

Le film des frères Larrieu, c'était un peu plus difficile pour moi, car il fallait que ces répliques aient l'air gourmand, naturel  alors que je dis jamais ces trucs là dans la vie et il fallait arriver à dépasser une éventuelle gêne.. mais franchement tant que cela n'est que de la parole, rien ne me gène.. autant je n'aurais pas pu faire ce qu'a fait Maruska Detmers dans "Le diable au corps" (NDLR une fellation sans simulation),  autant dire des choses crues ne m'engage vraiment pas donc aucun probleme avec cela

Nadège Loiseau: Bien au contraire, ce qui est génial avec Karin, c'est qu'elle va même plus loin que ce que je m'étais autorisé, elle propose des répliques des mots que je n'aurais pas osé imaginé pour elle, elle me bouscule et  elle n'a aucun mal à balancer cela, et il faut dire que j'adore avoir ce genre de caractères forts dans mon équipe...

REBOT

D'où est venue l'idée de choisir Philippe Rebot, qui est vraiment formidable dans le rôle du mari de Karin Viard ?

Nadège Loiseau : En fait,  l'idée est un peu venue de là ( en montrant Karine à sa gauche) ..J'avais Philippe en tête dans le casting, mais dans un autre rôle, pas celui de Jean Pierre, et quand on a discuté avec Karin, elle m'a convaincu qu'il était le role idéal..

Karin Viard: En fait,  Nadège avait pensé un autre acteur pour le rôle de mon mari- il n'est pas connu, mais je ne vous dirais pas qui c'est (rires)-  mais je me sentais pas vraiment  à l'aise avec lui, et du coup même si je n'impose jamais de noms aux réalisateurs, car c'est pas du tout mon style, je lui ai soufflé l'idée de Philippe pour ce rôle  :  cet acteur est énorme car, à lui seul, il incarne  ce genre de types un peu lache  qu'on aime tant et qu'on voit  justement dans la comédie anglaise,  ce type qui au moment de payer l'addition  se tire à ce moment là et il le fait avec des lettres de noblesse..

Comme il y a quelques scènes d'intimité dans ce film, j'avais besoin d'être avec l'acteur qui joue mon mari dans une certaine familiarité, d'être bien à l'aise  et c'est vraiment le cas avec Philippe..

J'espère vraiment que ce rôle va lui permettre de vraiment révéler tout son talent et lui apporter plein de bonnes choses..

On souhaite également et évidemment plein de bonnes choses à Philippe Rebot et à toute l'équipe de ce très joli "Petit Locataire" et dès demain on croise les doigts pour que sa carrière en salles soit aussi belle qu'annoncée..

Merci énormément à l'équipe du film et à Rhone Alpes ciné pour que cette interview ait pu avoir lieu..

 LE PETIT LOCATAIRE - Sortie de salle - Karin Viard, Philippe Rebbot et Hélène Vincent

Commentaires
A
Tes articles m'ont décidée, je vais le voir ce soir !
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