Un jour tu raconteras cette histoire : un récit profond et bouleversant sur l’amour et la perte.
" Pour moi, qui n'avais pas de problème de santé-un cœur brisé ne comptait pas- vivre à l'hôpital était étrange. Dans notre merveilleuse maison de Hinsaker Canyon, nous notre musique et notre jardin, les oiseaux, les étoiles, mais je préférais rester à l'hôpital avec Jim plutôt que faire la navette entre ces deux mondes."
On connait certainement autant, sinon plus, Joyce Maynard, une des très grandes romancières américaines d'aujourd'hui, pour son histoire d'amour avec J.D Salinger lorsqu'elle avait 19 ans ( une love story qu’elle avait relaté dans un très beau récit paru il y a une dizaine d'années), que pour son œuvre littéraire, pourtant de fort belle tenue, notamment son superbe "Long Week end", ou "L'homme de la montagne", dont on avait dit tout le bien ici .
Alternant avec la même maitrise romans et récit autobiographiques, elle récidive dans cette seconde veine en cette rentrée littéraire avec le poignant Un jour tu raconteras cette histoire dans laquelle elle narre par le menu détail le récit de ses années de vie commune avec Jim, de leur rencontre à ses derniers jours après un long combat contre un cancer du pancréas.
Sujet ô combien casse gueule quand on sait à quel point est fragile le lien entre autobiographie et exhibition de sa vie intime . Mais ici, alors que l’auteur se met totalement à nu, aucune sensation de voyeurisme ne nous étreint, tant la plume de Maynard évite tous les pièges inhérents à l’exercice.
Par la force de son écriture, Joyce Maynard sublime le récit de cet amour entre deux sexagénaires revenus de pas mal de désillusions qui doivent d’abord apprendre à composer avec le passé de l'autre, qui vont vivre un bonheur fugace que la maladie va vite rompre.
"Cela va s'arranger, lui assurais je. Quand ses enfants seront habitués à moi. Nos enfants étaient tous adultes, ils vivaient leurs vies, trouvaient leurs conjoints. Il était bien normal que nous trouvions le nôtre."
A soixante ans passés, Joyce apprend ce que véritablement aimer veut dire, et ce qu’être un partenaire signifie : aimer en intégrant des paramètres tels que l’angoisse, du désespoir qui menace à chaque instant.
Malgré les souffrances des traitements, et des hospitalisations, Jim fait preuve d’un courage admirable pour lutter, même si dès les premières pages, Maynard ne nous fait miroiter de faux suspens et de happy end.
Joyce Maynard retrace leurs -courtes mais heureuses- années faites de voyages, de petites et grandes folies, de bonheurs du quotidien et de belles réjouissances, ainsi que leurs combat, leurs espoirs de guérison, les opérations et les médicaments, mais surtout la force de l’amour qui les unissait.
Ce récit d'un amour vécu sur le tard est traité avec énormément de justesse et de force, et évite les clichés et la banalité : on comprend largement comment Joyce Maynard avait pu émouvoir autant par sa personnalité que ses qualités de plume, émouvoir JD Salinger alors qu'elle avait à peine 18 ans.
La personnalité de Maynard, telle qu’elle transparait dans son livre, est assez formidable d’ambivalence et d’ambiguïté : jamais Maynard cherche à s’épargner, elle n'est pas tendre avec elle-même et même à travers la maladie de son compagnon, elle ne s’attribuera pas forcément le beau rôle.
Si la seconde partie une fois que la maladie fait son apparition est plus factuelle plus âpre que la première et les personnes hypersensibles pourraient être retournés, cette chronique des beaux jours et des jours terribles de ces américains sexagénaire, entre comédie romantique et chronique hospitalière insoutenable, est une vraie merveille à ne pas rater en cette rentrée littéraire 2017.