Nos seins : Couvrez ce cancer que je ne saurais voir – Théâtre La Reine Blanche (Paris)
Le tatami est en place, les lumières sont braquées sur elle. Elle, c’est Françoise Lorente. Françoise a vécu mille vies avec la scène, des Cours Florent et Simon à la direction de compagnie, sans oublier la pratique du ki-aïkido. Elle en devient championne, renversant tous ses adversaires. Puis en 2021, vient un des plus redoutables : une boule dans le sein découverte lors d’un rendez-vous de routine. La poitrine écrasée par la machine, le souffle coupé, le cancer apparaît. Triple négatif, un des plus agressifs. Le combat sera long…
Un jour, l’annonce du diagnostic tombe, et avec elle, toute certitude de l’avenir. La solitude l’envahit. Elle n’est pas la seule : une femme sur huit développe ce mal au cours de sa vie. Pour la rompre, la comédienne décide d’écrire sa traversée de la maladie, toutes les émotions qui la transperce et la libèrent durant ses mois : colère face à cette épreuve, tristesse face à la difficulté de continuer à tourner en dehors des séances et le corps qui devient une prison… Après l’opération, viennent les séances de chimiothérapies où médecins défilent devant ce qu’ils voient comme un objet d’étude. L’objectivation du corps des femmes passe la porte de l’hôpital. Le sein est touché, sa condition de femme aussi : comme l’explique la philosophe Camille Froidevaux-Metterie à Libération, « Ils (les seins) marquent d’abord l’entrée des filles dans leur corps sexué, la puberté constituant une forme d’immersion assez brutale dans la condition objectivée qui sera la leur. (…) Ils marquent d’abord l’entrée des filles dans leur corps sexué, la puberté constituant une forme d’immersion assez brutale dans la condition objectivée qui sera la leur ». La façon dont on traite ce cancer raconte aussi la façon dont la société et la médecine traitent les femmes. Même l’histoire biblique le prouve : Saint Agathe de Catane est morte martyre, torturé par les seins.
Pour mener ce combat à mains nues contre un ennemi invisible, il est indispensable de s’entourer. Françoise ne comprend pas que sa compagne ne parte pas, écoeurée par cette masse qui l’affaiblit. Elle la supplie de partir mais cette dernière reste, elle sera un pilier pour la suite. Dans les faits, on le sait que cela ne se passe pas toujours comme cela : une étude publiée par la revue Cancer, en novembre 2009, montre que, face au diagnostic d’un cancer, une femme a six fois plus de risques de connaître une rupture qu’un homme dans la même situation.
Nourrie par la voix de d’autres femmes ayant caché leur cancer, Françoise Lorente livre une performance poignante sur le corps qui disparaît sous les traitements jusqu’à sa reconstruction en tant que femme, afin de déstigmatiser la maladie.
Crédits photos : Nicolas Blandin
Nos Seins
Ecrite et interprétée par Françoise Lorente
Mise en scène par Morgane Janoir et François Lorente
Les mardi, jeudi et samedi à 20h ou 21h
1h10
Jusqu’au 16 novembre 2024
Théâtre de la Reine Blanche (Paris 18ème)
Jade SAUVANET