Nues : quand les Brigitte tombent- enfin- le masque pour notre plus grand plaisir
Difficile de ne pas céder au charme du duo Brigitte, (formé de Sylvie Hoarau et Aurélie Saada) apparu au début des années 2010, avec leur reprise sexy en diable du Benz de NTM, tant ce duo glamour et langoureux apportait un vent de nouveauté et de fraicheur sur la chanson française.
Difficile certes, mais pas totalement impossible, car, personnellement, j’avais un peu de mal à vibrer complétement pour ces artistes, considérant que le duo avait un peu trop tendance à se dissimuler derrière leurs strass et paillettes pour ne pas trop se dévoiler et donner un côté trop superficiel à leurs productions.
Certes, les Brigitte commençaient à percer la carapace et se dévoiler dès 2014 avec leur précédent album, A Bouche Que Veux-tu avec notamment le très beau titre Le Déclin, qui sondait l’usure du couple et la difficulté du quotidien amoureux.mais le reste des morceaux, mais le reste de l’album m’avait semblé encore un peu trop nimbé de cette nonchalance que l’on utilise pour masquer ses émotions (un peu comme un Julien Doré aurait eu tendance à le faire dans ses premiers albums également).
Mais la métamorphose s’est vraiment opérée en cette fin 2017, le 17 novembre plus exactement, avec un album sorti chez Columbia, Sony Music avec leur troisième album solo, le bien nommé Nues.
Dans cet album, fini, les artifices trop voyants, les morceaux trop légers, un peu trop disco, et un peu trop désinvoltes : les Brigitte se mettent vraiment à nu et oser sonder au plus profond de leurs fêlures et leurs intimité.
Et elles en profitent pour mettre de côté (un peu certes mais c’est quand même beaucoup) la déconne, les maquillages et les perruques, qui cachaient sous l’outrance l’émotion, la vraie. Dans "nues", bye bye l'espièglerie et l'ironie, et bonjour les sentiments et l'intime.
Un certain nombre de titres arrachent les larmes dès la première écoute : ainsi Mon Intime Étranger,un morceau aussi poignant qu’incisif sur la place qu’occupe un père pourtant absent dans la vie de tous les jours, une sorte de double inversé du "Plus fort c’est mon père " de Lynda Lemay.
Mais d'autres titres viennent se placer dans les pas de ce bouleversant titre : Le Goût du Sel de tes Larmes La Babydoll de mon idole, La morsure et bien évidemment le tube Palladium : tous ces morceaux refusent les seconds degrés pour aller frontalement dans l’émotion et évidemment, on se dit que l’'arrivée du piano, instrument, jusque-là absent des compositions du duo y est sans doute beaucoup pour quelque chose.
C'est un voyage sur la côte ouest américaine pour l’une des membres du duo qui explique l’arrivée du piano dans leurs chansons, et on ne peut que dire God Bless America à l’écoute de ces mélodies d’une pureté et d’une douceur inouïe, mettant encore plus en valeur des textes qui ont sans doute gagné en âpreté.
Moins acidulés, plus aiguisés, les textes de cet album "Nues " touchent au plus profond de notre âme, et ce nouvel opus sonne comme un joli tournant de ce duo toujours aussi sexy et féministe dans ces propos, mais qui désormais prennent de multiples visages, celui de sœur, fille, mère, amie, citoyenne du monde, et j’en passe…
Dans "Nues", jamais leurs harmonies vocales n’auront été aussi touchantes, et leurs sons aussi variées (on y entend même un peu de sonorités orientales sur le très réussi La Morsure).
On pense parfois à Berger et France Gall (l’hommage est de circonstance), encore bien plus à Sanson dont la ressemblance est frappante dans certains morceaux, notamment Sauver ma peau, mais Brigitte parvient évidemment à éviter le copier coller, en y insufflant la modernité et le métissage adéquat pour sapproprier parfaitement. Ses références qui pourraient être handicapantes
Bref, une renaissance totalement réussie, qu’on a hâte d’aller applaudir sur scène lors d’une tournée qui commence très prochainement et qu’on imagine forcément très triomphante…
Deux salles différentes sont déjà annoncées sur Lyon en mars et en avril (Le transbordeur et la bourse du travail pour deux spectacles sans doute un peu différents) l’occasion rêvée d’y aller sans l’once d’une hésitation.